Jospin : Le commencement de la fin

Mar 20, 2000 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

On bute sur une pierre, on s’étale. Cela ne fait pas très mal, mais on ne peut plus se relever. Il  a suffit d’un choc léger pour que tout soit désarticulé. C’est qui arrive à Lionel Jospin, depuis ses piteuses mésaventures diplomatiques en Israël, qui ont attiré l’attention sur son passif.

Aussi trompeurs soient-ils, les sondages sont venus attester, par le simple fait de leur publication la perte de faveur du Premier ministre, surtout dans les milieux populaires. Au vu des manifestations de rue et des grèves, on peut même noter une hostilité croissante et visible d’une large fraction de la population laborieuse à l’égard du gouvernement. Depuis août dernier, dans la paysannerie, dans l’audiovisuel public, à la Poste, dans les banques, les grands magasins, les transports publics, dans des entreprises privées en voie de liquidation, à l’Education nationale, dans les services fiscaux… des ouvriers, des employés, des cadres se sont mobilisés pour exprimer leurs refus et leur colère. Certains mouvements ont échoué (les chauffeurs routiers, trahis par la CFDT), d’autres sont endémiques – dans l’enseignement public notamment. Tous traduisent l’incapacité et les échecs des principaux ministres de Lionel Jospin.

Que reste-t-il, en effet, de l’excellente réputation dont jouissaient ces personnages persuadés de leur excellence ?

Dominique Strauss-Kahn a été mis hors jeu, dans des conditions qui le déshonorent.

Jean-Pierre Chevènement, qui a été incapable de juguler le terrorisme en Corse, termine dans le silence sa carrière de faux dur définitivement aligné.

Elisabeth Guigou présente pour tout bilan des lambeaux de réforme de la justice, sottement négociés avec les groupes de pression judiciaires et politiques.

Claude Allègre est haï.

Catherine Trautmann mène une réforme dont on a perdu le fil mais qui paraît fort éloignée des promesses initiales.

Emile Zucharelli a échoué dans ses discussions avec les syndicats de fonctionnaires, et a fait échouer le projet de statut d’autonomie pour la Corse. Si cette manœuvre est de son fait, il aura desservi gravement Lionel Jospin ; si comme on le dit elle a été inspirée par le Premier ministre, soudain effrayé par sa propre audace, certains corses pourraient s’estimer gravement floués.

Christian Sautter, dont nous avions souligné la cassante maladresse, a été contraint de retirer sa réforme de l’administration fiscale et compte désormais parmi les ministres moribonds.

Martine Aubry reste physiquement présente à son ministère, mais ses pensées son tournées vers la mairie de Lille et on commence à mesurer le désastre provoqué par l’application des « 35 heures ».

Dominique Voynet est terrassée par son amateurisme et ses ridicules.

Lionel Jospin paraît maintenant tel qu’il a toujours été : un homme seul, entouré d’ambitieux ralliés, de carriéristes et d’otages. Il porte la terrible responsabilité d’une guerre menée sans autorisation du Parlement, et catastrophique par ses conséquences dans les Balkans. Il est responsable du sang versé par les soldats français au Kosovo. Il est responsable de la liquidation de notre patrimoine industriel et financier, du sous-emploi et de la misère. Il est contraint, pour ne pas provoquer d’autres explosions de colère, de reporter les réformes (fonds de pension, statut de la Corse) qu’il avait projetées.

Il devra désormais se contenter de faire voter des lois minimalistes (sur le cumul des mandats), des lois pour l’effet d’annonce (sur les « nouvelles régulations »), des lois pour la bonne conscience (sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes que les socialistes n’ont jamais eu la volonté d’imposer).

L’illusion réformiste étant dissipée, on va mieux percevoir les cachotteries et les mensonges de Lionel Jospin, son ambition démesurée, son arrogance. Les deux prochaines années, pendant lesquelles il aura tout à masquer, et rien à proposer, seront pour lui interminables.

Faut-il lui demander d’abréger sa souffrance ? Sa démission n’est pas plus souhaitable que celle d’Alain Juppé après les grèves de 1995. On sait ce qu’on a, et le mal a été fait. Nous ne sommes ni des moralistes, ni des justiciers : la mise à mort politique de Lionel Jospin n’aurait aucun sens si Laurent Fabius ou un quelconque disciple de Jacques Delors venait à le remplacer. C’est l’ultralibéralisme dans son ensemble qu’il faut éliminer.

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Editorial du numéro 746 de « Royaliste » – 20 mars 2000

 

 

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