Le manège médiatique

Mar 18, 2013 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

La machine médiatique s’attarde complaisamment sur les faits divers et la comédie politique mais évacue très vite l’actualité sociale. Le manège tourne mais il va finir par se détraquer.

La hiérarchie de l’information à la télévision est un sujet dont on ne parvient pas à se lasser même si l’étonnement et l’indignation finissent par s’émousser. Nous savons tous que le média télévisé accorde plus d’importance à la météorologie qu’à l’actualité sociale. Le traitement de l’actualité pendant la première semaine de mars en apporte la millième vérification.

 

A Bayonne, le 4 mars, un salarié de La Poste a tenté de se suicider sur son lieu de travail. Il a laissé une lettre dans laquelle il dénonce les humiliations qu’il a subies dans cette entreprise « autrefois formidable et aujourd’hui si déshumanisée ». Plusieurs autres employés et cadres ont mis fin à leurs jours et les protestations des syndicats de La Poste restent sans plus d’effets que la « prise de conscience » qui semblait avoir eu lieu après les nombreux suicides de 2008 et 2009 chez France Télécom. Combien de morts faudra-t-il pour que les principales chaînes placent la question du management par le stress au centre des journaux télévisés ?

La violence subie quotidiennement par d’innombrables salariés est vite expédiée par des directeurs de l’information médiatique alors que les débordements de grévistes font l’objet de commentaires effrayés. Il est regrettable que des ouvriers agressent des fonctionnaires de police qui sont eux aussi victimes de l’ultralibéralisme mais les affrontements entre les salariés de Goodyear et les CRS – 19 blessés chez ces derniers – montrent que les victimes des patrons, abandonnés par le gouvernement et méprisés par les médias, sont en train de passer de la colère à la fureur. Ce n’est pas en prenant systématiquement le point de vue des patrons que les directeurs de l’information apaiseront les tensions sociales – au contraire.

Autre question traitée à la va-vite, très exactement pendant douze heures d’antenne, c’est la Journée de la femme qui donne lieu à de belles dissertations et à un exercice obligé sur l’inégalité des salaires masculins et féminins. Celle-ci varie entre 18 et 28% selon les secteurs et, bien entendu, les journalistes et les autorités concernées proclament que ce n’est pas bien. Hélas, si l’on se reporte dix ans en arrière, on observe ceci : selon les différentes statistiques, l’inégalité salariale ne se réduit pas ou si faiblement qu’il faudra des décennies pour en venir à bout. Certes, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé des sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas le principe d’égalité. On doute que le « dossier » soit suivi mois après mois dans les journaux télévisés. La Femme, reine d’un jour, a été remisée dès le lendemain. On ose dire qu’elle figure parmi les marronniers de l’actualité médiatique.

Ces vues cavalières ne signifient pas que les médias désertent le domaine social. Au contraire ! Tous les éditorialistes des radios et télévisions et la plupart de leurs confrères de la presse écrite répètent du matin au soir qu’il faut faire des réformes. Mais ce sont des « réformes structurelles » comme on dit à la Commission européenne : flexibilité du marché du travail, baisse des retraites, économies sur la santé publique… Dès qu’il s’agit de couper, de ponctionner, de sacrifier, la chanson est toujours la même : nous n’avons pas le choix !

Le système paraît complètement verrouillé. Et pourtant ! Nous venons d’assister à l’effondrement moral de la « gauche morale ». En couvrant l’opération de promotion personnelle et d’optimisation financière réalisée, si l’on ose dire, sur le dos de Dominique Strauss-Kahn par Marcela Iacub, Le Nouvel observateur et Libération ont démontré qu’ils avaient sombré dans la marchandisation à tout-va (1). Ces deux titres, qui comptent parmi les principales sources d’inspiration du gouvernement et du Parti socialiste, ne subsistent que comme épaves. Leur naufrage en annonce d’autres, médiatiques et politiques.

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(1) l’article d’Eric Conan : « Marcela Iacub, Kerviel du sexe ? » Marianne du 2 mars : http://www.marianne.net/Marcela-Iacub-Kerviel%C2%A0du%C2%A0sexe%C2%A0_a226969.html

 

 

Article publié dans le numéro 1031 de « Royaliste » – 18 mars 2013

 

 

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