Dette : la droite néolibérale dans l’impasse

Avr 4, 2024 | Economie politique

 

 

Les gardiens du temple rigoriste dénoncent le montant de la dette publique et réclament la réduction du nombre de fonctionnaires, plus des coupes drastiques dans les dépenses sociales. C’est s’aveugler sur la logique du système qu’ils continuent de promouvoir.

Le plan d’économies de 10 milliards ne suffira pas. La Cour des comptes demande 50 milliards mais on peut aller encore plus loin. Bercy s’est trompé dans ses prévisions et les agences de notation pourraient bien baisser la note de la France. Haro sur Bruno Le Maire !

Nous ne hurlerons pas avec les loups. Cent fois, nous avons rappelé que Bercy, qui doit respecter les normes budgétaires fixées par Bruxelles, ne contrôle ni la politique monétaire, décidée par la Banque centrale européenne, ni son commerce extérieur qui relève de l’Union européenne. Les néolibéraux, qui sont de chauds partisans de ce système de contraintes, veulent en ignorer les conséquences. La campagne qu’ils mènent en ce moment sur la dette publique s’en trouve invalidée d’autant plus manifestement qu’ils sont hostiles à toute augmentation des impôts sur la richesse. Mais écoutons le chœur de la Vertu outragée qui répand ses larmes dans les colonnes du Figaro avant de vanter ses remèdes purgatifs.

Voici Agnès-Verdier-Molinié qui chante depuis des lustres le grand air du “ça ne plus durer comme ça” à cause du train de vie de l’Etat et des gens qui boulottent des médocs à tout-va. Voici Bertille Bayart qui clame que les coups de rabot budgétaires sont loin de la véritable austérité. Voici l’incontournable Nicolas Baverez qui déverse, un matin de 1er avril, des ribambelles de chiffres choisis pour dénoncer “la dérive et la faillite de l’Etat-providence”. Après les cris de panique, les potions magiques de la famille Purgon : il suffit de “déboulonner le modèle de 1945” nous dit la cousine Bertille qui est bien sûr d’accord avec tonton Nicolas pour vanter les retraites par capitalisation. La grande sœur Agnès, enfant chérie du patronat, se concentre sur la purge dans la fonction publique et sur une “réduction du coût de production de nos services publics” qui annonce de fortes réductions de personnel.

Tout cela paraît frappé au coin du bon sens : quand on dépense trop, on fait des économies, à l’exemple de la bonne ménagère qui ne demande pas de crédit. Or le programme néolibéral de la famille Purgon masque derrière un déluge de chiffres un redoutable paradoxe : l’endettement massif, en France, dans l’Union européenne et aux Etats-Unis est le fruit pourri du néolibéralisme. Comme l’expliquent maints chercheurs qui n’ont pas les honneurs du Figaro, la politique de “défense de la richesse” qui favorise systématiquement le Capital provoque des inégalités et des souffrances sociales qui provoquent des vagues de protestation sociale et qui peuvent conduire à des insurrections violentes. Pour parer ce danger, les gouvernances oligarchiques distribuent massivement des compléments de salaires et de revenus et allègent la fiscalité sur les classes populaires pour éviter l’explosion sociale. Ces allègements fiscaux ajoutés aux multiples faveurs dont bénéficient les détenteurs de capitaux entraînent une diminution des rentrées fiscales. C’est sous ce double effet que les dettes publiques progressent : le Figaro du 1er avril s’effraie de “la folle croissance de la dette américaine” : mille milliards de dollars de plus tous les cent jours…

Qu’ils soient au gouvernement ou dans la presse détenue par les groupes financiers, les partisans de la purge sociale se trouvent devant un choix impossible :

Oui bien ils acceptent un programme minimum de réduction de l’endettement public par forte augmentation de la fiscalité sur les riches, suppression des niches fiscales et des subventions non contrôlées au secteur privé – avant même le programme salvateur de sortie de l’euro, de nationalisation du crédit et de contrôle des mouvements de capitaux. Il va sans dire que ce programme minimum ne sera pas accepté par les milieux financiers, qui se croient à l’abri dans leurs bureaux-forteresses.

Ou bien ils taillent dans les effectifs des administrations et des services publics tout en réduisant au maximum la protection sociale. Mais en ce cas ils risquent un incendie social qui ne les épargnera pas. Les manifestations contre les réformes du système de retraites depuis 1995 et la révolte des Gilets jaunes ne sont que des avertissements, soutenus par la majorité des Français mais oubliés par les oligarques qui se congratulent après chaque victoire tactique.

La logique implacable que nous soulignons et les impasses dans laquelle les dirigeants occidentaux sont confrontés devraient être au centre de la campagne pour les élections européennes et nourrir les programmes des différentes listes. Il est plus que probable qu’on tonnera sur les tribunes du Rassemblement national, de la droite libérale et de la gauche glucksmanienne tout en s’employant à ne pas troubler “les marchés”. L’important, c’est de trouver sa place dans un système eurocratique qui est conçu pour défendre l’insupportable domination du capitalisme rentier…

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Article publié dans le numéro 1276 de « Royaliste » – 4 avril 2024

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