Inflation : l’état d’impuissance

Mar 11, 2023 | Economie politique

 

Le gouvernement est pris au piège de l’inflation. Il n’a pas les moyens d’une politique qui se perd dans les injonctions inopérantes et les recommandations sans effets. Les citoyens modestes sont victimes de cette impuissance, que chacun constate en faisant ses achats.

Les prix flambent. Surtout les prix des produits alimentaires qui ont augmenté de 15% sur un an dans la zone euro – la “forteresse euro” qui devait nous protéger – et de 14,5% en France, après une hausse de 13% en janvier.

Les prix flambent dans le secteur alimentaire, et ce n’est pas fini. Commencées le 1er décembre, les négociations entre les fournisseurs et les distributeurs se sont déroulées dans une ambiance tendue. Les industriels et les agriculteurs qui fournissent les grandes enseignes (Auchan, Leclerc…) en boîtes de sardines et en lait ont subi de fortes hausses du prix des carburants, des matières premières, des emballages… Ces fournisseurs ont donc demandé 10, 15 voire 25% de plus que l’an passé. Les distributeurs ont freiné des quatre fers, car tous constatent que les consommateurs désertent leurs rayons et se privent de certains produits – quand ils n’ont pas la chance de pouvoir s’approvisionner en produits importés sur des marchés plus ou moins clandestins. Résultat de ce bras de fer qui s’est terminé le 1er mars : les prix de l’alimentation, des produits d’hygiène et d’entretien augmenteront en moyenne de 10% dans les prochains mois.

Tout au long de cette négociation, le gouvernement multiplia les déclarations volontaristes. On allait voir ce qu’on allait voir et l’hydre inflationniste n’avait plus qu’à numéroter ses abattis ! Ministre chargé des PME, du commerce et de l’artisanat, Olivia Grégoire annonça la mise en place, dès le mois de mars, d’un “panier anti-inflation”. L’idée était de remplacer les aides sous forme de “chèques” par un ensemble de cinquante produits alimentaires d’hygiène et d’entretien que les enseignes de la grande distribution proposeraient à très bas prix.

La proposition gouvernementale se heurta immédiatement à un mur de réponses navrées, de propos dilatoires et de répliques acides. Désolé, répondit le groupe Système U, mais nous proposons déjà 150 produits à prix coûtant ! Et l’enseigne Lidl fit valoir qu’elle avait déjà son panier de cinquante articles… Michel-Edouard Leclerc objecta sur divers plateaux de télévision qu’on ne pouvait fixer les prix des produits du panier puisque les fournisseurs et les distributeurs étaient en train de discuter de la hausse de ces prix. Puis les petits commerçants montèrent au créneau, en accusant le “panier” gouvernemental de favoriser les grandes surfaces…

Tandis qu’Olivia Grégoire se donnait un mal de chien pour composer son “panier anti-inflation”, Bruno Le Maire se répandait en propos virils. Pas de soutien ciblé, en bon français pas de chèque pour les pauvres mais des produits à bas prix pour tout le monde puisque tout le monde souffre de l’inflation. Il est en effet prouvé qu’un milliardaire qui voit que sa boîte de thon a augmenté de 50% exprime la même colère qu’un bénéficiaire du Smic ! Pour mettre de l’ambiance, l’incontournable Michel-Edouard Leclerc déclara que “tout le deuxième trimestre serait rouge”, et pas seulement le mois de mars…

Comme le panier salutaire ne sortait toujours pas du bureau de madame Grégoire, Emmanuel Macron ajouta son grain de sel en invitant les groupes de la grande distribution à réduire leurs marges lors de sa visite au salon de l’Agriculture. Le propos présidentiel se perdit, comme tant d’autres, dans la bouillie communicationnelle. Quatre jours après la fin des négociations sur les prix, bien peu remarquèrent que Bruno Le Maire n’avait pas le courage d’annoncer l’abandon du “panier anti-inflation”. C’est la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui se chargea de l’annonce, avec une discrète satisfaction puisqu’elle militait depuis le début contre le “panier” et pour un chèque aux plus démunis.

Il fallait cependant masquer la défaite du gouvernement. Ce fut l’indispensable Bruno Le Maire qui s’en chargea, à la manière d’un joueur qui fait de la surenchère sans avoir de jeu. Oubliant le “panier”, l’inamovible ministre annonça le 6 mars le lancement d’un “trimestre anti-inflation” grâce à un accord avec les grandes enseignes : elles choisiront “librement” les produits à prix cassé – comme elles l’ont toujours fait – après les accords tout aussi librement conclus le 1er mars entre les fournisseurs et les distributeurs. Il y eut enfin une cerise (en hausse de 35%) sur le gâteau (+ 65,5%) ministériel : elle prendra la forme d’un “chèque alimentaire” – dont on ne voulait plus -, qui sera distribué aux plus modestes dans les prochains mois. Quand on fait ses courses tous les jours en mars, on apprécie beaucoup la promesse d’un chèque versé pendant l’été !

C’est bien entendu le président de la République qui a donné la philosophie générale de la lutte contre l’inflation : résilience. Depuis un an c’est le mot à la mode, qui doit être pris comme synonyme de résignation. Comme on ne peut rien faire, on courbe le dos en attendant que la hausse des prix se tasse. Les héros de la disruption se sont eux-mêmes résignés à l’impuissance bavarde.

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Article publié dans le numéro 1252 de « Royaliste » – 11 mars 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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