En déclarant qu’il ne voulait pas être la gauche des allocations, mais celle du travail, Fabien Roussel a relancé un indispensable débat. Il est urgent de marginaliser les idéologues du “sociétal” qui nient la lutte des classes – et non moins nécessaire de poser la question de la souveraineté.

Courant septembre, la polémique sur la valeur travail a agité la scène médiatique. Alors que le secrétaire national du Parti communiste se prononçait tout simplement pour le plein emploi, Sandrine Rousseau se faisait une fois de plus remarquer en dénonçant le travail comme une valeur de droite au nom du droit à la paresse.

Les sottises de la cheftaine verte sont l’ultime aboutissement des discours utopiques des années 1968-1975, qui se déroulaient dans une société préservée du chômage de masse par des choix politiques d’inspiration dirigiste. On aurait tort de relancer les controverses entre les thèses marxistes et celles de Paul Lafargue, auteur en 1880 du célèbre manifeste en faveur du Droit à la paresse. En France et partout ailleurs, le mouvement ouvrier a toujours défendu le travail et les travailleurs. Ouvriers et paysans, nous sommes le grand parti des travailleurs. La terre n’appartient qu’aux hommes, l’oisif ira loger ailleurs, proclame un couplet oublié de L’Internationale. Et c’est bien une Confédération générale du travail qui est créée en 1895.

Sandrine Rousseau n’est donc qu’une idéologue petite-bourgeoise, héritière des dérives et des reniements de la gauche depuis le tournant de la rigueur de 1983. Comme l’expliquait Frédéric Farah dans notre précédent numéro, la politique de désinflation compétitive s’est traduite par les bas salaires et le chômage, donc par une aggravation de la pauvreté. Le traitement social du chômage s’est accompagné d’un développement spectaculaire de l’action caritative. Les dirigeants socialistes saluent avec émotion le lancement spectaculaire des Restos du cœur en 1985 – sans comprendre que l’initiative de Coluche souligne cruellement les conséquences insupportables du trop fameux tournant de 1983. Notons que l’année du lancement, 8,5 millions de repas sont servis par 5 000 bénévoles ; 103 millions de repas sont distribués en 2009-2010 et 130 millions en 2016-2017 grâce à 72 000 bénévoles. Les Restos du cœur, le Secours catholique, le Secours populaire et les autres organisations caritatives forment aujourd’hui en France une administration bénévole de la misère qui semble devenue tout à fait naturelle alors qu’elle confirme année après année l’échec des gouvernements néolibéraux.

Au début du siècle, Lionel Jospin et des conseillers ont froidement théorisé l’abandon des principes du socialisme français par la gauche. Pour eux, il était impossible de lutter contre la logique du marché mondialisé et tout assaut frontal contre le capitalisme français était exclu. La révolution sociale étant impossible, il fallait relancer la lutte révolutionnaire dans le domaine des mœurs – d’où la loi sur le Pacs – et maintenir une infirmerie sociale pour atténuer la violence économique.

De fait, les gouvernements de gauche et de droite ont installé de très nombreux dispositifs d’aide sociale : Revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, Revenu minimum d’activité (RMA) en 2003, Revenu de solidarité active (RSA) en 2009 et de nombreuses allocations (logement, parent isolé…) accompagnées de “chèques” pour la rentrée, pour l’essence etc.

La droite et l’extrême droite dénoncent régulièrement l’assistanat et préconisent la répression des abus – qui ne sont pas niables – et une partie de la gauche s’indigne des attaques portées contre l’aide sociale. Il faut dépasser cette polémique par le rappel des situations de fait, des principes et des contraintes abusives.

L’état de fait, c’est que la droite et la gauche oligarchiques soignent les exclus d’un système qui fonctionne grâce à l’exclusion et versent des compléments de salaires aux travailleurs pauvres pour éviter leur révolte.

Le principe a été proclamé par le Préambule de 1945 : “Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi”. Ce devoir et ce droit ne prennent sens que dans une situation de plein emploi, qui doit être l’un des objectifs de la politique économique. Il est donc urgent de dénoncer la Banque centrale européenne, qui cherche actuellement à casser l’inflation par la hausse des taux d’intérêt qui freinent l’activité et poussent les entreprises à supprimer des emplois.

Les contraintes concernent la prétendue “monnaie européenne” qui impose la déflation salariale et qui, par voie de conséquence, pousse l’Etat à distribuer des compléments de salaire et des aides sociales.

Immergée dans l’infra-culture woke, tout une partie de la gauche nie la dure réalité de la lutte des classes et l’impérieuse nécessité d’une politique de souveraineté monétaire, commerciale, industrielle, alimentaire, financière. Fabien Roussel a eu raison de lancer le débat sur le travail et il est urgent que le Parti communiste, trop longtemps absorbé par les débats sociétaux, s’engage pleinement dans la lutte sociale. Encore faudrait-il qu’il renonce à sa fausse conception de l’internationalisme, qui l’empêche de participer à la lutte contre Bruxelles et Francfort.

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Article publié dans le numéro 1240 de « Royaliste » – 24 septembre 2022

 

 

 

 

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