Insécurité linguistique

Fév 24, 2022 | Res Publica

 

A cause de la prolifération des vrais et faux anglicismes, une fracture linguistique est venue s’ajouter à tous les facteurs de dissociation dont nous sommes affectés.

Nous subissons des fractures sociales, territoriales, culturelles et politiques qui sont génératrices de fortes angoisses. Comme si cela ne suffisait pas, nous devons y ajouter une fracture linguistique : apparue voici une vingtaine d’années, celle-ci ne cesse de s’aggraver. L’Académie française le constate et s’insurge.

Elle s’insurge contre la nouvelle carte d’identité bilingue français-anglais qui interprète de façon maximaliste un règlement européen stipulant que le titre “Carte d’identité” doit être rédigé dans deux langues de l’Union. Or ce sont tous les termes qui ont été traduits en anglais dans le parfait mépris de la Constitution : son article 2 stipule que “la langue de la République est le français”, dans la continuité de l’édit de Villers-Cotterêts qui institue le français comme langue des actes administratifs.

L’anglicisation de la Carte nationale d’identité est l’accablant symptôme d’une démission des pouvoirs publics, qui ne respectent ni la Constitution ni la législation. Nous avions favorablement accueilli la loi Toubon de 1994 qui stipule dans son article 1 que le français “est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et du service public”. Or l’Académie française vient de prouver que ce texte n’est plus qu’un chiffon.

Cette preuve se trouve dans le rapport de la commission d’académiciens chargée d’étudier la communication institutionnelle en français. Après deux ans d’observations menées sur les sites des ministères, des services publics, des universités, des mairies… le relevé des mots et des expressions utilisés est accablant. Le ministère de la Transition écologique réunit dans sa Fabrique numérique des products owner et des UX designer, entre autres “faiseurs”. Le ministère de la Santé lance le plan One health. L’université de Cergy-Pontoise s’appelle désormais CY (see why) ou l’on se forme dans les CY Graduate schools. Dans les “territoires”, comme on dit, on peut adhérer à l’association La French Tech in the Alps, rejoindre Smile in Reims ou visiter la Zero Emission Valley près de Clermont-Ferrand. Un chômeur sera heureux de bénéficier de FUN-MOOC, “plateforme de MOOC (Massive Open Online Courses)” pour prendre des cours en ligne.

Le recours à des anglicismes ou à des pseudo-anglicismes, au mépris des recommandations de la Commission d’enrichissement de la langue française, est rejeté par une majorité de Français, selon une enquête récente du CREDOC, pour de simples et fortes raisons : la pollution du lexique et les atteintes à la structure de la langue rendent la communication publicitaire incompréhensible. Le rapport de l’Académie française dénonce une fracture linguistique sociale et générationnelle et le risque d’une perte des repères menant à une “insécurité linguistique”.

Est-il encore permis d’espérer que le futur gouvernement issu des élections décidera de respecter la loi et de la faire respecter ?

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Article publié dans le numéro 1229 de « Royaliste » – 24 février 2022

 

 

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