Le chaudron originel. Dans l’atmosphère survoltée de l’après-mai 68, dans l’enthousiasme de la jeunesse, dans les bouillonnements intellectuels et militants qui suivent une scission, les collections de notre journal rappellent que nous avons additionné dans nos trois premières années des analyses et des prises de position où un maurrassisme gauchi et déclinant trempait dans un tiers-mondisme niaiseux mais gaullisé, qu’assaisonnait le révolutionnarisme à la mode. Groupe en fusion, la NAF s’est acheminée vers la NAR à la faveur de notre participation à l’élection présidentielle de 1974 et de notre rencontre avec le comte de Paris.
Cette révolution qui ne vient pas. Trop souvent, nous avons annoncé des bouleversements sociaux qui ne se sont pas produits ou qui se sont réduits à des mouvements de grève sans grands effets sur l’évolution politique. Comme tous les militants, nous pensons que l’annonce de l’événement favorise sa réalisation. C’est rarement le cas.
Maastricht ? Notre Oui au référendum de 1992 a surpris et parfois choqué. Pour justifier cette prise de position, nous avons rappelé qu’un détestable tournant économique avait été pris lors de la signature de l’Acte unique en 1986 et que nous restions opposés à une union monétaire qui était loin d’être jouée à ce moment-là. Et nous avons souligné que le traité de Maastricht était un acte politique, rendu nécessaire par la chute du Mur de Berlin : il était indispensable de bien arrimer l’Allemagne. Notre Oui était un Non explicite à la volonté de puissance allemande.
Le choix de la NAR était contraire à celui exprimé par le comte de Paris et nous savons que de très nombreux adhérents et sympathisants de la NAR ont voté Non avec le chef de la Maison de France. Le Oui était raisonnable sur le moment mais l’histoire a donné raison aux adversaires de Maastricht.
L’euro. C’est notre plus grosse erreur, dont j’assume l’entière responsabilité. Pendant des années, j’ai affirmé que le passage à l’euro ne se ferait pas et j’ai exposé mes thèses dans un livre dont le titre sonnait comme un défi : “Le krach de l’euro” (Editions du Rocher). Ce krach n’a pas eu lieu et le changement de monnaie s’est opéré rapidement, dans l’enthousiasme médiatique, sans soulever l’opposition des syndicats, sans que les organisations politiques les plus dubitatives fassent campagne. J’avais écrit qu’il n’y avait pas de monnaie sans Etat parce que la monnaie était par définition l’acte d’un pouvoir souverain, j’avais affirmé qu’il n’y avait pas de monnaie fiduciaire sans l’existence d’un pouvoir fondé sur une légitimité démocratique. Mais l’euro a circulé et circule encore. J’ai publié une longue autocritique dans “Royaliste” (n° 788) puis nous avons constaté avec amertume que la somme croissante des effets négatifs de la prétendue “monnaie européenne” ne soulevait pas la moindre émotion dans les partis de gauche et dans le syndicalisme de résistance.
Bertrand RENOUVIN
Article publié dans le numéro 1224 de « Royaliste » – 22 décembre 2021
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