A l’Elysée, on avoue qu’on n’a pas vu venir la crise financière. A Matignon on reconnaît que, celle-ci survenue, on n’a pas su en mesurer l’ampleur. A Bercy, Christine Lagarde s’était spécialisée pendant un an dans le déni de réalité…

Cet aveuglement est scandaleux car tout était facilement prévisible. Nous avions annoncé qu’une crise systémique était inéluctable et nous l’avons correctement analysée. Mieux : la Nouvelle Action royaliste fait depuis plusieurs années des propositions pour une refonte du système du crédit et du système monétaire international sous l’impulsion d’une Confédération européenne.

A « Royaliste », nous avons publié à de nombreuses reprises nos avertissements quant au risque d’une crise systémique. Ceux-ci avaient été résumés dans le Rapport politique présenté par le Comité directeur au 27ème congrès de la Nouvelle Action royaliste le 13 avril 2008. Ce document interne, d’ordinaire réservé aux seuls adhérents, doit être cité aujourd’hui dans la mesure où il permet de se remémorer les facteurs qui ont déclenché et propagé la crise actuelle :

« La crise financière qui a commencé aux Etats-Unis en août 2007 tient à une cause immédiate : le manque de liquidité interbancaire qui est la conséquence des difficultés majeures survenues sur le marché hypothécaire en raison de l’augmentation des défauts de paiements des emprunteurs à faible revenu. Les premières faillites d’établissements financiers ont provoqué une inquiétude d’autant plus grande qu’elles se sont accompagnées d’une forte baisse des biens immobiliers et de la ruine d’un nombre croissant de ménages américains dans un contexte caractérisé par un endettement excessif des ménages.

Dès octobre 2007, il était certain que la crise américaine se prolongerait tout au long de l’année 2008 et qu’elle se traduirait par des chocs mettant en péril la finance internationale et l’économie d’un grand nombre de pays, en Europe de l’Ouest tout particulièrement.  Cette contagion a été niée par l’ensemble des responsables de l’Union européenne et tout particulièrement par ceux de la zone euro. Leur aveuglement est dramatique car les principales puissances européennes sont confrontées à une crise bancaire marquée par des pertes encore incalculables et par une forte contraction boursière. Cette crise bancaire est aggravée par une crise monétaire : la récession  américaine et les baisses de taux d’intérêts décidées par la Réserve fédérale provoquent une baisse rapide du dollar et une surévaluation automatique de l’euro qui est en train de ruiner l’industrie française. La hausse des matières premières et la hausse des prix qui en résulte aggravent encore la situation.

Selon les craintes que nous avons régulièrement exprimées, la globalisation financière nous précipite dans une crise systémique qui menace d’autant plus la croissance des économies nationales que le pouvoir d’achat des ménages est fortement réduit par la pression sur les salaires et par l’inflation.  C’est seulement le crédit à la consommation, accordé à des taux usuraires, qui permet de soutenir l’activité économique.

Cette situation critique met en évidence l’échec de l’ultralibéralisme et l’insuffisance de la réaction des banques centrales qui se contentent d’injecter une masse considérables de liquidités dans le système bancaire pour éviter une crise de crédit qui lui serait fatale. L’inertie de la Banque centrale européenne qui se refuse à maîtriser la parité euro/dollar est criminelle.

A terme, le contrôle des Etats sur le système du crédit,  le contrôle de la circulation internationale des capitaux et le retour à un système de changes fixes, que nous demandions lors de notre dernier congrès, s’impose désormais dans l’urgence ».

Nous ne nous sommes pas contentés d’analyser et de prévenir. Nous faisons depuis plusieurs années des propositions en vue d’une refondation complète du système économique, monétaire et financier, en France et en Europe mais aussi sur le plan mondial. Voilà qui peut paraître bien prétentieux de la part d’une petite organisation politique. Voilà qui paraissait absurde aux idéologues du « marché », qui professaient que la soumission du financier à l’économique et de l’économique au politique relevait de la nostalgie de temps abominables et à jamais révolus. Mais les Américains et les Anglais nationalisent des banques (nous demandons depuis plusieurs années la nationalisation des établissements financiers français) et l’on envisage, tardivement et dans le désordre, des mesures qui sont en rupture avec l’ultralibéralisme. Nous avons présenté quant à nous un projet cohérent de révolutions économiques et sociales.

Quant au système monétaire d’une partie de l’Europe, nous constations lors de notre congrès du 2 avril 2006 (1) l’échec de l’euro :

– « Mal acceptée par les populations qui ont durement ressenti les hausses de prix, la nouvelle monnaie n’a pas fait naître une conscience européenne post-nationale ni empêché la crise politique européenne révélée par les référendums français et hollandais.

– L’euro reste dépendant des décisions américaines qui déterminent dans une large mesure les mouvements conjoncturels dans notre zone monétaire : la force du dollar par rapport à l’euro a favorisé la croissance entre 1999 et 2002. Souhaité par la Banque centrale européenne, « l’euro fort » a été un facteur important de la logique de récession entre 2002 et 2005.

– L’euro n’a pas permis l’unification des prix ni assuré la convergence des économies nationales.

En revanche, tous les peuples de la zone euro souffrent des conséquences de la politique monétaire restrictive arbitrairement décidée par la Banque centrale européenne au nom de la lutte contre une inflation salariale inexistante ».

D’où la nouvelle politique monétaire que nous proposons : « le Réseau européen de banques centrales doit être contrôlé par le Conseil européen qui aura à assigner à la Banque centrale européenne des objectifs de croissance économique et de soutien aux exportations de l’Union – sans égards pour le taux d’inflation.

La monnaie unique doit être abandonnée au profit d’une monnaie commune conçue comme unité de compte globale et instrument de réserve ; elle sera uniquement détenue par les Banques centrales de l’Union européenne ; les monnaies nationales seront convertibles dans la monnaie commune, selon des taux de change révisables – ce qui permettra des dévaluations et des réévaluations décidées par le Conseil européen, maître de la politique de change de l’Union ».

Dans le domaine international, nous souhaitons que « le Conseil européen engage la réforme du système monétaire et financier international » :

« Le retour à l’ordre financier mondial implique le contrôle des mouvements internationaux de capitaux afin d’empêcher les opérations spéculatives et de lutter contre le crime organisé. Il est également indispensable de transformer le rôle du Fonds monétaire international qui devra se concentrer sur la distribution la plus large possible de crédits. La garantie préalable qu’il accorde aux emprunts internationaux ne doit pas lui permettre d’imposer aux gouvernements des conditions économiques et sociales insupportables.

Quant au système monétaire international, la Nouvelle Action royaliste estime qu’il est dans l’intérêt des nations européennes de limiter les effets pervers de la puissance américaine, à travers le rôle mondial du dollar.

Trois principes doivent être posés :

– création de systèmes monétaires continentaux, sur le modèle de la monnaie commune européenne ;

– retour aux changes fixes entre ces systèmes, afin de donner un fondement solide aux accords commerciaux internationaux et pour assurer sur le long terme la stratégie des exportateurs ;

– création d’une monnaie de réserve mondiale, fondée sur un panier de monnaies ».

Cette réforme monétaire et financière doit être conçue dans le cadre d’une organisation du monde en grands ensembles continentaux. Pour notre propre continent, nous affirmons la nécessité de refonder l’Union européenne – enfermée dans les contradictions de ses traités successifs – sur un mode confédéral qui a été précisé lors du 23ème congrès de la NAR, en mars 2004 :

« L’Europe est un ensemble à repenser avec toutes les nations qui participent depuis des siècles à son histoire – y compris celles qui jouent un rôle décisif sur le continent comme la Fédération de Russie et la Turquie.

Cet ensemble est en mesure de s’organiser sous la forme souple d’une confédération d’États vouée à la mise en œuvre de plans et de programmes d’intérêt commun :

  • sa politique monétaire au sein du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale doit pousser ces institutions à se consacrer à la mise en œuvre de politiques de développement ;
  • sa stratégie monétaire commune doit viser à la définition d’un système fixe de changes entre les principales monnaies mondiales ;
  • son plan de développement économique et social doit s’appuyer sur une Banque européenne soumise à un étroit contrôle politique ;
  • sa politique de recherche commune et d’équipement doit mobiliser la coopération des organismes publics ;
  • sa politique de services publics doit assurer leur reconstruction et leur extension ;
  • son organisation commune des échanges agricoles et sa politique commerciale commune doit reprendre les principes de la préférence communautaire et du tarif extérieur commun.

La politique confédérale de défense serait conduite dans le cadre de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), sous l’égide de l’autorité politique confédérale, les nations disposant de la dissuasion nucléaire conservant l’entière maîtrise de leurs moyens, tout en développant la coopération dans le domaine des industries militaires et spatiales […].

Dans l’ordre institutionnel, il suffirait que l’actuel Conseil européen, élargi aux chefs d’État et de gouvernement de toutes les nations du continent, se définisse comme le centre politique de décision et d’impulsion de la Confédération. Ses décisions seraient mises en œuvre par un Conseil des ministres responsable des divers aspects des politiques communes, une Commission strictement administrative veillant à la bonne exécution des projets, des plans et des programmes. A l’Assemblée européenne, élue, serait attribué un rôle de proposition et de consultation ».

Nous aurons maintes occasions, dans les prochains mois, de préciser et de développer cet ensemble de propositions.

***

Article publié dans le numéro 933 de « Royaliste » – 20 octobre 2008

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