Formulé par les groupuscules néo-nazis dans les années cinquante, lancé dans le débat public par Éric Zemmour, le thème du “grand remplacement” nie radicalement la conception française de la nationalité.

Dans une campagne présidentielle normale, l’immigration est au centre des polémiques médiatisées (1). Le thème favorise tous les effets de manche, sans aucune conséquence pratique puisque le capitalisme a besoin de renouveler régulièrement les flux de main d’œuvre servile.

Éric Zemmour se préparait à ce débat rituel, dont il est aujourd’hui privé. Il avait même durci l’enjeu pour doubler Marine Le Pen : il ne s’agit plus selon lui de limiter l’immigration mais d’en finir avec le “grand remplacement”. On crédite l’écrivain Renaud Camus de l’invention de ce thème alors qu’il a été conçu par les néo-nazis du Nouvel Ordre européen après 1945 et repris par l’extrême droite française (2). Le propos est en effet ouvertement raciste : il s’agit de défendre la race blanche contre les peuples de couleur. Éric Zemmour est sur cette ligne : il préconise la suppression des bourses pour les étudiants africains et l’arrêt de l’aide au développement pour les pays qui refusent le renvoi des clandestins. Cela signifie que la France abandonne la francophonie – sauf le Québec, peuplé de “blancs” – et renonce à une grande partie de ses échanges culturels avec le monde.

La thématique du “grand remplacement” s’accompagne, en bonne logique raciste, de la suppression du droit du sol. Si l’on définit l’identité de la France par la blancheur de la peau – au mépris de nos concitoyens antillais, guyanais et réunionnais – il va de soi qu’un étranger au teint plus ou moins coloré ne peut devenir français puisqu’il est censé porter la marque d’une civilisation en tous points étrangère et hostile.

Cette conception raciale du monde ne conduit pas seulement à faire partir les étrangers extra-européens – y compris les asiatiques ? – par privation de toute protection sociale. Elle remet en cause l’appartenance à la nation française des générations de citoyens issus de l’immigration et incite à divers types de violence contre ceux qui sont désignés comme des ”Français de papier”. La plupart des sympathisants d’Éric Zemmour ne souhaitent pas la guerre civile – mais elle est implicite dans le discours sur le “grand remplacement” qui n’a aucune réalité sur le plan démographique (voir page 10).

La thématique zemmourienne illustre le paradoxe des identitaires. Ils affirment défendre l’identité nationale, mais ils présentent une vision fantasmée de l’histoire : la France n’a jamais défini la nation comme une entité raciale mais comme un statut juridique incluant le droit du sol. Au nom de cette identité fantasmée, ils font peser une menace sur l’unité nationale, principe politique fondamental qui devrait être le souci primordial de tout chef d’Etat.

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(1) Pour refaire le point, cf. Didier Leschi, Ce grand dérangement, L’immigration en face, Tracts Gallimard, N° 22, novembre 2020.

(2) l’étude de Stéphane François dans Afrique XXI : https://afriquexxi.info/article4932.html

 

Article publié dans le numéro 1230 de « Royaliste » – 11 mars 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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