Le débat sur les institutions est relancé, de manière inquiétante. Alors qu’ils continuent à dénoncer vertueusement la dérive monarchique, les trois principaux candidats pensent et agissent de telle manière que nous pouvons craindre une dérive autocratique.

La monarchie fonctionne selon des règles de droit qui organisent les relations entre l’Etat et les citoyens (élections, referendum) et qui régissent les rapports entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Nous constatons chez nos voisins européens que la monarchie royale est démocratique. Certes, le chef d’Etat est désigné selon un principe de succession – pour garantir sa fonction arbitrale. Mais le Premier ministre, qui dirige effectivement l’action politique en fonction d’un programme de gouvernement, est élu au suffrage universel lors des élections législatives.

Dans la 5ème République, le président exerce sa fonction arbitrale dans l’ambiguïté (François Mitterrand) ou de façon très théorique (Jacques Chirac) mais la Constitution assure des relations souples entre le Parlement et Gouvernement. Ainsi, plusieurs lectures de notre loi fondamentale sont possibles : selon les circonstances, la réalité du pouvoir peut être assumée par le président, par le Premier ministre, par la majorité des députés. Nous pouvons avoir nos préférences, l’essentiel est qu’il y ait du jeu pour que la machine étatique ne se bloque pas.

Ce jeu entre les pouvoirs est complexe, il comporte une bonne part d’aléatoire (les législatives décident ou non d’une cohabitation), alors que l’autocrate est un grand simplificateur : un seul commande, sans tenir compte des limites assignées à son pouvoir et en faisant sauter le plus possible de médiations. L’autocrate ne supprime pas nécessairement la souveraineté populaire : il veut être en contact direct et permanent avec le peuple.

Tel est sans doute le fantasme qui se manifeste dans le nouveau slogan choisit par Ségolène Royal : « La France présidente », c’est la relation fusionnelle entre le peuple français et leur (future ?) présidente tandis que des journalistes de gauche célèbrent follement une fonction maternante. La monarchie royale n’est pas un pouvoir paternel ni paternaliste, encore moins familial (le roi est désigné par une loi – toujours modifiable – de l’Etat, ainsi que son successeur). En régime de monarchie élective, la présidence de la République ne saurait être dévolue à une Mère. Terrifiante confusion de la fonction politique et du rôle familial !

Plus prosaïquement, nous voyons Ségolène Royal diriger sa campagne de manière autocratique : sans tenir compte du programme socialiste qu’elle a approuvé, elle annonce le 18 mars une « 6ème République » qui sera issue d’une Assemblée constituante, précise -t-elle le lendemain. Mais, le 21 mars, la candidate déclare qu’elle prendra l’avis d’un simple « comité consultatif constitutionnel » avant de soumettre son projet à référendum. Nous ignorons tout du « nouvel équilibre des pouvoirs » – sauf que la présidente potentielle souhaite rendre compte de son mandat devant l’Assemblée nationale au mépris du principe de séparation des pouvoirs. Il y aurait aussi des comptes-rendus devant un jury populaire tiré au sort, sans que l’on puisse savoir s’il y aura simple mise en scène ou mise en question de la responsabilité du chef de l’Etat.

Nicolas Sarkozy n’était pas moins inquiétant lorsqu’il déclarait le 15 décembre dernier que « le président de la République n’est pas un arbitre au-dessus des partis (c’est) « un leader », « ce n’est pas un homme qui se dissimule derrière… un Premier ministre ». Là encore, on voudrait faire sauter les médiations qui assurent des relations relativement paisibles au sein de l’exécutif.

François Bayrou confirme clairement cette dérive autocratique : il veut que le président de la République « détermine et conduise la politique de la nation » (rôle dévolu au Premier ministre par l’article 20) et que le chef du gouvernement soit seulement chargé de la mise en œuvre de cette politique.

Je n’oublie pas que les trois candidats veulent revaloriser la fonction parlementaire. Mais tous tiennent pour acquis qu’ils disposeront à l’Assemblée d’une majorité soumise à leur volonté. Leur modèle est celui du bloc pyramidal. Qu’ils aient au moins le courage de l’expliciter.

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Editorial du numéro 901 de « Royaliste » – 2 avril 2007

 

 

 

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