Candidat de droite à la présidence, François Fillon ne se contente pas de se déclarer gaulliste : il a récemment affirmé sa foi chrétienne, présentée comme la garantie de son humanisme. Cette profession de foi est à tous égards inadmissible.

Le mardi 3 janvier, au cours du journal de 20 heures sur TF1, François Fillon prononce ces deux phrases : « Je suis chrétien. Ça veut dire que je ne prendrai jamais une décision qui sera contraire au respect de la dignité humaine, de la personne humaine. » On peut bien sûr trouver cette déclaration sympathique. Tout le monde a le droit d’exprimer sa croyance religieuse et François Fillon n’a rien voulu cacher de lui-même. Sincérité ! Transparence !

La libre expression des opinions religieuses est effectivement reconnue et garantie par la Déclaration de 1789. Mais François Fillon n’est pas un simple citoyen : c’est un dirigeant politique qui veut devenir président de la République. Il doit donc nous donner des gages d’intelligence et de rectitude, quant à la manière dont il exercera sa fonction, pour le service de la France qui est une République laïque. Le chef de l’Etat ne peut pas proclamer sa foi religieuse, mais il peut la vivre dans la partie privée de son existence. François Fillon, qui se dit abusivement gaulliste – voir notre éditorial – pourrait au moins prendre exemple sur le général de Gaulle. L’homme du 18 Juin ne se proclamait pas « général chrétien » et le fondateur de la Vème République ne s’affirmait pas « président chrétien » mais il allait à la messe tous les dimanches sans se cacher et sans ostentation.

Ce n’est pas seulement la profession de foi religieuse de François Fillon qui est irrecevable, c’est aussi son prolongement politique. Alors qu’il tente de faire oublier les dispositions scandaleuses de son programme initial sur la privatisation partielle sur la Sécurité sociale, le candidat de la droite ultralibérale ose affirmer que nous n’avons rien à craindre, puisque son éthique chrétienne nous met à l’abri de toute atteinte à la dignité humaine.

L’argument est  idiot parce que cette prétendue garantie nous oblige à songer aux trop nombreux  chrétiens qui ont mis leur éthique dans leur poche pour massacrer leurs frères.

L’argument est présomptueux parce qu’il laisse supposer qu’il y a une politique chrétienne ce qui est infirmé par Claude Bruaire. Pour ce philosophe notoirement catholique, le chrétien ne peut revendiquer rien d’autre que la « liberté de l’option » qui permet de mettre en œuvre la justice et la liberté alors que « on reconnaît le non-christianisme dans le christianisme à ceci qu’on invoque le contenu de l’Evangile comme prémisse d’une politique »(1). François Fillon aura intérêt à étudier de près le débat, à paraître en mars,  entre Jacques Sapir et Bernard Bourdin sur la religion, la laïcité et la souveraineté. Ce dernier écrit en effet qu’ « il n’y a pas de parti politique du royaume de Dieu et plus encore, il n’y a pas d’histoire du royaume de Dieu : c’est un non-sens théologique. Ce point indiscutable ne permet pas de tout résoudre mais reconnaissons qu’il est déterminant ! ».

L’argument est antirépublicain car François Fillon exhibe sa foi religieuse plutôt que de prendre pour référence impératif les principes fondamentaux de la République. Pour le citoyen français, la garantie de la dignité ne réside pas dans la proclamation d’une éthique personnelle mais dans le respect scrupuleux de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 qui « proclame (…) comme particulièrement nécessaires à notre temps » des principes politiques, économiques et sociaux que François Fillon, parmi tant d’autres oligarques, viole impunément. Notamment l’article 5 qui affirme que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » ce qui devrait toucher l’âme sensible d’un homme qui est responsable de 600 000 chômeurs supplémentaires sous le précédent quinquennat. Notamment l’article 8 du Préambule qui affirme que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

François Fillon a exhibé sa foi religieuse pour masquer ses reculades programmatique et les désaccords au sein de son propre camp. Dans la « droite des valeurs », le cynisme est toujours l’ultima ratio.   

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(1) Claude Bruaire, La raison politique, Fayard, 1974, page 230.

Article publié dans le numéro 1114 de « Royaliste » – 17 janvier 2017

 

 

 

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