Les oligarques européens plaident pour l’établissement d’une nouvelle règle commune – le « traité constitutionnel ». Mais ils viennent de s’affranchir des règles qu’ils ont eux-mêmes posées.
Cette Europe là, c’est toujours plus d’absurdité.
Exemple ? La réforme du pacte de stabilité.
Ce pacte était absurde dans son principe : il impliquait la soumission des Etats signataires à un impératif de réduction de leur déficit budgétaire, au nom d’une orthodoxie libérale qui, dans l’histoire, a fait maintes fois la preuve de sa nocivité.
Puis on s’aperçut en haut lieu que ce pacte était absurde. Mais il fallut attendre encore deux ans pour le « réformer ». En fait, il s’agissait de trouver le moyen technique d’abandonner la règle des 3{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de déficit maximum autorisé tout en sauvant les apparences de la rigueur budgétaire.
Pourquoi cet abandon hypocrite ? Parce que deux grandes puissances européennes, la France et l’Allemagne, ne parviennent pas à respecter une règle imbécile. Au lieu d’abandonner la règle, les ministres des finances de l’Union ont décidé (20 mars) qu’il serait désormais possible d’invoquer des « facteurs pertinents » qui permettront de dépasser les 3{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} sans risquer de sanctions.
Quels sont ces « facteurs pertinents » ? Des dépenses publiques qu’on enlève du budget afin d’alléger le déficit : la France pourra ainsi ôter les dépenses faites pour le financement de la recherche, et l’Allemagne enlèvera les dépenses liées à la réunification.
Pourquoi pas les dépenses militaires, ou le financement des équipements scolaires ? Parce que c’est comme çà ! Les facteurs retenus sont ni plus ni moins pertinents que d’autres facteurs. Ils résultent d’un choix arbitraire. Si cela ne suffit pas on retirera d’autres dépenses publiques, toujours pour sauver la face.
Dans l’immédiat, le dépassement du « découvert autorisé » ne permettra pas de mener une politique économique active : on continuera de mélanger la rigueur budgétaire (pour les salaires des fonctionnaires…) et le laxisme (pour complaire au Medef…) sans tenter de remonter la mauvaise pente conjoncturelle. On reste dans l’absurdité du système qu’on a réformé parce qu’il était absurde.
Cette Europe-là, c’est toujours plus de mensonge.
Exemple ? La fameuse « directive Bolkestein ».
Après maints rebondissements, les chefs de gouvernement de l’Union européenne ont décidé, sous la pression de Jacques Chirac, que la proposition de texte sur les services serait revue par la Commission européenne. Pour apprécier cette décision, il faut juxtaposer trois points de vue :
– Celui des partisans du Non : le retrait du texte montre qu’une campagne bien menée peut conduire à une victoire ;
– Celui des partisans du Oui : Jacques Chirac a mis un terme à une bataille que les ultralibéraux avait perdue et qui tournait au désastre. Ceci parce qu’il a mis tout son poids de chef d’Etat d’un puissant pays dans la balance bruxelloise. Du coup, il est devenu le vrai chef de la campagne pour le Oui, et il dispose de deux lieutenants : Nicolas Sarkozy sur son aile droite, François Hollande sur son aile gauche ;
– Celui de l’Union européenne : c’est bien entendu le président de la Commission qui a techniquement raison : la libéralisation des services est la conséquence logique du dogme ultralibéral qui inspire l’Union depuis la signature de l’Acte unique (1986) et qui sera gravée dans le marbre du traité en discussion. Si le traité s’applique, le principe du pays d’origine (que Jacques Chirac récuse tout à coup) s’appliquera.
Cela signifie que le chef de la campagne du Oui nous abuse.
Procès d’intention ? Non : application d’une méthode éprouvée ! Lors du sommet de Barcelone, Jacques Chirac et son complice Lionel Jospin avaient finassé sur la libération du secteur de l’énergie et obtenu des délais. Après la période électorale, le processus de libéralisation s’est remis en marche et ceux qui avaient cru les deux oligarques sur parole ont été floués.
Sous un autre nom, avec des aménagements minimes, on ressortira la directive sur les services au moment jugé opportun.
Contre l’ultralibéralisme, les victoires partielles sont sans lendemain. Socialistes ou chiraquiens, ceux qui ne veulent pas subir les conséquences du principe de libre concurrence proclamé par le traité doivent récuser ce texte d’apparence constitutionnelle. Sinon, qu’ils soient réputés menteurs ou schizophrènes.
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Article publié dans le numéro 857 de « Royaliste » – 4 avril 2005
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