Le monde d’après

Juin 3, 2022 | Economie politique

 

Les discours sur “le monde d’après” la pandémie ne sont plus dans l’air du temps. De solides réflexions circulent cependant sur les chemins hétérodoxes qui nous sont familiers.

Antoine Foucher fait partie du milieu dirigeant. Ancien conseiller technique au cabinet de Xavier Bertrand en 2011-2012, directeur adjoint du Medef en charge du Pôle social de 2012 à 2016, directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, ministre du Travail de mai 2017 à juillet 2020 et aujourd’hui président de Quintet Conseil, cette personnalité peu connue du grand public a publié un livre dont la lecture surprend, dès lors qu’on garde en tête son curriculum.

Après avoir retracé de façon presque toujours pertinente le mouvement qui conduit au tournant néolibéral puis à l’idéologie de la mondialisation, Antoine Foucher dresse un bilan sans concession de cette longue période et souligne plus particulièrement les effets paradoxaux de la division internationale du travail, qui “comble nos vies de consommateur” et ruine nos vies si nous faisons un travail salarié. Il montre aussi la contradiction de l’Etat en régime néolibéral, qui perd ses fonctions éminentes pour devenir un fournisseur de prestations sociales destinées à réduire les effets de la violence économique. Mais la politique du sparadrap social ne fonctionne pas : “plus l’Etat additionne les subventions, plus il donne corps à l’impression de fatalité”. Le vote protestataire et les révoltes sociales sanctionnent l’impuissance publique sans parvenir à déstabiliser le système.

C’est la crise sanitaire qui a marqué la fin de la période néolibérale. Malgré ses lourdes erreurs et ses approximations, l’Etat est apparu non plus comme “le problème” mais comme “une partie de la solution” tandis que la société travaillée par l’individualisme redécouvrait la force protectrice du collectif – ou plus précisément la force de la collectivité nationale, sans laquelle les libertés publiques ne peuvent plus être effectivement vécues. C’est là un point décisif, quant aux choix politiques en matière de changement climatique.

Selon Antoine Foucher, la crise de la Covid “a fait voler en éclats nos repères consensuels sur la dette et la création monétaire”. La référence à un consensus est discutable et on aimerait le suivre sur ce terrain si l’on ne tombait pas sur une apologie naïve de l’euro, assortie de félicitations adressées à Mario Draghi. Non, l’euro n’est pas une “construction politique” mais au contraire un système antipolitique établissant une monnaie qui n’est pas l’acte d’un pouvoir souverain. Non, cette monnaie n’a pas été “voulue par les Etats-nations” mais rejetée par référendum en France et aux Pays-Bas. Non, Mario Draghi, bourreau de la Grèce, n’a pas été salutaire. L’auteur estime cependant que l’Union européenne, inadaptée aux nouveaux enjeux, est à réorienter mais reste timide dans l’analyse comme dans les propositions.

En insistant dans sa conclusion sur le rôle de l’Etat national, serviteur de l’intérêt général et du bien commun, Antoine Foucher témoigne, à son tour, d’une prise de conscience qui pourrait gagner, s’il est écouté, une fraction de l’élite du pouvoir et des affaires. Souhaitons, en tout cas, qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin.

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(1) Antoine Foucher, Le monde de l’après-covid, Gallimard/Le Débat, février 2022.

Article publié dans le numéro 1236 de « Royaliste » – 5 juin 2022

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