Pendant plus d’un demi-siècle, la gauche toute entière s’est identifiée à l’antifascisme. Or voici qu’apparaissent, sur certains milieux, des vérités si dérangeantes qu’on voudrait faire taire ceux qui les énoncent.

L’autocensure de la presse et de l’édition est un secret de polichinelle. De temps à autre, une vilaine affaire est révélée, qui prouve que les pressions sur les auteurs et les journalistes, les coups tordus et les coupes imposées ne relèvent pas de la paranoïa d’écrivains ratés.

Ainsi, nous apprenons par Le Monde (1er mars, p. 25) que les Editions du Rocher ont renoncé à publier un ouvrage au titre éloquent : La Dépêche du Midi, Bousquet et l’omerta. Signée par Claude Llabres (un ancien dirigeant communiste toulousin), cette enquête devait paraître le 7 avril. Or l’éditeur a déclaré au Monde qu’il avait subi de « très fortes pressions » venant de milieux de gauche (tendance radicale) et qu’un petit éditeur indépendant ne peut pas faire face à des procès à répétition. Appelant les choses par leur nom, les éditions du Rocher ont donc choisi l’ « autocensure », en soulignant les menaces qui pesaient sur « l’édition de liberté » en raison de l’évolution de la jurisprudence. Preuve : l’éditeur menacé a décidé de ne plus publier d’ouvrages d’investigation.

Au vu de ces informations pour le moins inquiétantes, on s’attendait à un énorme scandale, étalé à la première page des quotidiens nationaux et faisant l’ouverture des journaux télévisés. Dix jours après les révélations du Monde, la colère des défenseurs patentés de la liberté d’expression n’a pas encore éclaté. C’est sans doute parce que nos estimés confrères se donnent le temps de l’enquête approfondie et de la réflexion sur les meilleurs moyens de faire désormais obstacle aux tentatives d’intimidation – par voie judiciaire, fiscale, bancaire…

L’attaque hypocrite portée contre les libertés publiques : tel est le premier aspect, gravissime, de l’affaire Llabres.

Il en en un autre, important, qui explique le recours à l’intimidation directe : l’enquête historique concerne un journal emblématique d’une grande tradition de la gauche française, publié dans un ancien bastion traditionnel de la gauche, par une grande dynastie de gauche. La Dépêche du Midi, propriété de la famille Baylet, (Jean Baylet, Evelyne Baylet épouse du précédent et mère du député Jean-Michel Baylet), c’est en effet la quintessence du républicanisme radical et laïciste qui fut l’âme de la 3ème République ! Les Radicaux de Gauche, où Jean-Michel Baylet représente en quelque sorte le « canal historique », sont les continuateurs de cette très vieille tradition. On le vit, face au Front national, donner de magnifiques leçons d’antifascisme. On le vit même empêcher Alain Krivine de participer à la réunion d’un « comité de vigilance » qui réunissait habituellement les sommités de la gauche au lendemain des percées électorales du national-populisme.

Or Claude Llabres fait œuvre d’iconoclaste – si l’on ose dire – en énonçant dans son livre deux vérités solidement étayées :

La Dépêche du Midi a suivi, de 1940 à 1944, une ligne constante et cohérente de collaboration avec les nazis. Le fait est attesté par le réquisitoire de douze mouvements de la Résistance, rédigé à la Libération et publié en annexe de l’ouvrage.

– L’ancien chef de la police de Vichy, René Bousquet, fut l’homme de confiance d’Evelyne Baylet ; il siégeait au conseil d’administration du journal de 1959 à 1970 et fréquentait assidûment les bureaux du journal…

Deux séries de faits qui dérangent toute une image pieuse et provoquent la colère de Jean-Michel Baylet – sans que Claude Llabres retire ses accablantes conclusions (1). Celles-ci portent loin. Car elles incitent à interpeller les héritiers de courants de gauche, radicaux mais aussi socialistes et libertaires, qui furent pacifistes quand Hitler menaçait, collabos quand les nazis occupaient la France, et antigaullistes frénétiques par la suite. Sempiternels donneurs de leçons, les héritiers de la gauche noire doivent passer aux explications.

***

(1) La polémique se déroule sur le site WWW.tout-toulouse.fr

 

Article publié dans le numéro 768 de « Royaliste » – 19 mars 2001

 

 

 

 

 

 

Partagez

0 commentaires