Interminable, cette Révolution !

Fév 25, 2022 | Res Publica

 

La Révolution française se prolonge et se transforme par la révolution permanente dans les études historiques. Le récit national est toujours le résultat de vives tensions, scientifiques et polémiques.

Lorsque nous avons reçu pour la première fois Jean-Clément Martin aux Mercredis de la NAR pour la présentation de sa Nouvelle histoire de la Révolution française (Perrin, 2012), nous nous attendions à de vives controverses. A notre grande surprise, l’ancien directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française recueillit l’assentiment d’un public de diverses sensibilités et la discussion qui suivit fut exempte de polémiques. Nos lecteurs retrouveront dans le recueil d’études que Jean-Clément Martin vient de publier (1) la retranscription – partielle puis enrichie par l’auteur – que nous avions publiée dans Royaliste à la suite de cette intervention mémorable.

Il faut, bien entendu, lire ou relire tous les textes rassemblés, en se posant toutes sortes de questions sauf une : à quel camp appartient-il ? C’est que Jean-Clément Martin échappe aux classifications partisanes et idéologiques. Prenons la question encore sensible de la guerre de Vendée. Excellent connaisseur de cet épouvantable guerre civile (200 000 morts), Jean-Clément Martin fait valoir qu’il ne s’agit pas d’un génocide – il n’y a pas de peuple vendéen, la Vendée n’est pas une province sous l’Ancien régime – mais de massacres qui ne sont pas spécifiques à ce territoire mal défini qu’on appelle la Vendée militaire. Surtout, il souligne que le long conflit des mémoires depuis la guerre de Vendée – qui a d’ailleurs opposé les Ultras aux orléanistes – a créé une tension constitutive du récit national pour cette période. Une tension qui se relâche, car les associations du souvenir ne sont plus “enracinées dans des communautés vivantes et agissantes”.

Ce relâchement de la tension mémorielle en Vendée est-il le signe d’une dilution du récit national ? Jean-Clément Martin le craint mais il montre par ailleurs que les conflits autour de la Révolution française et sur bien d’autres époques de notre histoire se réactivent sans cesse, pour de bonnes et mauvaises raisons. Lorant Deutsch est ironiquement tancé pour ses ouvrages sur l’histoire mais Jean-Clément Martin dit bien qu’”Il ne faut pas regretter que l’histoire ne soit pas une discipline réglementée, avec conseil de l’Ordre, statut et sanction”. La critique mesurée du film de Pierre Schoeller, Un peuple et son roi, conduit à une solide réflexion sur “les apories du peuple”. La démolition de la série Révolution sur Netflix, avec son impressionnante galerie de clichés fantasmatiques, est rondement menée.

S’il est vrai que nous continuons d’être structurés par nos souvenirs collectifs, comme le dit Jean-Clément Martin, il faut convenir qu’ils sont remplis de reconstitutions imaginaires. Les historiens de métier sont là pour nous rappeler que le passé est une terre étrangère qu’il faut “aborder avec précaution et avec détermination pour tenir un cap précis sans passion mais sans faiblesse, sans réserve mais sans restriction. Il est encore temps de combler nos manques sans céder sur les principes indispensables à la vie collective”.

Nul ne saurait penser l’Histoire, ni la faire, sans les historiens.

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(1) Jean-Clément Martin, La Révolution n’est pas terminée, Interventions – 1981-2021, Passés composés, 2021.

 

Article publié dans le numéro 1229 de « Royaliste » – 25 février 2022

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