J’ai toujours grand plaisir à diffuser de bonnes nouvelles. Voici peu, j’ai énuméré quelques uns des atouts de la France tout en rappelant les épreuves auxquelles nous étions confrontés (1). Le peuple français est-il en mesure de les surmonter ? Oui !
Quant à la « crise d’identité », le pire est derrière nous. Le pire, pour une nation, c’est la guerre civile. Et la pire des guerres civiles, c’est celle qui est stimulée par un imaginaire ethnique. L’adversaire idéologique reste un homme qui peut changer de conviction. La naturalisation raciale fabrique des catégories de sous-hommes à éliminer.
Les Français ont écarté le risque de guerre ethnique lors de la longue confrontation entre le Front national et ses adversaires. Cela tient à la prudence de Jean-Marie Le Pen, qui n’a jamais voulu prendre le pouvoir ; à la fragilité du Front national ; à son électorat massivement protestataire et faiblement raciste ; au fait que les plus xénophobes de ses militants étaient engagés dans une stratégie électoraliste qui excluait tout acte de violence contre les immigrés (2).
D’autres facteurs, décisifs, ont joué : les Français forment un peuple essentiellement politique, qui n’est certes pas à l’abri de pulsions antisémites mais qui a la passion de la confrontation idéologique et une longue pratique de la lutte des classes. Si bien que, dans nos débats de citoyens français, les « minorités linguistiques » et les « groupes ethniques » restent cantonnés sur les marges.
Certes, l’histoire peut bifurquer, la sociologie politique peut être bouleversée par de nouveaux types de flux migratoires, la logique du bouc émissaire peut détruire la raison politique. Tel n’est pas le cas, aujourd’hui, en France. Je conteste donc radicalement la thèse qui inspire le roman d’Eric Zemmour (3). La guerre ethnique n’est pas une fatalité ni même une éventualité proche ou lointaine. Il suffit, par prudence, que les personnalités politiques et les intellectuels (essayistes, journalistes) ne cherchent pas à attiser les tensions dont je ne sous-estime pas la réalité.
Sur le fond (l’islam, l’immigration, les banlieues) je renvoie nos lecteurs aux récentes études d’Emmanuel Todd, de Robert Castel et de François Héran. Quatre remarques cependant :
La première est historique : les réfugiés d’Algérie n’ont pas transporté en métropole le conflit avec « les Arabes » et l’effacement très progressif de cette mémoire douloureuse va transformer notre vision de l’Algérie (réduite à la période 1956-1962), qui fausse notre représentation de l’immigration.
La deuxième est sociologique : en finir dans les dix ans à venir avec le refoulé de la guerre d’Algérie nous permettra de voir que les immigrés et les enfants français ne sont pas seulement des arabo-musulmans d’origine maghrébine et de prendre une plus juste mesure des autres apports – asiatiques notamment.
La troisième relève de l’observation empirique : il n’y a pas de parti arabe, ni de parti musulman et les toutes les tentatives communautaristes se soldent par des échecs. La fièvre antisémite du début du siècle est vite retombée ; place de la Bastille, il n’y avait pas plus de 500 personnes (extrême gauche comprise) pour rendre hommage à Yasser Arafat au lendemain de sa mort et les tentatives politico-médiatiques de promotion de la « diversité » (raciale) sont en train d’échouer.
La quatrième est comparative : la France n’a jamais connu la fragmentation ethno-culturelle qui est un des héritages caractéristiques de l’empire Ottoman, elle est étrangère au hooliganisme massif qui déshonore la Russie et l’islamiste militant reste groupusculaire. Notre unité nationale n’est pas en question alors qu’elle est devenue problématique en Belgique et en Espagne.
Conclusion provisoire : dans notre pays, les conflits continueront de se développer sur le terrain politique et social, ce qui ne nous met pas à l’abri de confrontations violentes.
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(1) Cf. Royaliste n° 925 : « Les atouts de la France » et n° 926 : « Vers les épreuves ».
(2) Je n’ai pas attendu la retraite de Jean-Marie Le Pen et l’effondrement du Front national pour mettre ces faits en évidence. Cf. « Une Tragédie française, le Front national contre la nation », Ramsay, 1997 (épuisé).
(3) Eric Zemmour, Petit frère, Denoël, 2008.
Editorial du numéro 927 de « Royaliste » – 2008.
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