Gauche radicale : Des pensées en déroute

Nov 3, 2015 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Que se passe-t-il quand on s’aperçoit qu’on a perdu la bataille idéologique ? Plutôt que de s’interroger sur soi-même, on reconstitue une Bête immonde pour mieux la fustiger et l’on appelle les belles âmes aux censures purificatrices.

La Gauche radicale est en déroute. Sa fraction trotskyste est laminée et le Parti de gauche s’apprête à de nouvelles défaites. Celles-ci ne sont et ne seront pas seulement électorales en décembre prochain et en 2017. La déroute idéologique est patente depuis deux ou trois décennies – la gauche radicale n’a pas organiser la résistance victorieuse à l’ultralibéralisme – mais elle s’aperçoit aujourd’hui que le débat intellectuel lui échappe. Faute de s’interroger sur les caractéristiques de ce débat – marqué par l’influence croissance du courant hétérodoxe en économie – ses stratèges ont fabriqué un Ennemi qui a l’allure terrifiante de l’Hydre de Lerne, une Hydre « néo-républicaine » avec pour têtes menaçantes Florian Philippot, deux ou trois transfuges du chevènementisme, un Brasillach de sous-préfecture éjecté de partout, Jacques Sapir, Jean-Pierre Chevènement lui-même, Alain Soral ou encore Renaud Camus, l’homme du « grand remplacement ». La raison de cet étrange amalgame ? Tous se disent républicains et auraient dérivé vers un nationalisme néoconservateur qui conduit tout droit au Front national.

L’analyse, débutée en maints articles, est généralement bâclée. On néglige les ouvrages des principaux accusés, on oublie l’influence du gaullisme et du communisme, on évite de dresser la liste des mouvements et personnalités qui participaient au « Pôle républicain » en 2002, on recopie ce qui a été écrit cent fois sur la Fondation Marc-Bloch. On affirme que ce « républicanisme » réactionnaire est aujourd’hui la pensée dominante puis on se souvient de l’ultralibéralisme et on révèle, insondable mystère, qu’il y a en France deux pensées uniques. On conclut que ce néo-républicanisme – dans lequel on mélange le patriotisme universaliste et le nationalisme xénophobe – est l’ennemi de l’égalité » et par conséquent de toute politique sociale.

Mais quand la Gauche radicale passe à l’action contre le péril réactionnaire, que fait-elle ? Elle demande la censure ! La censure pour Stéphane Bern, coupable de monarchisme médiatique ! La censure pour Laurent Deutsch, coupable de dérive idéologique ! Et maintenant, la censure pour les historiens et l’éditeur qui s’apprêtent à publier Mein Kampf dans une édition critique !

On notera que, dans les enquêtes et diatribes de la gauche radicale, la Nouvelle Action royaliste, qui fut pourtant du Pôle républicain et de bien d’autres aventures, n’est jamais citée. Je suis tentée d’y voir un hommage à notre inclassabilité. Je crains que ce soit surtout la preuve d’une incurable paresse.

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Article publié dans le numéro 1087 de « Royaliste » – 3 novembre 2015

 

 

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