Ultime paradoxe du “progressisme” macronien : la répétition, longue comme un jour sans pain, des mêmes mots et des mêmes gestes. Il s’agit de masquer, pour soi-même et les autres, la paralysie de la gouvernance et son isolement face à un peuple massivement révolté.

L’isolement est manifeste. Pour que Macron et les macroniens puissent se déplacer hors de leurs résidences, il faut, au Stade de France et dans diverses villes du pays, créer des zones de sécurité protégées par la Gendarmerie mobile et CRS et procéder à des confiscations ou tentatives de confiscation, également ridicules, de casseroles, sifflets, cartons rouges, gilets jaunes, mégaphones – avec parfois le renfort de drones et de maîtres-chiens.

Bien entendu, ce déploiement de forces et ces contrôles vexatoires alimentent la colère et suscitent un match intervilles de casserolade. Pour les manifestants et pour les téléspectateurs, il ne fait aucun doute que l’homme que protègent les gardiens de l’ordre est le premier fauteur du désordre, la cause immédiate du malheur commun.

Ce qui fascine dans cette séquence, c’est l’attitude d’Emmanuel Macron. Il semble avoir atteint le point ultime d’un processus de rigidification de la non-pensée, de mécanisation du geste et de la parole qu’on croyait réservé aux autocrates en bout de course.

Confrontée à la révolte sociale la plus massive et la plus cohérente de toute notre histoire, l’homme qui a provoqué ce mouvement ne doute pas une seconde de lui-même. Dans un entretien accordé au Parisien le 23 avril, Emmanuel Macron ne reconnaît qu’une seule erreur – celle de “ne pas être assez présent pour donner une constance et porter cette réforme moi-même”. Ce qui signifie que le Premier ministre et les ministres n’ont pas été à la hauteur de la tâche pédagogique qu’il leur avait assignée !

L’idée du déficit d’explication envers une foule trop bête pour saisir du premier coup la nécessité de la réforme qui va le frapper est bien antérieure à la macronie. Emmanuel Macron ne fait que reprendre un poncif et, quand il va sur le terrain, l’explication de la réforme des retraites se limite à une injonction moralisatrice : il faut faire un effort ! Comme cet “effort” est demandé aux classes moyennes et populaires depuis quarante ans, sans le moindre résultat tangible, par les défenseurs des grandes fortunes et des superprofits, il n’est pas étonnant que la “pédagogie de la réforme” tombe à plat.

Emmanuel Macron ne se contente pas de créer du désordre partout où il passe et d’alimenter la colère par sa morale à deux sous. Il balance des dizaines de promesses qui provoquent autant de confusion que d’incrédulité. Déjà, en avril 2022, il avait présenté son programme pour les cent premiers jours de son deuxième mandat avec une réforme des retraites et plein de mesures sympa contre l’inflation. Objectif : éviter un acte II des Gilets jaunes !

Le cinglant ratage de ce plan mirifique n’a pas empêché le lancement d’une nouvelle campagne de cent jours pour relancer le mandat. Et là, c’est Noël en mai. De sa hotte, Emmanuel Macron a sorti des mesures pour les enseignants, une loi sur l’immigration, le désengorgement des urgences, la rénovation des établissements scolaires en forme de passoires thermiques, la végétalisation des cours d’école ainsi que la réindustrialisation, la restauration de l’ordre public et bien d’autres merveilles.

Tout ce fatras a été repris et, comme on dit, “décliné”, dans la feuille de route qu’Elisabeth Borne a présenté à la presse. A la presse, non au Parlement, alors qu’un plan d’une telle ampleur aurait dû faire l’objet d’une déclaration de politique générale. Mais le gouvernement n’a pas de majorité et le Premier ministre a préféré s’en tenir à une opération de communication. Puis on apprit que le projet de loi sur l’immigration était retiré et que bien d’autres textes étaient placés en zone d’attente pour une durée indéterminée. Pas de chance pour Elisabeth Borne : c’est elle qui doit assumer la fin du fait majoritaire qui existait depuis 1960 et qu’on croyait consubstantiel à la Ve République.

Faute de pouvoir agir, la gouvernance macronienne ne se contente pas de faire des discours. Elle fait aussi des paris, qui sont repris par BFMTV et par Le Figaro. Pari sur l’essoufflement du mouvement social après le 49.3. Pari sur la fin du débat sur les retraites et sur l’éclatement de l’intersyndicale après la première décision du Conseil constitutionnel. Pari sur le 1er Mai, qui devait être un baroud d’honneur et qui fut une éclatante démonstration de force. Nouveau pari sur l’éclatement de l’intersyndicale et sur le pourrissement du mouvement…

Emmanuel Macron et la macronie ne voient pas un phénomène massif et quotidiennement vécu par les Français : la hausse atterrante des prix alimentaires, contre laquelle rien de sérieux n’a jamais été entrepris par la “gouvernance”. Dans son entretien au Parisien, le chaoticien en chef s’est contenté d’annoncer que “ça va être dur jusqu’à la fin de l’été”. C’est le même homme qui, après ce glacial aveu d’impuissance, ose dire que Marine Le Pen gagnera “si on ne sait pas répondre aux défis du pays et si on installe une habitude du mensonge ou du déni du réel”.

Incapacité ? Mensonge ? Déni du réel ? Tu l’as dit, bouffi !

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Article publié dans le numéro 1256 de « Royaliste » – 6 mai 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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