Les illusions de mars se dissiperont en peu de semaines.

Illusions sur la défaite de Nicolas Sarkozy, au soir du 21 mars. C’est vrai, le chef de l’UMP a été récusé par la majorité des votants et par les électeurs de droite qui se sont abstenus. Mais Nicolas Sarkozy n’est que le syndic de faillite de l’ultralibéralisme. Ce n’est pas seulement sa défaite personnelle qu’il faut préparer mais celle de l’oligarchie de droite et de gauche. Si, par pure hypothèse, le vibrion de l’Elysée est remplacé en 2012 par François Fillon, la France et les Français n’y gagneront rien.

Illusions sur la victoire de Martine Aubry. Elle se prépare à flouer les électeurs de gauche et bien d’autres Français en jouant, comme Lionel Jospin en 1997, sur le vote de rejet. Elle a posé avant le second tour des régionales avec les représentantes des communistes et des écologistes, et se croit revenue aux grands jours de la « gauche plurielle » – celle qui fut la championne des privatisations, celle qui participa à la sale guerre d’agression contre la Yougoslavie. Mais Martine Aubry ne voit pas que la crise durcit la lutte des classes et que le Front de gauche allié au Nouveau parti anticapitaliste a réuni 20% des voix le 21 mars en Limousin. Si une gauche effectivement socialiste parvient à se rassembler en dehors et contre les oligarques de la rue de Solferino, l’élue des instituts de sondage pourra se faire du souci.

Illusions sur les autres candidats « socialistes ». N’oublions jamais : tous les candidats déclarés ou potentiels aux primaires de gauche – Martine Aubry, François Hollande, Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn – ont fait campagne pour le « traité constitutionnel » en 2005 et sont tous hostiles au protectionnisme. Fourriers de l’ultralibéralisme depuis 1983, ils se contenteront de quelques mesures fiscales et de mieux pourvoir l’infirmerie sociale.

Illusions des oligarques de droite sur leurs propres capacités. Les uns croient que Nicolas Sarkozy sera réélu en raison des divisions de la gauche et du peu d’intérêt de ses barons pour la conquête du pouvoir central. Les autres pensent qu’il suffit de changer de chef (Fillon ou Copé, qu’importe) et de satisfaire les pulsions racistes du vain peuple pour conserver le pouvoir et faire accepter les réformes ultralibérales avec la complicité des deux principaux syndicats. Comme les oligarques de gauche, ils se trompent d’époque. Le peuple français est engagé dans sa grande majorité dans la lutte des classes. Il a compris depuis longtemps que les immigrés n’étaient pas plus responsables que les musulmans de la grande crise. Comme les autres peuples du continent, les Français ne veulent pas payer pour les banquiers. Marine Le Pen a saisi cela et si elle fait prévaloir un programme protectionniste sommaire assorti de mesures sociales, la droite bourgeoise sera durement concurrencée par une droite populaire qui exigera de participer au gouvernement. Une troisième composante pourrait de surcroît apparaître, avec Dominique de Villepin.

Nous allons donc connaître un violent mouvement de décomposition politique, dans une situation de crise économique et sociale d’autant plus aigüe que la zone euro est en voie d’éclatement. A gauche et à droite, les éléments d’une recomposition se dessinent mais les incertitudes sont encore très nombreuses.

Et nous, dans tout cela ? Notre marginalité choisie (depuis 1994) et les travaux que nous avons menés avec des amis d’autres familles politiques nous placent d’emblée dans la logique de la recomposition politique. Je ne sais comment nous y participerons. Mais nous devons la préparer en faisant partager aux révoltés de toutes tendances nos raisons d’espérer :

Durement touché par l’ultralibéralisme, le peuple français et ses véritables élites – fonctionnaires civils, militaires, entrepreneurs …  – sont capables de reconstruire la nation comme ils l’ont fait, dans des conditions beaucoup plus difficiles, après la Libération.

Le programme commun de reconstruction est écrit dans ses grandes lignes ; il repose sur le socle juridique des grandes déclarations de principes, françaises et internationales ; il faut maintenant le mettre en discussion.

Des forces militantes nombreuses et décidées sont depuis longtemps mobilisées. Avec elles, il nous faut être aussi souvent que possible dans la rue.

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Editorial du numéro 967 de « Royaliste » – 5 avril 2010.

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