Notre pays – le saviez-vous ? – va se donner un Xème Plan. Hélas, ce n’est trop souvent qu’une compilation hâtive de bonnes intentions.
L’arrivée des socialistes au pouvoir, en 1981, n’avait pas redonné à la planification son caractère d’ardente obligation, et la mode néo-libérale avait failli la détruire dans son principe même. Il était donc nécessaire de se remettre à la tâche rapidement, afin que le Plan redonne à l’économie nationale des objectifs clairs et cohérents, et permette aux entreprises d’orienter leurs choix en fonction de cette étude de marché conçue à l’échelle de la nation.
Bien sûr, on trouvera dans le projet de Plan un catalogue d’objectifs indispensables, qu’il s’agisse de la croissance, de l’emploi, de la solidarité, du commerce extérieur, de la formation et de la recherche … Mais la clarté de la présentation et la volonté mobilisatrice exprimée par le choix de certains mots (« stratégie », « chantier ») ne peuvent masquer les faiblesses et les inconséquences qui donnent au texte un aspect brouillon.
Drôle de plan en effet : conçu pour quatre ans, il s’est fixé comme terme la fameuse échéance de 1992 – ce qui fait que son exécution est théoriquement commencée alors que le projet n’est pas encore adopté. En outre, la procédure de concertation a été réduite au minimum et les plans régionaux ont été négligés faute de temps. Mais fallait-il à tout prix produire un document bâclé pour respecter l’échéance quasi-mythique de 1992 ? Quelques mois supplémentaires auraient permis de mettre au point les méthodes d’une planification renouvelée, de réaliser une concertation approfondie, et de mettre en œuvre un véritable programme de développement selon des objectifs convenablement chiffrés.
Tel n’est pas le cas. Le projet de Xème Plan se présente donc comme une agréable dissertation d’énarque, trop souvent inspirée par les préjugés qui sont dans l’air du temps, et masquant par le flou des formules les véritables questions. C’est ainsi que le document sacrifie au dogme de l’équilibre budgétaire, et tient le marché unique pour un fait acquis et positif – ce qui est loin d’être démontré. Cela dit, Lionel Stoleru ne peut être tenu pour seul responsable de ce projet manqué : un plan réussi est la traduction en acte de l’ambition économique et sociale d’un gouvernement. Comme celui-ci n’a pas été capable, depuis bientôt un an, d’énoncer un projet clair et cohérent, il ne faut pas s’étonner que la planification soit marquée par l’incertitude et l’imprécision.
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Article publié dans le numéro 511 de « Royaliste » – 20 mars 1989
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