Pour comprendre la logique du Capital et pour saisir l’enjeu des privatisations, il faut pénétrer au cœur de la finance.
Dans les économies très développées de l’Ouest européen, le capitalisme réel ne correspond en rien aux sympathiques légendes véhiculées par l’idéologie libérale. Certes, il existe de petits entrepreneurs dynamiques qui partent vaillamment à la conquête du marché, mais la dynamique de l’économie moderne résulte principalement de très grands groupes industriels assemblés en systèmes cohérents et qui opèrent sur des marchés fortement structurés.
Telle est la logique de ce qu’on appelait autrefois le « grand capital », entité menaçante et quasi magique qui révèle sa puissance et ses secrets à qui se donne la peine d’observer son organisation : ainsi François Morin – le meilleur spécialiste français des structures du capitalisme – qui s’est associé à Claude Dupuy pour mettre à nu le « cœur financier européen » (1).
A la fois court et rigoureux, leur ouvrage met en évidence deux types de capitalisme ; le modèle anglo-saxon, d’inspiration libérale, se fonde sur les principes de la concurrence et du libre-échange entre les nations : le modèle continental (qu’on appelle aussi « capitalisme rhénan ») est un capitalisme national dans lequel les entreprises sont protégées et financièrement verrouillées, dans le cadre d’une politique de défense du marché intérieur et de recherche de la compétitivité extérieure.
Le capitalisme français, quant à lui, se situe à mi-chemin entre les deux modèles. Jusqu’à ces derniers mois, la déréglementation financière était compensée par la présence active de l’Etat et par l’importance du secteur nationalisé. Mais la politique de privatisations mise en œuvre par le gouvernement Balladur représente une « rupture systémique » dont les conséquences n’ont pas été envisagées et restent aujourd’hui encore imprévisibles.
L’exposition commentée des divers systèmes nationaux conduit les auteurs à souligner les liaisons qui sont en train de se nouer entre ceux-ci : la puissance qui résultera de ces convergences pose un problème politique dont l’importance n’a pas encore été mesurée.
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(1) François Morin, Claude Dupuy, Le cœur financier européen, Economica, 1993.
Article publié dans le numéro 628 de « Royaliste » – 17 octobre 1994.
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