D’Albert II à Philippe Ier roi des Belges, la monarchie parlementaire en questions (2), par Denis Cribier

Juil 27, 2013 | Billet invité

A près de trois mois d’intervalle, Willem Alexander Roi des Pays-Bas et Philippe 1er Roi des Belges, deux nouveaux souverains de pays européens démocratiques voisins, mais séparés par l’histoire, succèdent à leur prédécesseur, dans des conditions différentes qui méritent d’être analysées.

Comme il l’avait annoncé le 3 juillet 2013, dans une lettre remise à l’attention du Premier  ministre belge Elio Di Rupo, et par une déclaration télévisée s’adressant à la nation,  le Roi Albert II des Belges a choisi symboliquement le 21 juillet 2013, fête nationale, commémorant l’indépendance de la Belgique (depuis la prestation de serment du 21 juillet 1831, prononcée par le Roi Léopold Ier, fondateur de la dynastie belge), pour abdiquer en faveur de son fils, le Prince héritier Philippe.

A cette occasion, le Roi Albert II a prononcé la veille, un discours d’adieu télévisé à la nation belge, dans les termes suivants :

« Mesdames et Messieurs,

Il y a près de 20 ans, mon frère le Roi Baudouin nous quittait et je lui ai succédé. Je voudrais encore saluer sa mémoire. Il a su allier un grand sens de l’Etat et du devoir, avec une réelle bonté, une grande simplicité, et un souci pour les plus faibles de notre société. Aujourd’hui, c’est avec émotion que je m’adresse une dernière fois à vous comme Roi. Pendant 20 ans et ces jours-ci encore vous m’avez, par vos témoignages d’attachement, encouragé dans la tâche qui était la mienne. Je vous en remercie chaleureusement.

Je voudrais aussi dire ma gratitude à différents groupes de responsables de notre société. Durant mon règne j’ai apprécié la compétence, le dévouement et le sens du compromis constructif, de très nombreux hommes et femmes politiques. Si notre pays n’est pas toujours facile à gouverner, son pluralisme constitue une richesse démocratique précieuse. J’ai rencontré des responsables politiques qui ont fait preuve d’un remarquable sens de l’intérêt général dans des circonstances difficiles. J’en veux pour preuves toutes récentes les accords budgétaires pour 2013 et 2014, le compromis trouvé sur le statut ouvriers-employés et les solutions dégagées pour l’approvisionnement de notre pays en électricité. Avec ces accords récents, et ceux réalisés précédemment sur la réforme de l’Etat et sur le plan économique et social, la Belgique a trouvé un souffle nouveau tant sur le plan intérieur qu’européen. Ceci nous permet d’envisager l’avenir avec confiance.

Je rends également hommage à l’ensemble de la fonction publique. Je pense particulièrement à tous les militaires qui ont servi ou qui servent encore en opérations de paix à travers le monde. Par ailleurs, nous avons pu côtoyer de nombreux dirigeants économiques et des partenaires sociaux qui ont fait preuve de dynamisme dans un monde toujours plus globalisé, et qui se sont efforcés d’encourager et de préserver la dimension sociale de notre développement économique. Ils viennent encore d’en fournir un bel exemple. En période de crise c’est souvent plus difficile à réaliser, mais cela demeure essentiel. La Reine et moi avons été charmés aussi par nos contacts avec le monde culturel qui témoigne d’une étonnante créativité due au fait que notre pays se situe aux confins de plusieurs grandes cultures.

Enfin, la vitalité et la générosité du monde associatif constituent un grand atout pour la Belgique. Notre pays compte également de nombreux talents dont nous pouvons être fiers. Vous me demanderez peut être, au moment où je quitte ma fonction, quels sont mes souhaits pour l’avenir. J’en ai beaucoup mais j’en exprimerai surtout quatre.

1.  Premièrement, que la Belgique garde sa cohésion. Elle s’est transformée depuis une quarantaine d’années, de façon pacifique et démocratique, d’un Etat unitaire en un Etat fédéral où les entités jouissent d’une très large autonomie. Et avec la mise en œuvre de la 6ème réforme de l’Etat, cette autonomie va se renforcer considérablement. Je profite de cette occasion pour saluer l’énorme travail réalisé ces derniers mois par le gouvernement et ses collaborateurs. Dans un monde qui change rapidement, il est important que chaque responsabilité publique soit exercée au niveau qui est le plus équitable et le plus efficace. De même, je suis convaincu que le maintien de la cohésion de notre Etat fédéral est vital, non seulement pour la qualité de notre vie ensemble, qui nécessite le dialogue, mais aussi pour la préservation de notre bien-être à tous.

2. Deuxièmement. Continuons à croire fermement dans l’Europe. Dans notre monde, cette construction européenne est plus que jamais nécessaire. Dans beaucoup de domaines les défis ne peuvent être rencontrés qu’au niveau européen, et c’est à ce niveau qu’un certain nombre de valeurs peuvent être le mieux défendues. Je pense à la richesse de la diversité, au pluralisme démocratique, à la tolérance, à la solidarité, et à la protection des plus faibles. Mais il est essentiel que le projet européen soit plus qu’un projet budgétaire, qu’il mette également l’accent sur la croissance durable, sur  l’emploi, sur les perspectives d’avenir pour les jeunes, sur la justice sociale, et sur la culture. Notre pays lui-même, doit être un moteur d’une  construction européenne où la dimension humaine et démocratique est centrale. Notre pragmatisme, notre sens de l’équilibre, et notre ouverture à l’autre, sont des qualités précieuses pour atteindre ces objectifs. Et de plus, nous avons la chance que les principales institutions européennes soient situées au cœur de notre pays.

3. Enfin, troisièmement, même en période de crise en Europe, restons ouverts aux pays en développement. Pour nous Belges, soyons attentifs à l’Afrique Centrale avec laquelle nous avons tissé tant de liens, et qui traverse aujourd’hui tellement d’épreuves.

4.  Je terminerai par un souhait qui m’est très cher comme Roi et comme père : entourez le futur Roi Philippe, et la future Reine Mathilde, de votre collaboration active et de votre soutien. Ils forment un excellent couple au service de notre pays et ils jouissent de toute ma confiance.

Quant à la Reine et moi, nous continuerons, dans la discrétion cette fois, à nous intéresser à ce qui se passe dans notre pays que nous aimons tant (La conclusion sera traduite et prononcée en allemand par le Roi).

Le Te Deum

 En ce 21 juillet 2013, préalablement à l’intronisation du nouveau Roi des Belges, la journée a débuté par un Te Deum (Te Deum laudamus « Dieu, nous te louons ») célébré en la cathédrale Saints Michel et Gudule de Bruxelles, et présidé par l’Archevêque de Malines-Bruxelles, Monseigneur André Joseph Léonard, comme le veut la tradition en Belgique, avec l’approbation des autorités de l’Etat, bien que celui-ci ne soit pas confessionnel, mais « neutre ».

A titre de mémoire, il est important de rappeler que le premier Roi des Belges Léopold 1er était de confession protestante luthérienne, religion qu’il n’a jamais reniée jusqu’à sa mort, et qu’à l’inverse de ses successeurs, c’est le lendemain de son intronisation qu’il assista au Te Deum de la collégiale Sainte-Gudule, en déclarant à l’évêque de Tournai Jean-Joseph Delplancq : « Je sais tout l’attachement que le peuple belge porte à sa croyance et je saurai la respecter. Quoique la Constitution ait entièrement séparé la religion du gouvernement, le clergé (catholique) est assuré de ma constante bienveillance ».

Il est important également de préciser que le trône de Belgique, qui avait été tout d’abord « offert » au duc de Nemours (fils de notre Roi des Français, Louis-Philippe 1er), choisit et élu par le Congrès national belge, mais qui le refusa pour éviter d’indisposer diplomatiquement le Royaume-Uni, fut accepté par Léopold 1er Prince de Saxe Cobourg et Gotha.

Deux ans plus tard, il épousait la princesse française et catholique Louise-Marie d’Orléans, sœur du duc de Nemours, et ce, dans les deux rites (catholiques et luthérien), tout en  permettant à ses enfants d’être élevés dans la religion catholique.

Depuis lors, ce Te Deum organisé par, et à l’invitation de l’Eglise catholique, sans obligation de présence, mais à l’intention des corps constitués, et où tous les cultes sont admis et représentés, tout comme les associations laïques, se veut être une cérémonie de bénédiction sans sacrement, à l’intention du pays, de la famille royale, ainsi que l’occasion d’exprimer des remerciements au Roi en place (Albert II) pour son règne, mais aussi des vœux émis pour la population belge et son futur Roi (Philippe 1er).

C’est un rappel à la transcendance du pouvoir et au sacré, qui convie chaque membre de l’assistance, et en particulier le Roi et son successeur, à avoir l’humilité de reconnaître que tout pouvoir, même exercé par des personnes très puissantes, et même confié par la volonté d’un peuple souverain, n’est qu’une liberté venant de plus haut encore, qui exige avant tout des devoirs, plutôt que des droits.

On remarquera qu’aux Pays-Bas, l’intronisation a lieu dans une église, mais en l’absence totale de cérémonie religieuse, alors qu’en Belgique, l’intronisation se fait dans l’enceinte du Parlement, précédée d’une bénédiction religieuse, dans une cathédrale.

A la sortie du Te Deum, la famille royale prit un bain de foule où l’on pouvait partout entendre et lire : Merci Sire, et Vive le Roi.

 

L’abdication

En ce 21 juillet 2013 à 10 heures 55, suivant le Te Deum et précédant l’intronisation du Prince Philippe au Palais de la nation à Bruxelles, eut lieu au Palais royal de Laeken, la cérémonie de signature de l’acte d’abdication du Roi Albert II, retransmise à la télévision.

La différence de lieux marque la distinction des pouvoirs : au Palais royal, c’est le Roi qui décide seul de son abdication ; au Palais de la nation, c’est le Parlement qui authentifie seul la prestation de serment, qui fera du Prince Philippe, le nouveau Roi des Belges.

Avant de signer l’acte d’abdication, le Roi Albert II a prononcé le discours suivant :

« Mesdames et Messieurs,

Avant d’abdiquer, je suis heureux de m’adresser une dernière fois aux Autorités du pays, et à travers vous, à toute la population.
Je voudrais vous remercier, pour ce que vous avez réalisé de positif pour notre cher pays pendant la durée de mon règne.

Je voudrais ensuite rendre un hommage particulier au Premier Ministre, qui a accepté et accompli avec succès la difficile mission de former ce gouvernement, et qui ensuite, avec les Vice-Premiers Ministres et tout le Gouvernement, a pris les mesures nécessaires pour, dans des conditions difficiles, préserver au mieux le bien-être de tous les Belges.
Je voudrais aussi féliciter les Présidents des 8 partis qui, ensemble avec le Premier Ministre, ont convenu d’une réforme majeure de notre Etat fédéral.

La Belgique se modernise et je m’en félicite. Et je m’en voudrais de ne pas associer les deux  Secrétaires d’Etat concernés à cet hommage,  pour l’énorme travail accompli.

Même si, de par le fonctionnement de nos institutions, j’ai davantage côtoyé durant mon règne les chefs et les membres  des différents gouvernements qui se sont succédés, je souhaite saluer ici le rôle essentiel de nos assemblées parlementaires, et en particulier celui de l’opposition, sans lequel il n’y a pas de démocratie digne de ce nom.
Il en est de même pour la liberté de la presse, qu’il faut chérir à tout prix.
Quant à la Reine Paola, qui m’a constamment soutenu dans ma tâche durant ces 20 années, je voudrais simplement lui dire merci.

(Et le Roi adresse à la Reine Paola un « gros kiss » (gros bisou), comme témoignage de son affection, en marge du discours officiel, qui ne manqua pas de susciter l’émotion de l’assistance et de la Reine elle-même, qui comme le Roi, fut très applaudie)

Merci que j’adresse aussi à celles et à ceux qui auprès de moi m’ont prodigué de précieux conseils.
Enfin, en tant que Roi et père, je voudrais m’adresser à mon fils, qui va me succéder.
Philippe, tu as toutes les qualités de cœur et d’intelligence pour très bien servir notre pays dans tes nouvelles responsabilités. Toi-même et ta chère épouse Mathilde, avez toute notre confiance. Ta mère et moi formons le vœu ardent de plein succès dans cette tâche à laquelle tu es bien préparé. Mes dernières recommandations pour vous tous, rassemblés ici, sont : travaillez sans relâche à la cohésion de la Belgique. Vous serez ainsi davantage encore des artisans de paix, vous défendrez au mieux le bien-être de tous, et notre pays restera une inspiration pour l’Europe qui cherche l’unité dans la diversité.

Merci ».  (La conclusion sera traduite et prononcée en allemand par le Roi),

auquel a répondu le Premier ministre par le discours suivant en français, et successivement en flamand et en allemand :

« Sire, Madame

Monseigneur, Madame,

Mesdames et Messieurs,

En ce jour historique, au nom de la population de notre pays et au nom du Gouvernement, je voudrais, Sire, vous remercier du fond du cœur.

Vous remercier pour tout ce que vous avez fait et vous remercier pour ce que vous avez été : un très grand chef d’Etat !

C’est la tête haute et le devoir parfaitement accompli que vous tournez aujourd’hui une page importante de l’Histoire de notre pays.

Sire, (traduit du flamand)

Je voudrais également vous remercier pour votre générosité et l’attention chaleureuse que vous avez toujours portée à nos citoyens, et pour le respect dont vous avez fait preuve pour les hommes et les femmes politiques que vous avez reçus à de très nombreuses occasions.

En ce qui me concerne, je voudrais vous dire que j’ai énormément apprécié nos conversations.

(reprise en français)

Ces conversations intenses et chaleureuses m’ont permis de découvrir votre connaissance approfondie des dossiers.

Et j’ai pu et c’est peut-être là l’essentiel, j’ai pu apprécier votre aptitude remarquable à regarder au-delà de l’horizon.

Madame,

Je souhaite vous exprimer la gratitude des citoyens, qui ont particulièrement apprécié votre bienveillance et votre soutien.

Avec le Roi, vous avez notamment encouragé artisans, travailleurs et créateurs, mettant ainsi en avant les talents et atouts de notre pays.

Vous êtes, vous aussi, ancrée dans le cœur des Belges.

Monseigneur, (traduit du flamand)

Dans quelques instants vous serez notre 7ème roi, roi d’un pays au sein duquel la diversité, l’ouverture, et la tolérance sont des valeurs essentielles, un pays qui ne cesse de se réinventer pour offrir à chaque citoyen de s’épanouir dans les meilleures conditions, un royaume doté d’une riche histoire et qui porte un regard résolument vers l’avenir, un pays pour vous et nous, dont vous et nous pouvons être fiers,

(reprise en français)

fiers de ce que nous sommes, fiers du travail que nous accomplissons afin de garantir à chacune et à chacun la meilleure vie possible

Monseigneur,

Nous savons tous que votre fonction sera exigeante. Elle impliquera qu’en permanence vous vous hissiez au-dessus de la mêlée.

Vous partagerez les joies et les peines du peuple belge, ses inquiétudes et ses espoirs.

Dévoué et attentif, vous serez au service de notre pays et de ses citoyens.

Radieuse, la future Reine Mathilde vous secondera magnifiquement dans votre tâche.

Et vous pouvez compter sur le plein soutien du Gouvernement.

Monseigneur, Madame, (traduit du flamand)

Vous serez aux côtés de nos citoyens, de nos entreprises et de nos associations,

Nous sommes persuadés qu’ils trouveront en vous, leurs plus grands supporters et que vous ferez preuve de beaucoup d’enthousiasme pour renforcer le rayonnement de notre pays au-delà de nos frontières,

Au nom de tous les Belges, de notre gouvernement fédéral, je vous souhaite bonne chance, beaucoup de bonheur dans l’exercice de vos nouvelles fonctions

(reprise en français)

Sire, Madame,

Monseigneur, Madame,

Mesdames et Messieurs,

(traduit du flamand)

Aujourd’hui, nous vivons une fête nationale bien particulière, un jour durant lequel nous allons pouvoir fêter notre pays

(reprise en français)

Aujourd’hui, nous fêtons la Belgique, notre pays.

Une Belgique qui regorge de talents et dispose d’atouts immenses pour aller de l’avant.

Même si bien des choses doivent encore être améliorées, la Belgique est un pays formidable, où il fait bon vivre !

Oui, Mesdames et Messieurs, en ce jour emblématique, ensemble, nous pouvons regarder l’avenir avec confiance et optimisme.

(traduit de l’allemand, du français et du flamand)

Je vous souhaite à tous une magnifique Fête nationale. »

Vient alors l’accolade donnée par le Roi Albert II à son fils le Prince Philippe, futur Roi, sous les applaudissements de l’assistance, avant de s’asseoir pour signer l’acte d’abdication, et de clore la cérémonie par l’hymne national belge « la Brabançonne ».

Alors qu’aux Pays-Bas, la signature de l’acte d’abdication est un moment solennel (retransmis à la télévision), mais plutôt intimiste, qui se vit entre soi au sein du gouvernement, dont la Reine (ou le Roi s’il règne) fait partie, selon les dispositions de la Constitution, en Belgique, la signature de l’acte d’abdication est au contraire, une cérémonie protocolaire en présence de tous les corps constitués, fixée par la coutume et non par la Constitution.

Cette différence n’est pas fortuite. Aux Pays-Bas, l’acte d’abdication est non seulement signé par la Reine (ou le Roi s’il règne) et par les représentants du gouvernement qui l’authentifient, mais aussi par le Prince héritier lui-même (ou la Princesse héritière), qui devient aussitôt Roi (ou Reine) de jure, avant même la cérémonie d’intronisation.

Cela montre :

– que le gouvernement et le Roi aux Pays-Bas ne font qu’un,

– qu’il ne peut y avoir vacance du trône, dès lors que la couronne n’a pas été confiée au souverain par les Etats Généraux (le Parlement néerlandais), mais qu’elle revient de droit au monarque par héritage dynastique,

–  que la cérémonie d’intronisation à laquelle le Roi, et non plus l’héritier présomptif de la couronne, doit se rendre, n’est pas une cérémonie d’investiture du pouvoir, mais une séance solennelle, où se proclame réciproquement le renouvellement du pacte liant le Roi (dépositaire de l’autorité royale) au peuple néerlandais, à qui le Roi prête serment devant ses représentants, qui eux-mêmes font allégeance, par serment individuel, à son autorité royale.

Article 32 de la Constitution néerlandaise « Dès que possible, après que le Roi a commencé à exercer l’autorité royale, il prête serment et est installé solennellement en séance publique des Etats-Généraux réunis en une seule assemblée dans la capitale Amsterdam… »

Tout au contraire, en Belgique, l’acte d’abdication doit être vu et reconnu de tous pour s’assurer que la volonté du Roi a bien été respectée, car dès lors que celui-ci aura signé l’acte d’abdication, rédigé dans les trois langues communautaires pratiquées en Belgique (français, flamand, allemand) et contresigné dans l’ordre protocolaire par :  le Président de la Chambre des représentants (assemblée nationale), la Présidente du Sénat, le Premier ministre, les six Vice-Premiers ministres, le Président francophone de la Cour constitutionnelle, le Président néerlandophone de la Cour constitutionnelle, le Président de la Cour de cassation, le Procureur général près de la Cour constitutionnelle, le Premier Président du Conseil d’Etat, suivis enfin de la Ministre de la Justice et du Président du comité de direction du service fédéral de la justice pour l’authentification et la conservation de l’acte aux archives nationales,

il n’y aura plus de Roi en Belgique.

Commencera alors un interrègne, entre cette signature et l’intronisation du futur Roi, lequel devra préalablement prêter serment devant le Parlement (chambre des représentants et Sénat réunis au Palais de la nation à Bruxelles, en présence des corps constitués), pour devenir effectivement Roi des Belges et non de Belgique (le trône lui étant confié, certes par succession dynastique, mais sans qu’il ne s’agisse uniquement de l’héritage d’une couronne, représentant un droit dynastique exercé sur un territoire, comme aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni).

En effet, comme cela sera évoqué plus tard : en Belgique, c’est le Parlement qui fait le Roi, et non le Roi qui institue le Parlement ; ainsi, contrairement aux Pays-Bas, l’institution de  la monarchie parlementaire en Belgique émane à l’origine de la volonté du Parlement, et non de la volonté du Roi.

Il faut d’ores et déjà se rappeler qu’à la suite du refus du duc de Nemours d’accepter de monter sur le trône de Belgique, le Congrès national belge qui avait lui-même choisi le 22 novembre 1830, après la révolution belge «  la monarchie constitutionnelle représentative sous un chef héréditaire », comme forme de l’Etat, contre le Roi Guillaume 1er des Pays-Bas, et rédigé la constitution du 7 février 1831, pour une Belgique indépendante du Royaume des Pays-Bas, choisit et élit le premier Roi des Belges, Léopold 1er Prince de Saxe Cobourg Gotha, qui accepta de prêter serment le 21 juillet 1831.

 Ainsi, l’abdication n’est pas en Belgique, comme c’est le cas aux Pays-Bas, une prérogative constitutionnelle du monarque ; elle relève des circonstances historiques qui pourront peut-être s’inscrire plus tard dans la coutume, ce qui induit un interrègne de fait, que seule la Constitution prévoit pour la  mort du souverain, et qui ne peut excéder 10 jours.

Article 91 de la Constitution belge : « Le Roi est majeur à l’âge de dix-huit ans accomplis. Le Roi ne prend possession du trône qu’après avoir solennellement prêté, dans le sein des Chambres réunies, le serment suivant : « Je jure d’observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire ».

Article 90 de la Constitution belge : « A la mort du Roi, les Chambres s’assemblent sans convocation, au plus tard le dixième jour après celui du décès… A dater de la mort du Roi et jusqu’à la prestation du serment de son successeur au trône ou du Régent, les pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, au nom du peuple belge, par les ministres réunis en conseil, et sous leur responsabilité ».

Débuté à 10h 55, l’interrègne qualifié par certains de « républicain », va durer environ jusqu’à 12h 30, moment où le Prince Philippe aura prêté serment devant les chambres réunies (Chambre des représentants et Sénat), soit 1h 30 au total, pendant laquelle la Belgique se retrouve de fait sans roi : le trône étant devenu vacant, seul le gouvernement exerce les pouvoirs constitutionnels du Roi au nom du peuple belge (Art 90), et quoiqu’il puisse se produire au niveau de l’Etat, pendant cette période. Ce qui explique également la nécessité de voir les périodes d’interrègne les plus courtes possibles, pour la stabilité de la Belgique.

 

L’intronisation ou cérémonie de prestation de serment

Pendant le Te Deum et la cérémonie d’abdication du Roi Albert II, le Prince Philippe était revêtu de la tenue de lieutenant-général de la Composante Air de l’armée dont il a été promu, ainsi que vice-amiral (ayant servi lui-même dans les armes après une formation à l’École royale militaire de Bruxelles 118e Promotion Toutes Armes et ayant été nommé sous-lieutenant en 1980, avec remise de ses ailes de pilote de chasse des mains du roi Baudouin le 9 juillet 1982, suivie d’une formation terrestre à l’École du Régiment Para-Commando).

A partir de sa prestation de serment au Parlement, le Prince, amené à devenir le Roi Philippe 1er, portait cette fois la tenue de général de la Composante Terre de l’armée, car selon l’article 167 alinéa 2 de la Constitution : « Le Roi commande les forces armées, et constate l’état de guerre ainsi que la fin des hostilités. Il en donne connaissance aux Chambres aussitôt que l’intérêt et la sûreté de l’État le permettent, en y joignant les communications convenables ».

Avant la Seconde Guerre mondiale, le commandement de l’armée en temps de guerre était un pouvoir personnel du Roi. Léopold Ier, Albert 1er et Léopold III ont chacun dirigé les opérations militaires pendant l’invasion hollandaise de 1831, la Première Guerre mondiale, et la Seconde. Mais alors que le 10 mai 1940, le Roi Léopold III refuse la demande de consultation du gouvernement, et se retrouve après la capitulation confronté au choix de suivre le gouvernement à Londres, selon ses obligations constitutionnelles, ou de partager le sort de ses soldats sur le territoire, selon ses obligations militaires, une commission finira par retirer au Roi, en 1945, le pouvoir de commander personnellement l’armée.

La majeure partie des forces belges étant actuellement sous commandement intégré de l’O.T.A.N., la question est aujourd’hui dépassée. Cependant, le rôle du Roi en matière militaire reste important pour la mise en condition des forces armées dont il demeure le chef  et préside à ce titre aux cérémonies militaires, notamment lors de la fête nationale, mais aussi lors de la Fête du Roi, autour du 15 novembre pour laquelle il est traditionnellement organisé dans tout le royaume des repas de corps des officiers, sous-officiers et volontaires, où est porté un toast en l’honneur du Roi, marquant l’attachement et l’estime qui lui sont adressés en tant que commandant en chef.

Le Roi a également pour devoir de rappeler au monde politique et à l’opinion publique les obligations nationales et internationales de défense de la Belgique.

Comme dans toute monarchie parlementaire, le protocole et la coutume ont souvent autant d’importance que l’application des textes constitutionnels eux-mêmes, dès lors qu’ils expriment la position du monarque dans le système institutionnel.

Ainsi, l’on remarquera, pour sa venue au Palais de la nation, avant même d’avoir prêté serment :

– que, non seulement le Prince Philippe était déjà en uniforme de Chef des armées tel le Roi,

– qu’il arborait déjà le fanion royal à sa voiture, elle-même immatriculée du chiffre 1 attribué au Roi,

– et que son entrée devant les Chambres était annoncée par l’huissier préposé selon la formule (dans les trois langues nationales): « De Konning, Le Roi, Der König » alors que constitutionnellement, il ne l’était toujours pas.

De même, à la fin du discours d’accueil au Parlement, prononcé par Monsieur André Flahaut, Président de la Chambre des représentants, celui-ci annonça : «  J’invite Sa Majesté le Roi, à prêter le serment constitutionnel ».

Il faut en conclure que pour les autorités de l’Etat, il est important d’affirmer que même si c’est le Parlement qui fait le Roi en Belgique, sous condition de prestation de serment, c’est toujours la descendance directe, naturelle et légitime de Sa Majesté Léopold, Georges,

Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture, comme il est écrit dans la Constitution, qui est appelée à servir le pays. Le Roi Albert II ne fait pas qu’abdiquer, il le fait précisément, selon l’acte d’abdication, « en faveur de son fils, le Prince Philippe ».

Ainsi, l’on peut dire qu’aux sources historiques de la légitimité en Belgique, prime la légitimité populaire, à l’avènement du futur Roi, mais dans le cadre d’une légitimité dynastique préalablement établie, selon la Constitution. Né Prince, et reconnu comme tel, il n’est pas pour autant Roi, par la naissance, mais par la volonté de la nation, selon les dispositions de l’article 85 de la Constitution : « Les pouvoirs constitutionnels du roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture… ».

L’importance donnée à la souveraineté du peuple, clairement affirmée par l’article 33 de la Constitution : « Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution », se retrouve dans l’absence de toute ostentation dans la cérémonie d’intronisation du nouveau Roi des Belges.

Alors qu’aux Pays-Bas, les symboles du pouvoir royal sont exposés de manière manifeste, mais sans toutefois avec la pompe que revêt par exemple, la cérémonie religieuse de couronnement au Royaume-Uni, en Belgique rien de tout cela n’apparaît. La symbolique se veut discrète : point de couronne, de sceptre, de globe, de bannière ou d’épée hormis celle portée en tant qu’officier (ni même seulement déposés au pied du souverain, comme aux Pays-Bas), pas davantage de cérémonie d’apparat avec sonnerie de trompettes, étendards, port du manteau d’hermine ou de sacre, ni même de procession solennelle en carrosse.

Seules marques royales au Palais de la nation : le nouveau Roi Philippe 1er portera le grand cordon de l’ordre de Léopold 1er pour sa prestation de serment, il siègera également sur le trône (surmonté d’une main de serment et du lion belge), créé pour le Roi Léopold II, puis sera reconduit au Palais royal de Laeken, escorté de la garde royale belge à cheval, après les cérémonies militaires de la fête nationale, tandis que 101 coups de canon seront tirés pour marquer son avènement.

Suite à la cérémonie d’abdication, le Prince Philippe s’est donc rendu au Palais de la nation à Bruxelles, accompagné de son épouse la Princesse Mathilde et de ses quatre enfants, dont la future princesse héritière présomptive Elisabeth née en 2001 (le 21 juin 1991, la « loi salique » a été en effet abrogée pour les descendants du roi Albert II, tout en étant maintenue pour les autres branches des descendants de Léopold Ier qui, en l’absence de descendance de mâle en mâle, sont donc absentes de la succession).

Arrivés aux abords du Parlement, la foule scandait « Philippe, Philippe ».

Le Prince était par ailleurs précédé de l’ensemble des membres de la famille royale, très applaudis, tout comme lui-même, à leur arrivée dans l’enceinte du Palais de la nation.

Alors qu’avait été précédemment déclarée ouverte la séance des deux Chambres réunies, par Monsieur André Flahaut, Président de la Chambre des représentants,  pour qu’il y donne, ainsi que Madame Sabine de Béthune, Présidente du Sénat,  lecture de l’acte d’abdication du Roi Albert II,  et après une suspension de séance, l’intronisation débuta par le discours du Président de la Chambre des représentants, en les termes suivants :

« Sire,

 C’est au nom de tous les représentants de la Nation en Chambres réunies et ce en vertu de l’article 91 de notre Constitution que j’ai l’honneur de Vous accueillir ici, au cœur de notre démocratie, pour ce fait marquant dans l’histoire d’un peuple et unique dans la vie d’un roi, la prestation du serment constitutionnel.

 Avec Vous, nous nous souvenons que c’est dans l’émotion du deuil que Votre père, Sa Majesté le Roi Albert II a renouvelé solennellement l’union des Belges et de la Dysnastie.

 Vingt années plus tard, nous sommes particulièrement heureux en ce 21 juillet 2013 de recevoir le successeur d’un roi au dévouement sans faille, à l’extraordinaire capacité de trouver des compromis au nom de l’intérêt général et dont le règne s’est défini par la qualité et la permanence de son écoute envers tous, par sa sincérité et son aptitude naturelle à se positionner dans la proximité, un roi qui a choisi dans la sérénité et la liberté de Vous céder le trône de Belgique.

 Nous savons que l’Histoire des pays et des hommes qui la construisent n’est jamais figée.

 Nous savons que Vous aurez à cœur de participer pleinement à celle-ci, que Vous portez en grande estime l’héritage de Vos prédécesseurs, que Votre honneur est dans le respect de notre démocratie, de ses institutions et des règles qui la régissent.

 Nous savons que notre confiance en Votre attachement aux valeurs de justice et de solidarité est pertinente.

 Nous savons qu’elles sont celles de Votre famille et que Vous ambitionnez de les maintenir hautes et fortes tout au long de Votre règne.

 Sire,

 Depuis sa création, notre pays a toujours été une démocratie, interrompue certes par deux conflits mondiaux mais le principe n’a jamais été ébranlé.

 Cette capacité d’évolution et de progrès a traversé les années sans heurts majeurs. Qu’il se soit agit de problèmes économiques, de questions sociétales ou de réformes institutionnelles, le roi, les responsables politiques et les citoyens, en concertation, ont toujours su trouver la voie du consensus et de l’équilibre.

 Malgré ou grâce à nos diversités culturelles, philosophiques et politiques, nous avons toujours trouvé le chemin du bon sens, nous avons toujours fait preuve d’une capacité de pragmatisme et de réalisme solide. Nous y avons, parfois, il est vrai, glissé quelques touches de surréalisme mais n’est-ce pas par ses particularités et ses audaces qu’à l’instar d’une personnalité, un pays s’affirme et grandit ?

 La tâche d’un roi ne se définit pas uniquement par la sauvegarde d’un héritage, aussi illustre et respecté soit-il, elle s’inscrit dans la modernité du temps présent, dans les promesses de l’avenir.

 Aujourd’hui, la Belgique est devenue, avec succès, un état fédéral et l’Europe dont elle fut pionnière, poursuit son développement.

 De réformes institutionnelles en bouleversements sociétaux, entre émotion et passion, entre mémoire et créativité, entre certitudes et interrogations, notre pays continue de se construire avec opiniâtreté et fierté, avec enthousiasme et optimisme ici, en Europe et dans le monde.

 Sire,

Nous vous remercions déjà de Votre contribution à la qualité et à l’évidence de cet avenir.

A ces remerciements anticipés, Vous me permettrez Sire, d’associer la Reine Mathilde et toute la famille royale.

Leur sensibilité, la qualité de leur investissement personnel, leur attachement profond à notre pays et leur écoute de chaque citoyen sont les atouts cœur de Votre destin de roi et de la noble tâche qui Vous échoit en ce 21 juillet 2013.

 Au nom de tous les représentants de la Nation, je m’en réjouis, je Vous félicite et je Vous souhaite Sire, un long et très heureux règne.

 J’invite Sa Majesté le Roi, à prêter le serment constitutionnel ».

Dans les termes prévus par la Constitution, le Prince Philippe, debout devant le trône, levant la main droite, prononce alors sans faille et avec assurance, dans les trois langues nationales (néerlandais, français, allemand), sa prestation de serment : « Je jure d’observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire ».

Manifestement à l’aise, contrairement aux critiques qui avaient été formulées à son égard sur sa manière de communiquer, cette fois Philippe 1er Roi des Belges, enchaîne et prononce son premier discours de Roi, et de plus de premier Roi fédéral de l’histoire belge, depuis la réforme de l’Etat, toujours en cours. Il s’adresse successivement dans les trois langues en commençant intentionnellement en flamand traduit ci-après en Français :

« Majestés, Monsieur le Président de la Chambre des Représentants, Madame la Présidente du Sénat, Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,

Je viens de prêter devant vous le serment constitutionnel. Je suis conscient de la responsabilité qui désormais m’incombe.  Ce serment est une promesse solennelle qui renouvelle la relation de confiance qui existe depuis bientôt deux cents ans entre le Roi et le peuple belge.

Je succède aujourd’hui à six autres Rois, dont mon père le Roi Albert. Sire, pendant vingt ans, vous avez entretenu cette confiance en vous montrant d’une part proche de tous, chaleureux et profondément humain, et d’autre part attentif et engagé dans l’exercice de votre responsabilité de Chef de l’Etat.  La Reine Paola vous a secondé dans votre tâche tout en se consacrant plus spécialement à des domaines essentiels tels que l’enseignement et la culture.

Avec sérénité, dignité et dévouement, vous avez accompagné le peuple belge en des temps parfois difficiles comme à des moments heureux et à une époque marquée par des changements profonds dans le monde.  Nous vous en sommes reconnaissants.

Je me rends compte de la chance que j’ai de pouvoir compter sur le soutien permanent de mon épouse la Reine Mathilde. Chère Mathilde, depuis de nombreuses années, tu t’es investie de tout ton cœur dans de nombreuses activités. Tu as un sens inné pour le contact humain. Avec nos chers enfants nous entamons, confiants, ce nouveau chapitre de notre vie et de notre pays.

 Mesdames et Messieurs,

J’entame mon règne avec la volonté de me mettre au service de tous les Belges.  Je travaillerai pour cela en parfaite entente avec le gouvernement et dans le respect de la Constitution. Au cours des années écoulées j’ai pu tisser des liens de plus en plus forts avec de très nombreux concitoyens. Je compte intensifier ce dialogue.

La richesse de notre pays et de notre système institutionnel réside notamment dans le fait que nous faisons de notre diversité une force.  Nous trouvons chaque fois l’équilibre entre unité et diversité.  La force de la Belgique est justement de donner un sens à notre diversité.

La nouvelle réforme de l’Etat réalise un transfert de compétences important aux entités fédérées.  Cela rapprochera les citoyens de la prise de décisions. Cela permettra de mieux rencontrer les défis de l’avenir.  La force de la Belgique réside également dans ses entités fédérées. J’entends entretenir des contacts constructifs avec leurs responsables.  Je suis convaincu que la coopération entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions s’opérera au plus grand bénéfice de nos citoyens et de nos entreprises.

Nous savons qu’ensemble nous pouvons mettre en valeur les talents de chacun. En cela réside notre génie commun tel qu’il s’est développé tout au long de notre histoire. C’est un état d’esprit qui a façonné notre caractère et nos valeurs.  Faire face ensemble aux problèmes les plus complexes, concilier les diverses aspirations, les intégrer sans qu’elles perdent leur originalité et leur force, voilà ce qui a aussi forgé notre inventivité et notre sens de la mesure.

 Mesdames et Messieurs,

Ces valeurs qui nous animent ont guidé des générations d’hommes et de femmes avant nous. Par leur engagement dans la société et dans la politique ils ont assuré à notre pays un niveau élevé de prospérité et de solidarité. Ils ont offert à la fois un cadre solide pour entreprendre et une sécurité sociale efficace.

Nous sommes confrontés à une crise qui frappe durement de nombreux concitoyens. Je veux aujourd’hui encourager chaque homme et chaque femme à faire face. Il y a en chacun de nous un potentiel insoupçonné qui n’attend qu’à se révéler. J’en suis profondément convaincu. De plus, nous avons collectivement les moyens pour surmonter nos difficultés et pour assurer à chacun l’opportunité de progresser.

Plus que jamais, le projet européen doit nous donner espoir et confiance. L’Europe que nous souhaitons doit apporter croissance et solidarité.  Nous sommes fiers que notre capitale soit aussi la capitale de l’Europe et qu’à chaque moment de son histoire des dirigeants belges ont été au cœur de ce grand projet.  Au cours de mes missions à l’étranger j’ai pu constater combien les atouts de la Belgique et les talents et les forces dont elle dispose étaient appréciés de par le monde.

Mesdames et Messieurs, c’est dans cet esprit que j’agirai durant mon règne. Je soutiendrai, en Belgique et à l’étranger, toutes ces qualités qui sont les nôtres.

Donnons tous ensemble à notre pays un nouvel élan d’enthousiasme.

Vive la Belgique ! Leve België ! Es lebe Belgien ! ».

Symboliquement, la nouvelle forme fédérale de la Belgique, issue de la sixième réforme de l’Etat toujours en cours, était représentée au Parlement en arrière plan du trône, par quatre blasons régionaux des différentes entités fédérées, que sont à présent : la Communauté germanophone et les Régions, wallonne, bruxelloise et flamande.

Les problèmes institutionnels et communautaires font partie des sujets traités par le Roi en tant que Chef de l’Etat. La crise politique qui suivit les élections de juin 2010, fit l’objet d’un sévère avertissement du Roi aux politiciens, dénonçant dans un discours, la montée du poujadisme, et entrainant ainsi les huit partis politiques à s’accorder en quelques heures, sur un processus de début de négociations.

Après deux années, et l’instauration du Comité de mise en œuvre des réformes institutionnelles (Comori), ses travaux ont finalisé deux points essentiels: les transferts de compétences et la révision de la loi de financement. Comme l’a rappelé le Premier ministre : désormais, le centre de gravité s’est déplacé du fédéral vers les entités fédérées, selon la promesse qui avait été faite.

Par ailleurs, la réforme de l’Etat prévoit trois textes de modifications relatives à la monarchie, portant sur : le régime des dotations, la liste civile du nouveau roi, et la dotation accordée à l’ex-Roi Albert II.

Pour la première fois, la famille royale belge devra payer l’impôt comme tout citoyen, et les dotations seront contrôlées, depuis la polémique engendrée par la création de la fondation Fons Pereos, en mémoire du Roi Baudouin, dont l’ex-Reine Fabiola s’était défendue par un communiqué officiel, de financer sur les fonds de sa dotation, en concluant « En conséquence, soucieuse de garder l’unité, j’assume pleinement de renoncer à ma fondation, même si ce geste me pèse beaucoup ».

Clôturant la séance de prestation de serment, Madame Sabine de Béthune, Présidente du Sénat belge, prononça le discours suivant :

«  Sire,

 Vous exercez désormais la fonction constitutionnelle de Roi conformément à l’article 85 de la Constitution et devenez ainsi le septième souverain de Belgique, le Roi Philippe.

Par le serment que vous avez prononcé devant les Chambres réunies, vous scellez une fois de plus l’alliance conclue entre notre dynastie et le peuple.

 Vous prenez l’engagement de servir votre pays et de faire œuvre de solidarité. Relevons le défi et unissons nos forces, à tous les niveaux, pour construire une société tolérante et démocratique.

 Au nom des Chambres fédérales et de toute la population, je vous souhaite de tout cœur beaucoup de succès dans l’accomplissement de la mission que vous avez acceptée.

 Sire,

 Vous êtes le nouveau visage de notre pays.

Avec vous et votre épouse, la Reine Mathilde, c’est une nouvelle génération qui arrive, avec de jeunes enfants, grâce à qui vous êtes solidement ancré dans la vraie vie.

 Vous connaissez les joies, mais aussi les soucis, petits et grands, auxquels toutes les familles de ce pays sont confrontées au quotidien.

Nous attendons avec confiance de découvrir la manière dont vous conduirez votre règne.

Nous savons que vous exercerez vos fonctions avec un grand dévouement et dans un esprit de modernité.

Nous souhaitons que vous et votre épouse puissiez être des bâtisseurs de ponts dans notre société.

 Sire,

 Nous sommes à l’aube d’une nouvelle étape. Puissions-nous puiser dans cette cérémonie toute la force et la fierté nécessaires pour continuer à bâtir ensemble l’avenir de notre pays, riche de toute sa diversité.

 J’invite à présent tous les membres de l’assistance à se lever pour la

Brabançonne et l’hymne européen ».

Il ne restera plus qu’au nouveau Roi, à signer le livre d’or de la Chambre des représentants et celui du Sénat, et à regagner le Palais royal pour une apparition au balcon, très applaudie par la population.

Outre les députés et les sénateurs, la cérémonie de prestation du serment constitutionnel s’est déroulée également en présence des membres du gouvernement fédéral, et des entités fédérées, mais aussi des présidents des Parlements des entités fédérées, des hauts magistrats, des représentants des cultes, du corps diplomatique et de l’Union européenne, soit 200 invités, à l’exception des Chefs d’Etat ou représentants de pays étrangers, qui ne sont pas traditionnellement invités.

On remarquera que pour la première fois, l’hymne européen a été joué lors de la prestation de serment et que le drapeau européen s’affichait aux côtés de celui de la Belgique, une manière de rappeler et d’affirmer l’attachement de ce pays à la construction européenne, que l’ex- Roi Albert II n’a cessé de défendre, en n’omettant pas d’insister sur la présence des institutions européennes à Bruxelles, capitale du royaume, et sur le regard porté sur la Belgique par l’Europe, comme Etat précédemment unitaire, capable de mener une expérience institutionnelle fédérative, en dépit des antagonismes et des revendications communautaires.

Il faut également souligner que, pour la première fois depuis le Roi Léopold II, une prestation de serment n’est pas entachée d’incident, ou troublée par un « Vive la République ».

Ce fait remarqué de tous, est sans doute à mettre au crédit du précédent Roi Albert II, qui a su tout au long de ses vingt années de règne et notamment, pendant les 541 jours de crise gouvernementale en 2010-2011, tenir les rênes du royaume en l’absence de Premier ministre, en parvenant à obtenir ce nouveau compromis institutionnel, pour l’unité de la Belgique, dont la devise nationale est, selon l’article 193 de la Constitution : «  L’union fait la force« .

Il a été reconnu de tous, que le Roi a su incarner la Belgique à lui tout seul, et en toute circonstance.

Les partis politiques, notamment flamands, n’ont pas manqué de se positionner pour l’avenir, à l’occasion de ce changement de règne.

A la sortie du Parlement le Président du Parti socialiste, Monsieur Paul Magnette déclare : « C’est une journée historique pour la Belgique. En ce 21 juillet, nous fêtons les 20 ans de règne d’Albert II et l’accession au trône du Prince Philippe. La façon dont s’est déroulée cette transition prouve que notre pays est dorénavant stabilisé. Et cela est de bon augure au moment où les médias du monde entier sont focalisés sur notre pays ».

Tandis que l’ancien Premier ministre Guy Verhofstadt de l’Open Vlaamse Liberalen en Democraten (Libéraux et démocrates flamands), parti libéral néerlandophone espère que «  le règne de Philippe sera aussi fantastique qu’au cours des vingt années passées » puis parlant du Roi Albert II « Le long applaudissement que l’on n’entend normalement que dans un stade de football, est la preuve de la reconnaissance de tous ceux qui étaient présents ».

Pour le Président du CDH Centre démocrate humaniste , anciennement Parti social chrétien (PSC) francophone, Monsieur Benoît Lutgen : «  Le CDH souhaite aux nouveaux souverains un règne fructueux pour poursuivre le travail réalisé par le Roi Baudouin et le Roi Albert II, dans le sens d’une monarchie à l’écoute et garante de la qualité du dialogue entre tous les Belges. Il remercie le Roi Albert II et la Reine Paola pour les services rendus à la Nation et leur souhaite de profiter pleinement dans la sérénité des joies de la vie et en particulier de la vie de famille ».

Parmi les partis flamands, le CDV ( Christen-Democratisch en Vlaams, parti démocrate chrétien flamand) et le Vlaams Belang (parti de l’intérêt flamand) ont envoyé un communiqué, pour la prestation de serment du nouveau Roi.

Pour le Président du parti démocrate chrétien flamand, M.Wouter Beke, qui a souhaité « force et inspiration pour sa nouvelle tâche » au nouveau roi, l’accent a été mis sur les changements intervenus en Belgique avec la sixième réforme de l’Etat  » Nous vivons depuis peu dans un autre pays où le centre de gravité de la décision politique est passé vers les entités fédérées. Dans ce contexte, le nouveau roi devra donner un contenu contemporain à son rôle » et il a évoqué comme une mise en garde, les qualités que devra posséder le nouveau roi  » Beaucoup ont le sentiment que la monarchie avec sa neutralité idéologique et communautaire convient bien à un pays comme la Belgique avec différentes communautés linguistiques et entités fédérées. Mais cela demande un grand sens du service et beaucoup de réserve » tout en exprimant ses remerciements au Roi Albert II, qui est « parvenu à remplir son rôle correctement, même dans les moments les plus difficiles ».

Pour le Vlaams Belang (parti de l’intérêt flamand), situé à l’extrême droite de l’échiquier politique, sa décision annoncée de boycotter la cérémonie de prestation de serment, n’a surpris personne en évoquant le « parti pris » de l’entourage royal et « son côté favorable à la Francité » tout en indiquant dans un communiqué de son Président Monsieur Gerolf Annemans, « Nous ne participerons pas à la pièce de théâtre peu démocratique du 21 juillet« .

Quant à la NVA (Nieuw-Vlaamse Alliantie, Alliance néo-flamande), parti de droite libéral né de  la dislocation de la Volksunie (Union nationale) en 2001, parti nationaliste flamand, son choix a été d’envoyer une délégation au Parlement, même si tous les parlementaires de cette formation n’étaient pas présents, mais sans pour autant s’associer aux applaudissements de l’écrasante majorité de l’hémicycle, saluant la prestation de serment du nouveau Roi.

La NVA n’a jamais caché son hostilité à la monarchie « Nous reconnaissons l’institution qu’est la monarchie, mais ce n’est pas un secret que nous ne sommes pas partisans de la royauté« , a précisé le porte-parole de la NVA qui se veut cependant légaliste.

En effet, la royauté constitue l’obstacle majeur au projet d’indépendance de la Flandre, revendiquée par la NVA, qui prétexte par ailleurs la nécessité d’une modernisation des institutions, auxquelles ils pourraient feindre de se rallier, si le Roi passait de son statut actuel de garant et d’arbitre du jeu politique, à celui purement protocolaire, d’une monarchie essentiellement représentative ou selon leur formule « cérémonielle ».

Or, il faut bien comprendre que derrière cette manœuvre se profile de manière tout à fait logique, le projet de la NVA de faire passer, cette fois, la Belgique, d’un Etat fédéral à un Etat confédéral où la Flandre et la Wallonie seraient deux régions totalement indépendantes, et non plus seulement largement autonomes, comme c’est déjà le cas actuellement avec la sixième réforme de l’Etat, qui n’est même pas encore complètement achevée.

La NVA se positionne donc déjà dans l’étape suivante de son projet destructeur de la Belgique, cette fois en tentant de transformer l’Etat fédéral en Etat confédéral. Mais le pire est à venir, puisqu’il faut bien comprendre, une fois de plus, l’enjeu de ce projet qui ne concerne pas seulement la Belgique, mais est susceptible d’avoir des conséquences sur l’Europe entière.

En effet, la vision politique de la NVA n’est pas celle d’une Europe confédérale des Etats, mais celle d’une Europe confédérale des Régions indépendantes, ce qui amènerait donc les Etats européens à disparaître (la Belgique étant le premier domino) au profit des Régions.

Pour ce qui nous concerne, il n’y aurait donc plus de France, mais une Alsace indépendante, une Lorraine, une Bretagne indépendantes …confédérées dans l’Union européenne.

Il s’agit d’un projet dangereux pour la souveraineté des nations, facteur de divisions communautaristes, et propice à l’apparition de nouvelles féodalités, dont l’Union européenne ferait bien de se démarquer, plutôt que de promouvoir le régionalisme à tout crin, et se faire ainsi complice d’un projet qui ferait à terme disparaître les Etats, au profit d’une supranationalité européenne. A moins que sans le savoir, derrière l’Union européenne, se profilent chez certains, les visées d’un tel projet, favorable à tous les impérialismes.

Ceci nous amène donc à nous interroger sur le rôle du nouveau Roi des Belges, Philippe 1er, à la fois comme rempart pour la continuité historique de la Belgique, mais peut-être aussi pour nous-mêmes.

Fête nationale oblige, le nouveau Roi a rendu hommage dans l’après-midi au Soldat inconnu, passé les troupes civiles et militaires en revue,  présidé aux cérémonies du traditionnel défilé civil et militaire, avant de regagner le Palais royal aux côtés de la Reine Mathilde, escortés de la garde royale à cheval, sous les vivats du public en liesse, que les nouveaux souverains sont venus saluer dans le parc royal lors d’un bain de foule où ils ont été chaleureusement ovationnés.

 En fin de soirée, avant le spectacle son et lumière et le feu d’artifice qui clôturaient magnifiquement cette journée historique, le couple royal est apparu une dernière fois au balcon du Palais royal, où le Roi a tenu à adresser ses remerciements à la foule massée devant le Palais, pour son soutien et sa confiance en déclarant : « Ensemble nous avons vécu une très belle journée », « Soyons fiers de notre beau pays » en concluant sous les applaudissements « Nous vous souhaitons encore une belle fête« .

Le lendemain 22 juillet, protocole oblige, le Premier ministre socialiste francophone Elio di Rupo remettait par courtoisie sa démission au nouveau Roi, signifiant ainsi, qu’il appartient au nouveau Chef de l’Etat de nommer le Premier ministre, selon l’article 96 de la Constitution
« Le Roi nomme et révoque ses ministres ».

Le Roi a refusé cette démission, estimant que le Premier ministre en place, était bien l’homme de la situation, pour diriger le gouvernement fédéral belge, avec la confiance du Parlement fédéral.

 

Les attributions ou prérogative royales

Au début de cette chronique commentée, une comparaison méritant analyse avait été engagée entre les deux royaumes voisins de Belgique et des Pays-Bas, ayant chacun procédé en cette même période, à une succession dynastique.

Les différences, en partie déjà évoquées, s’expliquent par l’histoire constitutionnelle propre à chacun des deux pays, qui se manifestent à la fois dans la représentation des symboles du pouvoir royal, et dans son exercice.

Il faut en effet remonter aux sources historiques des constitutions néerlandaises et belges pour en apprécier les distinctions conceptuelles. Aux Pays-Bas, la monarchie est devenue constitutionnelle en 1815, à la manière de Louis XVIII en France à la même époque, par l’octroi fait par le Roi Guillaume 1er des Pays-Bas aux néerlandais, d’une constitution (toujours en vigueur aujourd’hui, bien qu’ayant subie depuis des modifications) pour laquelle le Roi Guillaume 1er, était Roi des Pays-Bas, tout comme Louis XVIII, était Roi de France.

Or, la Belgique est née de la scission des anciens Pays-Bas, créés en 1815 par le Congrès de Vienne, comprenant au nord  les anciennes Provinces-Unies néerlandophones et en majorité protestantes, et au sud les anciens Pays-Bas autrichiens, trilingues (néerlandais, français et allemand) et essentiellement catholiques, lors de la révolution belge de 1830, opposant plusieurs provinces du sud à ladite Constitution de 1815, proposée par le Roi Guillaume 1er  et ce, pour divers motifs :

– religieux (protestants au nord, catholiques au sud),

– politiques, liés à l’insuffisance de représentativité (le sud comptant 60{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de la population pour seulement 50{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} des sièges aux Etats-Généraux, les ministres émanant principalement du nord), à l’insuffisance de liberté de la presse et de liberté de réunion,

– et constitutionnels (limitation insuffisante des pouvoirs royaux),

alors que s’était déjà créée en 1790, une république éphémère des « États Belgiques unis », et que ceux-ci avaient été envahis, puis annexés par la République française en 1795, puis rattachés au royaume de Hollande, créé par Napoléon en 1806, et confié à son frère Louis.

Ainsi, en Belgique, la monarchie constitutionnelle n’est pas l’œuvre du Roi, mais émane de la volonté du peuple belge lui-même, à travers ses représentants, de se doter d’une telle institution, selon ses propres aspirations, et en rédigeant lui-même la Constitution, pour la proposer ensuite à un Prince, élu par le Parlement belge, à savoir le Prince Léopold de Saxe Cobourg et Gotha, qui accepta. La Constitution belge se rapproche ainsi davantage de l’orléanisme en France, et de ce qui s’est passé dans notre pays après la révolution de 1830, quand Louis-Philippe 1er devint selon la Charte, Roi des Français, et non plus Roi de France (comme cela s’était également déjà produit en 1791, pour le Roi Louis XVI).

C’est pourquoi, alors qu’aux Pays-Bas, l’on parlera toujours davantage «  d’autorité royale », en Belgique l’on évoquera plutôt « la fonction royale ». Comme cela a déjà été dit, le Roi des Pays-Bas fait partie intégrante du gouvernement, selon la Constitution néerlandaise, ce qui n’est pas le cas du Roi des Belges.

Tandis qu’aux Pays-Bas, le Roi est associé, selon la Constitution, directement au processus législatif, dès la prise d’initiative des lois au sein du gouvernement, le Roi des Belges n’y est associé qu’en dehors du gouvernement, ce qui n’a pas la même portée symbolique, ni le même effet, en terme d’autorité royale.

Le conseil des ministres aux Pays-Bas ne peut se réunir, ni délibérer, hors la présence du Roi, alors qu’en Belgique le Roi ne participe pas aux réunions du conseil des ministres, mais est seulement informé par son propre Cabinet, auquel le gouvernement transmet tous les documents de l’Etat, et également lors de l’audience hebdomadaire du Roi avec le Premier  ministre, ou lors de celles qu’il peut avoir avec les ministres à sa demande, ou à leur demande, comme cela se pratique également au Royaume-Uni.

Même si les fonctions arbitrales et médiatrices des deux Rois, Willem-Alexander pour les Pays-Bas et Philippe pour la Belgique, sont de même nature, dès lors qu’ils sont amenés à suggérer, mettre en garde, conseiller et encourager le gouvernement, avec le droit d’être informé de toutes les affaires de l’Etat, selon la formule théorisée par Walter Bagehot, au XIXème siècle, dans son livre « The English constitution » : le Roi des Pays-Bas le fait directement au sein du gouvernement, au moment des délibérations du conseil des ministres, et préalablement à la signature des arrêtés royaux ou à la transmission des projets de loi au Parlement, tandis que le Roi des Belges ne le fait qu’indirectement, soit lors de son entretien hebdomadaire avec le Premier ministre, soit lors d’autres consultations, ou après que le gouvernement en ait déjà délibéré, au moment où il présente ses décisions au Roi.

De même, on remarquera qu’aux Pays-Bas, selon l’article 47 de la Constitution « toutes les lois et tous les décrets royaux sont signés par le Roi et par un ou plusieurs ministres ou secrétaires d’Etat »), tandis qu’en Belgique selon l’article 106 de la Constitution « Aucun acte du Roi ne peut avoir d’effet, s’il n’est contresigné par un ministre, qui, par cela seul, s’en rend responsable ». Les primautés sont inversées : rien ne peut se faire aux Pays-Bas, sans la signature du Roi, tandis qu’en Belgique, le Roi ne peut rien faire, sans la signature d’un ministre. Il est même précisé pour que cela soit bien clair, dans l’article 102 de la Constitution : « En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du Roi ne peut soustraire un ministre à la responsabilité ».

Dans les deux Etats, il y a donc le seing du Roi et le contreseing du ministre, au bas de tout arrêté royal (l’équivalent de nos décrets) ou de toute loi, mais dans les cas extrêmes ou exceptionnels, où le Roi ferait entendre un désaccord majeur, il appartiendrait pour les Pays-Bas, au ministre de négocier avec le Roi, alors qu’il appartiendrait en Belgique, au Roi, de négocier avec le ministre. La différence est subtile, mais existe néanmoins.

Toutefois, les Pays-Bas et la Belgique sont deux monarchies parlementaires, où la responsabilité incombe seul au gouvernement, devant le Parlement : article 42 de la Constitution néerlandaise : « le Roi est inviolable ; les ministres sont responsables », article 88 de la Constitution belge « La personne du Roi est inviolable; ses ministres sont responsables » et  article 101 de la Constitution belge « Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants ».

Dans les deux Constitutions, le Roi est désigné en tant que Chef de l’Etat, comme détenteur du pouvoir exécutif, selon l’article 37 de la Constitution belge « Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu’il est réglé par la Constitution », ce qui lui confère de nombreuses attributions ou prérogatives, qui s’exercent en fait par le gouvernement responsable, mais sous l’influence et l’autorité morale du Roi, comme cela a été démontré. En cela, le monarque est un « pouvoir modérateur » selon Benjamin Constant, et selon Adolphe Thiers, « Le roi n’administre pas, ne gouverne pas, il règne ». L’article 105 précise « Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même ».

Au titre de ses attributions, on notera sa participation dans le processus législatif, en tant que garant de la démocratie et de l’intérêt général. Article 36 de la Constitution « Le pouvoir législatif fédéral s’exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat ».

Aussi, selon l’article 109 de la Constitution « Le Roi sanctionne et promulgue les lois » ce qui ne lui confère pas pour autant un droit de véto, même suspensif, sur les lois, mais lui permet cependant de faire valoir son désaccord dans des cas extrêmes, pour divers motifs, dont la liberté de conscience, comme ce fut le cas pour la loi sur l’avortement en 1990, que le Roi Baudouin 1er s’est refusé de signer. Après que le Parlement n’ait pas voulu reconsidérer son projet, le Roi respectueux de la Constitution, s’est déclaré temporairement dans l’incapacité de régner, disposition constitutionnelle prévue aux articles 93 et 90 , afin de ne pas interrompre le processus législatif, conformément à l’article 108 « Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution ». C’est donc le gouvernement seul, assumant temporairement les prérogatives royales, qui a signé ce texte.

Selon l’article 75 de la Constitution, le droit d’initiative appartient à chacune des branches du pouvoir législatif fédéral (dont la troisième est celle du Roi) et les projets de loi sont donc déposés à la Chambre des représentant et transmis ensuite au Sénat, à l’initiative du Roi, de même pour les traités, cette fois, déposés au Sénat et transmis ensuite à la Chambre des représentants.

Par ailleurs, selon les articles 44, 45 et 46 de la Constitution, le Roi convoque les Chambres et clôturent leur session, il peut aussi les ajourner pour un délai maximum d’un mois, et dissoudre la Chambre des représentants suivants différentes modalités.

Selon l’article 107 « Le Roi confère les grades dans l’armée. Il nomme aux emplois d’administration générale et de relation extérieure, sauf les exceptions établies par les lois.
Il ne nomme à d’autres emplois qu’en vertu de la disposition expresse d’une loi
 ».

Il est également source des honneurs, selon l’article 113 « Le Roi a le droit de conférer des titres de noblesse, sans pouvoir jamais  y attacher aucun privilège » et l’article 114 « Le Roi confère les ordres militaires, en observant, à cet égard, ce que la loi prescrit ».

Symbole de l’autorité de l’Etat et garant de la justice, selon l’article 40 les arrêts et jugements des cours et tribunaux sont exécutés au nom du Roi, tandis que selon l’article 151 alinéa 4 «  Les juges de paix, les juges des tribunaux, les conseillers des cours et de la Cour de cassation sont nommés par le Roi dans les conditions et selon le mode déterminés par la loi… », et que selon l’article 110 « Le Roi a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué relativement aux ministres et aux membres des Gouvernements de communauté et de région » avec une réserve cependant selon l’article 111 « Le Roi ne peut faire grâce au ministre ou au membre d’un Gouvernement de communauté ou de région condamné par la Cour de cassation, que sur la demande de la Chambre des représentants ou du Parlement concerné ».

Et si d’aventure l’euro venait à disparaître, selon l’article 112 « Le Roi a le droit de battre monnaie, en exécution de la loi », ce qui lui permet de voir déjà s’afficher sur nos pièces de monnaies son effigie,  tout comme c’est le cas pour l’ex-Reine des Pays-Bas, le Roi d’Espagne ou le Grand-duc de Luxembourg.

Le Roi, indépendant des partis politiques, dispose donc de toutes les prérogatives « régaliennes » de Chef de l’Etat pour assurer l’essentiel, sous couvert de la responsabilité des ministres, ce qui a permis à la Belgique d’être préservée pendant les 541 jours de crise gouvernementale en 2010-2011, un record pour une démocratie parlementaire.

Et là où les attributions royales se mêlent de manière significative à la fonction royale, se trouvent les articles :

–   96 de la Constitution « Le Roi nomme et révoque ses ministres.
Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la nomination d’un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d’un successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d’une motion de confiance. Le Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le nouveau Gouvernement fédéral prête serment
 »,

–  104 de la Constitution « Le Roi nomme et révoque les secrétaires d’État fédéraux. Ceux-ci sont membres du Gouvernement fédéral. Ils ne font pas partie du Conseil des ministres. Ils sont adjoints à un ministre. Le Roi détermine leurs attributions et les limites dans lesquelles ils peuvent recevoir le contreseing. Les dispositions constitutionnelles qui concernent les ministres sont applicables aux secrétaires d’État fédéraux, à l’exception des articles 90, alinéa 2, 93 et 99 »,

–  167 de la Constitution « § 1er. Le Roi dirige les relations internationales, sans préjudice de la compétence des communautés et des régions de régler la coopération internationale, y compris la conclusion de traités, pour les matières qui relèvent de leurs compétences de par la Constitution ou en vertu de celle-ci.

Le Roi commande les forces armées, et constate l’état de guerre ainsi que la fin des hostilités. Il en donne connaissance aux Chambres aussitôt que l’intérêt et la sûreté de l’État le permettent, en y joignant les communications convenables.

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire, ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi.

§ 2. Le Roi conclut les traités, à l’exception de ceux qui portent sur les matières visées au § 3. Ces traités n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment des Chambres.

§ 3. Les Gouvernements de communauté et de région visés à l’article 121 concluent, chacun pour ce qui le concerne, les traités portant sur les matières qui relèvent de la compétence de leur Parlement. Ces traités n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment du Parlement.

§ 4. Une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa, arrête les modalités de conclusion des traités visés au § 3 et des traités ne portant pas exclusivement sur les matières qui relèvent de la compétence des communautés ou des régions par ou en vertu de la Constitution.

§ 5. Le Roi peut dénoncer les traités conclus avant le 18 mai 1993 et portant sur les matières visées au § 3, d’un commun accord avec les Gouvernements de communauté et de région concernés.

Le Roi dénonce ces traités si les Gouvernements de communauté et de région concernés l’y invitent. Une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa, règle la procédure en cas de désaccord entre les Gouvernements de communauté et de région concernés ».

 

La fonction royale

 La fonction royale se distingue en partie des attributions ou prérogatives royales constitutionnelles, car elle relève davantage de la pratique ou de la mise en œuvre de celles-ci, ainsi que du protocole et de la coutume.

A travers les différents discours précités, formulés par les plus hautes  personnalités et autorités politiques belges, lors de l’abdication du Roi Albert II et de l’intronisation de son fils, le Roi Philippe 1er, s’esquissent déjà, de manière explicite la fonction royale et le rôle de la monarchie belge, tels que le perçoivent les acteurs du monde politique belge eux-mêmes, mais aussi tels qu’ils la conçoivent, et en définissent les attentes pour l’avenir.

Il vaut mieux en effet relire ces discours intégraux, plutôt que les extraits repris par la presse ou les magazines people, pour se faire une réelle idée de ce que représentent aujourd’hui la fonction royale en Belgique et la monarchie belge, qui ne concerne pas que le Roi lui-même, mais également l’ensemble des membres de la famille royale, dans l’action menée au service de l’Etat.

Il apparaît que la fonction du Roi vise plusieurs objectifs fondamentaux consistant à :

– garantir l’unité nationale à savoir la paix intérieure, la cohésion ou concorde nationale face aux divisions ou à la guerre civile,

– garantir le bon fonctionnement de la démocratie,

– garantir l’intérêt général,

– garantir la continuité historique de l’Etat à travers une vision politique de long terme,

– garantir l’intégrité territoriale et l’indépendance nationale à savoir la souveraineté,

– garantir la paix extérieure à savoir la recherche, l’entretien et le développement des meilleures relations possibles avec les nations étrangères,

– garantir la promotion du pays à l’extérieur, à savoir la défense de son image et de ses intérêts,

et tout cela, en toute indépendance, quelque soit les échéances électorales et les majorités politiques en place, avec le souci de la transmission pour la génération future, incarnée par la succession dynastique, qui héritera du travail accompli au service de tous.

Ce qui amène à définir la fonction royale elle-même, en tant que rôle exercé par le Roi qui pourrait être défini comme :

– un garant constitutionnel indépendant des partis,

– un recours,

– un fédérateur,

– un conciliateur,

– un médiateur et arbitre,

– un passeur et avertisseur au sens de guide expérimenté et de conseiller,

– un incitateur,

– le représentant suprême de l’Etat, incarnation de toute la nation dans sa continuité historique,

– le premier ambassadeur de son pays,

– le défenseur des intérêts vitaux du pays et le promoteur suprême de son avenir.

Ainsi, si le Roi ne gouverne pas, au sens que l’entend un ministre, il règne néanmoins et exerce une magistrature suprême d’influence dans les affaires du gouvernement, à savoir celles de l’Etat, dont il est le Chef. L’expression de Guizot « le trône n’est pas un fauteuil vide » relative à la Charte de 1830 pour Louis-Philippe 1er Roi des Français, vaut aussi pour le Roi des Belges.

Il faut bien comprendre que c’est précisément parce que le Roi est indépendant des partis politiques, et ce, dès sa naissance, et qu’en outre il est politiquement irresponsable, selon la Constitution (suivant l’adage bien connu « le Roi ne saurait mal faire » à savoir, le Roi ne peut œuvrer qu’en vue du bien commun nommé aussi « Res-publica », la République), qu’il se trouve ainsi positionné à la fois à la tête de l’Etat, et au confluent de tous les enjeux. C’est vers lui que convergent toutes les contradictions de la société, les doléances, pour lesquelles il devra ouvrir les voies des dialogues nécessaires, faire œuvre utile pour rapprocher les points de vue, faciliter les compromis, rechercher des solutions, et arbitrer si nécessaire, en partenariat avec le gouvernement, pour assurer le bon fonctionnement démocratique des institutions. Il est ainsi le point d’équilibre de la société.

Pour cela, le Roi dispose d’un certain nombre de moyens qui découlent de ses prérogatives constitutionnelles, mais qui tiennent aussi à la pratique des institutions.

 

Garant et arbitre sur l’échiquier politique

Lors de la nomination du gouvernement, le Roi a un rôle majeur dans la formation du gouvernement constitué de coalitions, et la nomination du Premier ministre à l’issue des élections législatives. Tout comme aux Pays-Bas, jusque récemment, le Roi, après chaque élection, peut être amené à nommer personnellement (sans contreseing) un ou des informateurs, pour la recherche de coalitions viables, susceptibles d’obtenir une majorité au Parlement, puis à désigner toujours personnellement un formateur pour mener officiellement les négociations de coalition, en vue d’instituer un nouveau Conseil des ministres. Le formateur est ensuite le plus souvent nommé Premier ministre par le Roi.

Jusqu’à la nomination du Premier ministre, le Roi agit personnellement vis-à-vis des informateurs, puis du formateur, qu’il a lui-même désignés, donnant des instructions détaillées à ceux-ci, fixant un calendrier pour l’accomplissement de leur mission, demandant des rapports réguliers et circonstanciés sur l’avancement de leurs travaux.

Ce rôle, précisément, les nationalistes flamands voudraient le lui retirer, comme ce fut le cas dernièrement aux Pays-Bas, pour l’ex Reine Béatrix (cf.mon article billet invité : Willem Alexander nouveau Roi des Pays-Bas) et « curieusement », ce type de proposition est toujours, à l’initiative de partis, situés à l’extrême droite de l’échiquier politique, tant aux Pays-Bas, qu’en Belgique.

Alors qu’aux Pays-Bas, cette prérogative royale permettait la médiation de la Reine, pour la constitution de coalitions politiques gouvernementales ; en Belgique, la recherche de telles coalitions se double du problème de l’opposition entre flamands et wallons, ce qui prouve à la fois, l’intérêt de la présence du Roi, mais aussi le réel dessein de certains partis flamands, à savoir évincer l’institution royale, pour en finir, une bonne fois pour toutes,  avec la Belgique, ce dont ils ne se cachent même pas.

 Lors de la démission du gouvernement, ou d’un ministre,

 Le Roi a le pouvoir personnel de l’accepter, ou de la refuser, en fonction de l’intérêt de l’Etat et des circonstances.

 Par ailleurs, selon l’article 46 de la constitution : « … le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses membres.
La dissolution de la Chambre des représentants entraîne la dissolution du Sénat …
 ».

Mais, il peut donc également, ne pas prendre l’initiative de dissoudre le Parlement.


Médiateur et arbitre

L’exercice de ses prérogatives constitutionnelles, le protocole et la coutume amènent le Roi à rencontrer une multitude de personnes du monde politique, économique et social, culturel, de la société civile, et à intervenir de différentes manières, et notamment en faisant sienne, la formule théorisée par Walter Bagehot, et déjà évoquée, selon laquelle le Roi a « le droit d’être informé, de consulter, de conseiller et de mettre en garde »

Au gré de ses voyages à l’intérieur du pays, mais aussi à l’étranger, au cours de ses audiences, de sa rencontre hebdomadaire avec le Premier ministre, il tisse un nombre impressionnant de liens et de contacts personnels qui favorisent les rencontres, il devient une des personnes, sinon la personne la plus informée de son pays, et ce, d’autant plus que son règne sera long (songeons à ce qu’a représenté l’expérience du Roi Albert II durant ses 20 années de règne, et que dire de celle actuelle de la Reine Elisabeth II au Royaume-Uni, 60 ans de règne, de quoi donner quelques conseils et recommandations, prodiguer quelques suggestions, à ses jeunes Premiers ministres).

Dans toutes les rencontres personnelles en entretien menées par le Roi, il y a une règle majeure à respecter, garantissant l’efficacité de sa fonction : à savoir la discrétion, la réserve et le secret.

C’est ce que l’on nomme en Belgique le « colloque singulier », selon lequel la rencontre est celle du Roi et d’une seule autre personne. Pierre-Yves Monette, conseiller honoraire au cabinet du Roi, expliquait récemment parlant du Roi à la Radio Télévision Belge « c’est par là qu’il s’informe et qu’il informe ». L’entretien est nécessairement confidentiel et secret, donc interdit au public et à la presse.

Le Roi est également amené à être un dernier recours, pour tout citoyen en difficulté avec l’administration, ou en situation délicate. Son Cabinet se charge de répondre aux nombreux courriers de sollicitations qui parviennent au Palais, et de transmettre au Roi, certaines affaires complexes, pour lesquelles il questionnera directement le ministre concerné, ou interviendra personnellement à la recherche d’une solution.

En effet,  le Roi dispose d’un ensemble de collaborateurs qui constituent ce que l’on nomme « la Maison du Roi », composée :

– du Cabinet du Roi, sorte de « shadow cabinet », chargé des dossiers politiques et administratifs, de l’organisation des audiences du Roi, de l’examen et de la préparation des dossiers soumis à la signature du Roi, des relations avec la presse,

–  du département du  Grand Maréchal de la Cour, chargé des activités publiques du Roi, en tant que Chef de l’Etat et symbole de la nation, et également de celles de la Reine, tant à l’intérieur du pays qu’à l’international,

– de la Maison militaire, qui assure l’information du Roi en matière stratégique et militaire tant sur le plan national, qu’international et assiste le Roi dans ses fonctions au sein des forces armées,

Par ailleurs, d’autres membres de la famille royale disposent d’une Maison ou d’un service pour leurs activités.

De même, le Roi et la Reine, comme d’autres membres de la famille royale prennent traditionnellement l’initiative de création de fondations qu’ils président au bénéfice d’une cause sociale, culturelle, environnementale etc…et sont amenés à soutenir ou à parrainer de nombreuses associations.

Fédérateur

Le Roi des Belges exerce également son rôle de fédérateur, lorsqu’il s’adresse à la nation dans des discours dont il choisit lui-même les thèmes, et rédige lui-même le contenu, même s’il doit obtenir le contreseing ministériel pour être autorisé à les prononcer. Le Premier ministre ou le ministre concerné, doit en effet consentir à ce que le Roi s’exprime à sa manière et selon les termes qu’il aura choisis, car une règle s’impose «  la couronne ne peut être découverte » ou autrement dit, sur la forme : « la pensée du Roi ne peut être révélée sans que ses ministres n’y consentent » et sur le fond : « le Roi et les membres du gouvernement sont censés parler d’une seule voix ».

Le Roi fait ainsi passer toute sorte de messages, comme cela a été le cas lors des discours du Roi Albert II avant et pendant son abdication, et comme ce fut le cas pour le premier discours du Roi Philippe 1er  lors de son intronisation, qui n’était donc pas un discours du trône, comme on peut l’entendre au Royaume-Uni ou même aux Pays-Bas, rédigé par le Premier ministre, mais bien un discours personnel du Roi accrédité par le Premier ministre.

Le Roi préside par ailleurs, à toutes les cérémonies protocolaires, dont la fête nationale, mais pas seulement, il reçoit également tous les corps constitués lors du nouvel an par exemple.


Incitateur

 Le Roi Albert II l’a été tout particulièrement dans l’aboutissement de la 6ème Réforme de l’Etat. Il peut aussi inciter l’opinion publique à accepter des changements institutionnels ou politiques déconcertant pour la population, comme ce fut le cas en 1959, lorsque le Roi Baudouin 1er demanda à son gouvernement de « conduire sans atermoiements funestes, mais sans précipitation inconsidérée les populations congolaises à l’indépendance dans la prospérité et la paix ». Ce qui fut suivi d’effet, l’année suivante.

 

La formation

Ceci amène à conclure sur les qualités requises pour l’accession au trône.

Outre une formation militaire et politique, sans doute faut-t-il de grandes qualités humaines, de la diplomatie, un  bon sens politique, des aptitudes à la communication et un certain charisme.

Sans entrer dans la polémique et les critiques qui avaient été adressées au futur Roi Philippe 1er,  force est de constater que son intronisation s’est admirablement bien passée et que, comme tout le monde s’accorde à le reconnaître, le Roi a été extrêmement bien préparé à la fonction royale, dont on vient d’analyser les qualités essentielles requises découlant de la définition de la fonction royale elle-même.

Alors qu’aux Pays-Bas selon l’article 74 de la Constitution néerlandaise «  le Roi est président du Conseil d’Etat. Le successeur présomptif du Roi siège de plein droit au Conseil après avoir atteint l’âge de dix-huit ans. Le droit de siéger au Conseil peut être accordé à d’autres membres de la maison royale par la loi ou en vertu de la loi. Les membres du Conseil sont nommés à vie par décret royal », ce qui est considérée comme une préparation politique fondamentale à l’exercice de la fonction royale, en Belgique s’il est spécifié à l’article 98 de la Constitution belge qu’ « Aucun membre de la famille royale ne peut être ministre » en revanche à l’article 72 de la Constitution belge « Les enfants du Roi ou, à leur défaut, les descendants belges de la branche de la famille royale appelée à régner, sont de droit sénateurs à l’âge de dix-huit ans. Ils n’ont voix délibérative qu’à l’âge de vingt et un ans. Ils ne sont pas pris en compte pour la détermination du quorum des présences ».

Ce qui démontre, que tant aux Pays-Bas qu’en Belgique, la Constitution prévoit l’immersion du futur Roi ou de la future Reine dans le système politique comme élément de préparation à l’exercice de la fonction royale.

Un rapide rappel pour dire que le Roi Philippe 1er a bénéficié d’une formation militaire de haut niveau, telle qu’elle a déjà été présentée, d’une formation supérieure au Trinity College d’Oxford  et à la Graduate School de l’université de Standford en Californie obtenant le titre de Master of Arts (option sciences politiques) et que par ailleurs, en tant que Prince héritier putatif, il a été doté par son oncle, le Roi Baudouin, d’une Maison civile pour ses missions en Belgique et à l’étranger avant de présider le Conseil d’administration de l’Office belge du commerce extérieur, succédant ainsi à  son père, le Roi Albert II dans cette mission, quelques jours avant la prestation de serment de son père, suite au décès du Roi Baudouin. Il y effectuera toute une série de missions économiques pour défendre l’image et les intérêts de la Belgique, et se préparer également ainsi, aux responsabilités du service de l’Etat. Ce qui l’amena à visiter de nombreux pays  tels : le Vietnam, la Chine, l’Inde, les Philippines, les Emirats du Golfe, Oman, la Turquie, le Mexique, le Chili, les Etats-Unis … et rencontrer leurs dirigeants.

Le  premier défi et test majeur de Philippe 1er Roi des Belges sera de préserver l’unité de la Belgique, à l’issue des élections législatives du printemps 2014, souhaitons lui pleine réussite.

S’il fallait considérer, de manière rétrospective, les grandes initiatives prises par les différents Rois qui se sont succéder sur le trône de Belgique depuis Léopold 1er, et mesurer leur influence sur le cours de l’histoire belge (ce qui prendrait au moins autant de pages sinon plus), l’on constaterait que celles-ci varient selon les époques, les circonstances et la personnalité de chacun des souverains.

Détailler encore davantage, ce que représente la fonction royale en Belgique nécessiterait encore beaucoup de temps, tout comme présenter les activités de l’ensemble de la famille royale.

Cependant, pour suivre au jour le jour les activités de la Maison royale de Belgique et tout particulièrement celles du Roi, il suffit de se rendre sur le site http : //www. Monarchie.be/fr où, à titre d’exemple, apparaissait dès le lendemain de l’intronisation, parmi les nombreuses informations, le message suivant : « Fidèles à la tradition, Leurs Majestés le Roi et la Reine feront Leurs Joyeuses Entrées dans le pays à partir du mois de septembre. Dans le chef-lieu de chaque province, le Roi et La Reine rencontreront les autorités provinciales et les bourgmestres des communes de la province. Au programme de ces Joyeuses Entrées figurent également, à la demande du Roi et de la Reine, une visite à caractère social, culturel ou économique, un déjeuner de travail consacré à deux thématiques prioritaires pour la province et une promenade festive de rencontre avec la population. Le calendrier de ces Joyeuses Entrées est le suivant : Province du Brabant flamand (Louvain) : vendredi 6 septembre
Province du Brabant wallon (Wavre) : mardi 10 septembre
Province du Hainaut (Mons) : mardi 17 septembre
Province du Limbourg (Hasselt) : mardi 24 septembre
Province d’Anvers (Anvers) : vendredi 27 septembre

On y apprenait également que Sa Majesté le Roi avait déjà reçu dans l’après-midi du 22 juillet au Palais de Bruxelles, les Présidents des Conseils et les Gouvernement des Communautés et des Régions.

 

En conclusion, il est toujours préférable d’écouter ce que disent nos voisins belges, qu’il s’agisse des hommes politiques ou des Belges eux-mêmes, de leur monarchie parlementaire, de la famille royale et de leur Roi, plutôt que de s’égarer dans les chroniques people ou les commentaires de presse, souvent caricaturaux en France, laissant entendre que l’institution royale n’est qu’une monarchie d’opérette.

Interrogeons-nous plutôt sur ce que pourrait apporter de positif à la France, la permanence d’une monarchie parlementaire en France, et pourquoi certains de nos voisins européens l’ont conservée, en nous donnant de beaux exemples de démocratie vivante et apaisée, avec un Chef d’Etat indépendant des partis politiques, symbole de l’unité nationale.

Denis CRIBIER

 

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