France insoumise : Le grand n’importe quoi

Nov 13, 2017 | Partis politiques, intelligentsia, médias

En prenant parti pour la cheftaine du groupuscule indigéniste, Danièle Obono, député de la France insoumise, a déclenché une violente polémique entre mélenchoniens et souligné la confusion intellectuelle et stratégique qui règne dans ce non-parti.

Le problème de l’insoumission, c’est qu’on peut la vivre de mille manières différentes et que toutes ne sont pas acceptables. Certaines peuvent même faire scandale. Danièle Obono en a fourni pour la deuxième fois la démonstration. Début octobre, ce député avait provoqué un émoi aussi vif que justifié en déclarant qu’un agent de la RATP qui refuse de conduire un bus après une femme n’était pas radicalisé, terme dont elle déclarait ignorer le sens. Ses camarades de la France insoumise avaient alors pu jouer sur les ambiguïtés de la déclaration mais Danièle Obono a enfoncé le clou le 6 novembre en se déclarant solidaire de Houria Bouteldja, cheftaine du PIR.

Le PIR, c’est le Parti des indigènes de la République, qui ne retient guère l’attention dans nos colonnes parce que, chaque fois que nous voyons son stand en marge d’une manifestation syndicale – par exemple celle du Premier Mai – nous ne comptons guère plus de trois personnes. Un éminent politologue a affirmé récemment que le PIR compte en réalité quinze militants et nous nous inclinons volontiers devant les conclusions de la science politique – qui confirme l’état groupusculaire de cette association. Nous aurions pu continuer à nous en battre l’œil si un député de la nation, membre de la commission des lois, madame Obono, n’avait pas déclaré qu’elle « considère Houria Bouteldja comme une camarade » parce que « c’est une militante antiraciste » et parce que dans le PIR, « on se bat sur la question de l’égalité ».

Antiracisme ? Egalité ? Danièle Obono a mal lu les textes de sa camarade. Houria Bouteldja milite pour un «projet décolonial » pensé « à partir des cultures et des identités opprimées ». Le PIR défend le communautarisme si celui-ci est affirmé par une « communauté racialement opprimée », dénonce le mariage des membres de ces communautés avec les Blancs et milite contre le « philosémitisme d’Etat » en faisant de tout juif un ennemi. Et quand on demande à madame Obono de se dire si la phrase d’Houria Bouteldja affirmant que « les juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe » est raciste ou antiraciste, madame Obono répond qu’elle ne sait pas.

Ce député de la France insoumise ne sait pas repérer un énoncé raciste et antisémite alors que le chef de la France insoumise sait très bien, quant à lui, de quoi il retourne. Interpellé par la Licra au sujet des déclarations de Danièle Obono, Jean-Luc Mélenchon a immédiatement répondu qu’il est « en totale opposition politique avec le PIR depuis son origine » en raison du caractère raciste et antisémite des thèses défendues par cette organisation. Cette déclaration est parfaitement rigoureuse mais elle est en contradiction avec les prises de position de Danièle Obono qui n’est pas simple député mais porte-parole de la France insoumise et qui se présente sur son blog comme une « militante des mouvements altermondialiste, anti-guerre, antiraciste et afro-féministe ». Comment cette porte-parole peut-elle défendre le programme quasi-gaullien de Jean-Luc Mélenchon dans le domaine de la Défense nationale ? Mystère.

Ce qui n’est pas mystérieux, en revanche, c’est la fracture interne que les déclarations de Danièle Obono sont venues souligner. Sur les réseaux sociaux, les militants de la France insoumise se sont mutuellement accusés des pires déviations et Jean-Luc Mélenchon a paru débordé et accablé. Depuis des mois, nous voyons se préciser deux lignes, l’une qui est fidèle aux positions de l’extrême gauche et qui récuse tout ce qui est national, l’autre qui défend le principe de l’indépendance nationale et qui milite pour la sortie de l’Union européenne et de l’Otan. Ces deux lignes sont incompatibles. Encore plus incompatibles que les lignes de Florian Philippot et de Marion Maréchal-Le Pen avant la dernière présidentielle.

Jean-Luc Mélenchon ne veut pas que la France insoumise devienne un parti – il parle étrangement d’une formation « à l’état gazeux » – mais il est confronté à un problème classique de tout chef de parti qui se trouve devant deux lignes contraires et qui doit trancher entre les deux. Or le chef de la France insoumise, comme tout chef de parti, cherche à éviter la décision pénible qui consiste à contraindre les Insoumis trop insoumis ou à les exclure. S’il continue à passer l’éponge, la fracture ouverte va s’aggraver d’autant plus que la France est toujours confrontée à la menace djihadiste. Nous risquons d’assister au naufrage de la France insoumise dans les mares stagnantes du déni, du non-dit, de l’évitement, du compromis foireux. Après une campagne présidentielle bien menée, Jean-Luc Mélenchon pouvait ouvrir une voie nouvelle sur un terrain politique libéré de l’emprise du Parti socialiste, effondré, et du Front national sérieusement ébranlé. La politique antisociale du gouvernement lui offrait la possibilité d’incarner la résistance à l’oligarchie.

Cette résistance est en train de faiblir et cessera complètement si la France insoumise est identifiée aux rejetons d’une extrême gauche depuis longtemps hors de l’histoire.

***

Article publié dans le numéro 1132 de « Royaliste » – 13 novembre 2017

 

 

 

 

Partagez

0 commentaires