Emmanuel Macron décide, en ce mois d’août de l’an de grâce 2025, après un semestre particulièrement chargé sur la scène internationale, sans parler de la scène intérieure, de lever le pied[1]. Entouré de sa belle et grande famille, il savoure ce moment hors du temps lui permettant, une fois n’est pas coutume, de mettre ses doigts de pied en éventail au Fort de Brégançon, dans le Var. Pour conserver la forme, il déambule à pied dans la vicinité de sa charmante résidence d’été. De temps en temps, il pique une tête dans la piscine à un endroit où il n’a pas pied ou accepte de monter à bord d’un frêle esquif, lui qui a le pied marin. Il lutte pied à pied contre son envie irrépressible de travailler du soir au matin. Bon an, mal an, Emmanuel Macron est bien heureux de prendre son pied en étant inactif, contemplant la mer qu’il voit danser le long des golfes clairs alors que tout s’agite autour de lui. Qu’il s’agisse de folliculaires en mal de scoops faisant le pied de grue aux abords de la demeure divine ou bien de quelques curieux avides de sensations fortes sautant d’un pied sur l’autre pour avoir la chance d’entre-apercevoir, y compris de manière fugace, le divin enfant. Mais, toutes les meilleures choses ont une fin dans la Macronie déclinante. Le Président de la République va devoir changer de pied subito presto.
Emmanuel Macron est, en effet, rapidement rattrapé par les crises gravissimes qui secouent la planète de l’Ukraine à Gaza. Résultat immédiat : Jupiter est contraint, à son corps défendant, de travailler d’arrache-pied. Il remet le pied à l’étrier en retrouvant ses dossiers extérieurs, mais nouveauté, aussi intérieurs. N’écoutant que son cœur d’artichaut et le chœur de ses thuriféraires, il met les pieds dans le plat avec les deux infréquentables que sont Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahou. Il leur flanque son pied dans la partie la plus charnue de leur individu. Il accompagne la parole au geste en déclamant quelques madrigaux peu diplomatiques en respectant les règles de la versification en pieds. Sa stratégie est claire et simple : faire repartir ces deux ignobles créatures du bon pied pour le plus grand bien de l’humanité. Mais, les deux infréquentables ne s’en laissent pas compter. Ils ne sauraient accepter d’être traités comme de vulgaires va-nu-pieds qui seraient aussi bêtes que leurs pieds. Ils veulent lui prouver qu’ils n’ont pas les deux pieds dans le même sabot. Qui plus est, l’autocrate russe tente de lui démontrer qu’il aurait tort de ne pas prendre ses paroles sur le comique ukrainien au pied de la lettre tandis que l’incontrôlable israélien prend son pied en mettant en avant l’argument du développement de l’antisémitisme hors de contrôle dans l’Hexagone. Les deux affreux compères oublient tout simplement que quand Jupiter se met en colère, il ne saurait se prendre les pieds dans le tapis en son auguste Palais de l’Élysée. Il leur fait savoir qu’il les attend de pied ferme pour leur faire la leçon s’ils ont le courage de se rendre à son invitation à pied ou à cheval. Le Chef de l’État se bat pied à pied contre ces deux infréquentables. Il sait que son combat pour le Bien et contre le Mal suppose d’être en permanence à pied d’œuvre, y compris depuis sa résidence au pied d’une colline sur la French Riviera et pendant ses vacances bien méritées.
Emmanuel Macron n’oublie pas pour autant le malappris à la crinière jaune à qui il fait quelques jolis pieds de nez de son cru pour lui démontrer qu’il perd pied sur les dossiers ukrainien et gazaoui.
Sur le premier dossier, il lui dit son fait : le dictateur de Moscou ne cesse de lui faire croc-en-jambe et croche-pied sans qu’il en prenne ombrage. Malgré ses trois pieds six pouces, Emmanuel voit loin dans cette mêlée mondiale qui tourne de plus en plus à la partie de jambe en l’air diplomatique. Vladimir Poutine, qui est entré par effraction sur le sol ukrainien grâce à un pied de biche, n’entend pas en rester là. Il ne veut pas s’arrêter en si bon chemin, estimant ne pas avoir pieds et poings liés par le milliardaire new yorkais. Il use et abuse de la patience de l’homme à qui il arrive parfois de lui faire une tête de six pieds de long pour manifester son impatience face à ses atermoiements. Au rythme où vont les choses, Donald Trump risque de se retrouver les pieds dans l’eau du marécage russe. A-t-il encore les pieds sur terre ou bien est-il sur le chemin qui le conduira six pieds sous terre ? La question est loin d’être théorique. Dans ce monde en miettes, il est important de se confronter au réel sans se laisser abuser par le flot d’informations en continu véhiculées par des perroquets à carte de presse au petit pied
Sur le second dossier, il fait des pieds et des mains pour faire reconnaître l’État de Palestine par un maximum de ses compères occidentaux. Au pied levé, il convoque quelques grandes conférences aux issues aussi incertaines les unes que les autres. Il fait savoir à Donald Trump qu’il viole les règles intangibles du droit international en refusant d’octroyer des visas aux quatre-vingt Palestiniens souhaitant participer à l’Assemblée générale de l’ONU et, ainsi, les empêchant de mettre un pied sur le sol américain. Par ailleurs, peu importent les carabistouilles de l’allumé de Tel Aviv, Jupiter n’a de cesse de grimper l’Himalaya des obstacles diplomatiques et stratégiques, auxquels il doit faire face, à la force de ses poignets et sans jamais mettre pied-à-terre. Il n’a que faire des conseils de prudence que lui prodiguent quelques Pieds Nickelés des relations internationales et de la diplomatie. Il reste stoïque, l’arme au pied, toujours prompt à enjamber le marchepied qui doit le conduire immanquablement au firmament des grands diplomates de tous les temps.
Et cette liste de dossiers qu’Emmanuel Macron doit traiter avec efficacité et célérité est loin d’être exhaustive. Emmanuel Macron est habillé de pied en cap pour jouer le rôle de Zorro, le cavalier masqué qui arrive du fond de la nuit pour régler, à sa façon, les problèmes qui nourrissent son agenda politique intérieur et diplomatique. Il leur trouve une brillante solution en se refusant à traîner les pieds comme un vulgaire diplomuche effrayé par l’ampleur de la tâche. Qu’on se le dise ! Le Président de la République n’est pas homme à baisser les bras. Quoi qu’il arrive, il reste sur pied. Il parvient toujours à mesurer la distance à parcourir pour parvenir au but qu’il s’est fixé avec un pied à coulisse made in Macronie.
Dans le bureau du maître des horloges, le tic-tac devient de plus en plus sonore. Jupiter se trouve au pied du mur.
Jean DASPRY
Pseudonyme d’un haut fonctionnaire, docteur en sciences politiques.
Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur.
[1] Ophélie Neiman, Pas de congé pour le pied – 7/7 – Des petons et des expressions, Le Monde, 31 août-1er septembre 2025, p. 19.
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