Langue française : Contre la loi Fioraso

Juin 10, 2013 | Res Publica

 

Pour justifier des enseignements en anglais à l’Université, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche invoque l’attractivité, la compétitivité et autres concepts à la mode. Sous le verbiage, perce le mépris de la langue et la méconnaissance de ce qui fait aimer la France.

La loi Fioraso permet, à l’article 2, de dispenser des cours en anglais dans le cadre d’accords avec des universités étrangères ou de programmes européens. Adopté en première lecture à l’Assemblée nationale et discuté au Sénat, le texte sera vraisemblablement adopté par les députés socialistes qui suivent le gouvernement français sans vouloir comprendre la nécessité de défendre le français dans notre pays et de développer l’usage de la langue française dans le monde.

L’attractivité n’est qu’un slogan plaqué sur une réalité que le gouvernement ne veut pas voir : si les étudiants étrangers choisissent la France plutôt que l’Angleterre ou les Etats-Unis, c’est parce qu’ils aiment notre langue et parce qu’ils désirent connaître notre pays et parler avec ses habitants. Ceux qui  s’expriment difficilement dans notre langue lorsqu’ils arrivent se perfectionnent très vite – parfois grâce à l’Alliance française – et parce qu’ils sont complètement immergés dans un environnement français. C’est donc une absurdité que de leur proposer des enseignements en anglais, et cette absurdité sera prise comme telle par les étudiants.

Bien entendu, Geneviève Fioraso jure qu’il ne s’agit pas de remettre en cause « la primauté de l’enseignement en français ou la défense de la francophonie » : « Il s’agit au contraire d’élargir le socle de la francophonie auprès des jeunes, notamment des pays émergents, qui, aujourd’hui, ne viennent pas dans notre pays». Ainsi, les Argentins, les Brésiliens et les jeunes gens venus des pays russophones seraient des anglicistes nés, qui trouveraient naturel qu’on leur dispense des enseignements en anglais ?

Les réactions négatives ont été nombreuses. Parmi celles-ci, il faut retenir la mise en garde adressée par des universitaires de nombreux pays – dont les Etats-Unis, la Chine, le Brésil, le Japon, la Roumanie :  « La mondialisation, qui provoque des phénomènes d’uniformisation, a cet effet paradoxal de faire de la diversité une valeur : ce que les meilleurs d’entre eux viennent chercher en France, la raison pour laquelle nous les y envoyons, c’est justement une autre façon de penser, une autre façon de voir le monde, un modèle culturel alternatif aux modèles anglo-saxons dominants. Nous avons impérativement besoin de cette autre voie. Or, cette différence est liée à la langue que vous parlez.

Si le savoir est universel, la langue qui permet d’y accéder, elle, ne l’est jamais. Les langues ne sont pas interchangeables, on ne dit pas la même chose dans une langue et dans une autre. Vous avez la chance de disposer en français d’un formidable capital d’intelligence lié à une tradition plusieurs fois séculaire : ne le dilapidez pas en renonçant à la langue qui le constitue. Il est absurde de considérer le français comme un obstacle à l’attractivité de votre pays : dans la concurrence mondiale, il représente votre avantage comparatif, votre valeur différentielle.

Enfin, en venant en France, et parce que votre pays est une porte d’entrée vers le Maghreb et l’Afrique, nos étudiants cherchent aussi à bénéficier d’un tremplin, en accédant par votre intermédiaire à ce vaste espace francophone, à ses richesses, à ses perspectives de développement. Prenez garde à ne pas décourager les pays qui en font partie, car comment voulez-vous qu’ils conservent l’usage du français dans leurs systèmes éducatifs si vous-même y renoncez ? Il est douteux que votre intérêt soit de brader les avantages économiques que vous pouvez tirer de solidarités linguistiques forgées par l’histoire. »

L’attractivité de la France, c’est la France elle-même : sa manière de penser dans une langue qui ne lui appartient pas en propre puisqu’elle est parlée sur tous les continents. Il est vrai que le gouvernement ne s’intéresse pas plus à la francophonie qu’au français lui-même, qui est pourtant « langue de la République ».

***

(1) Brocardé dans notre dernier numéro, Jean Quatremer mène dans l’anglolâtre « Libération » un remarquable combat pour la défense du français. Voir par exemple sa chronique sur l’anglais tel qu’on l’écrit à Bruxelles : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2013/05/je-parlais-lenglish-fluettement-yes-yes-.html

Article publié dans le numéro 1037 de « Royaliste » – 10 juin 2013

 

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