L’Union européenne est un trou noir qui a absorbé la droite et la gauche, puis l’extrême droite et qui attire comme un aimant la prétendue « gauche radicale » malgré de fortes résistances, hélas encore trop dispersées.

Nous avons vu disparaître dans « l’Europe » les partis de droite puis les socialistes après l’autoliquidation du chevènementisme. Le Front national est en train de se déclarer euro-compatible selon sa tendance de fond, libérale en économie et antisyndicale sur le front social. De jeunes et brillants intellectuels, dans lesquels nous avions placé des espoirs, se font les théoriciens et les stratèges d’un « sursaut européen ». Par exemple Hakim El Karoui. Et nous voyons Jean-Luc Mélenchon projeter, telle une étoile finissante, d’obscures clartés sous forme de plans A et B.

Prenons Hakim El Karoui qui a présenté dans Le Figaro (6 novembre) son plan de construction de « l’identité européenne ». Le texte déçoit par sa banalité. Il y a la référence obligée aux « futurs Etats-Unis d’Amérique en 1776 » qui ressembleraient aux futurs Etats-Unis d’Europe – thème rebattu depuis soixante dix-ans. Il y a la référence non moins obligatoire à Jürgen Habermas, inventeur de « patriotisme constitutionnel » qui deviendrait la doctrine de l’Europe démocratique et libérale.

Si tant est que le « patriotisme constitutionnel » soit le ciment de l’Allemagne, on ne voit pas par quel moyen il serait transféré à l’Union européenne qui est certes acquise aux préceptes ultralibéraux mais qui a été conçue comme un despotisme éclairé et qui a démontré son caractère anti-démocratique en anéantissant les résultats des référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas. C’est d’ailleurs ce que reconnaît Hakim El Karoui en proposant une solution épastrouillante : il faut que l’identité européenne se constitue contre des ennemis. Pas seulement l’islamisme radical, mais aussi la Chine et les Etats-Unis.

L’idée paraît bonne sur le papier mais relève de la pure fiction. La lutte contre l’islam radical est une lutte nationale – une lutte dans le cadre des nations qui ont une expérience historique de l’islam et qui ont une réelle présence diplomatique et parfois militaire dans les pays confrontés au djihadisme. Affronter la Chine ? Cela supposerait que l’Union européenne renonce au libre-échange. Affronter les Etats-Unis ? Cela supposerait que les principaux pays européens sortent de l’Otan et mettent fin à la libre circulation des capitaux. Là encore, de tels objectifs supposent une mobilisation nationale, qui aura pour premier enjeu la mise au pas de l’Allemagne, puissance européenne.

Dans la gauche radicale, ça ne tourne pas plus rond. Le Parti communiste, ravagé par le communautarisme, croit sauver son « internationalisme prolétarien » par l’européisme et commet là une ultime erreur historique. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il s’en tient à son plan A (on discute) suivit d’un plan B (on sort de l’Union) si les négociations n’aboutissent pas. Cela paraît raisonnable. C’est en fait insensé. Dans un texte soumis à la discussion de la France insoumise, deux économistes,  Frédéric Farah et Jérôme Maucourant, montrent que les projets européens de Jean-Luc Mélenchon reposent sur une fiction historique : pour l’ancien candidat, l’Union européenne aurait été démocratique et sociale en ses débuts alors qu’elle s’est fondée sur des préceptes économiques libéraux. Surtout, Jean-Luc Mélenchon refuse de mettre en cause la prétendue monnaie unique et tient pour pertinente la réduction du déficit budgétaire. Quant au projet de négociation sur la base d’un plan A, elle a déjà été ruinée par l’échec des « discussions » entre les Grecs et l’Eurogroupe : Jean-Luc Mélenchon n’a pas compris que l’Allemagne et ses commis ne discutent pas sur le fond : ils  imposent des règles intangibles, dans le parfait mépris des souverainetés nationales et des volontés populaires. Il faudrait, concluent Frédéric Farah et Jérôme Maucourant, que la France insoumise s’engage dans le combat pour la souveraineté nationale. Ils ont raison.

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(1) Texte disponible sur le site : http://la-sociale.viabloga.com/news/de-la-soumission-a-l-ordre-europeen

Article publié dans le numéro 1132 de « Royaliste » – 13 novembre 2017

 

 

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