A lui-même et à ses partisans, Éric Zemmour promettait une marche triomphale vers l’Elysée. Il termina en marchepied de Marine Le Pen.
Polémiste grimé en historien, Monsieur Z vient de découvrir les ruses de la petite histoire électorale. Observateur naguère avisé de la vie politique, l’ancien journaliste a buté sur les réalités d’un jeu politique qu’il avait perdu de vue. Les raisons de cet aveuglement ? La bonne vieille comédie parisienne, source inépuisable d’illusions flatteuses.
Passé d’une honnête carrière figaresque aux frétillements du divertissement télévisé, promu sur CNews par l’un des capitalistes les plus emblématiques du pays, la nouvelle gloire médiatique s’est imaginé un Destin en regardant monter la courbe de ses ventes. Les flatteurs et les tacticiens de Montparnasse ont fait le reste, tandis que les réseaux de l’extrême-droite catholique figuraient le Peuple en attente de son sauveur. Le bretteur des plateaux télévisés s’est mis à croire que ses provocations formaient une pensée et que ses compilations historiques le plaçaient dans le mouvement de l’Histoire, à la suite de Bonaparte et du Général.
Tout cela a fort bien marché jusqu’à l’entrée en campagne de Monsieur Z, porté par les fictions sondagières. Le premier paradoxe de la campagne zemmourienne est que le candidat avait déjà épuisé son stock de transgressions avant d’entrer en lice. Il n’avait plus rien à dire, à l’exception des mots qui exprimaient son obsession névrotique du “grand remplacement” des Blancs catholiques et hétérosexuels…
Il n’était pas absurde de calculer que le fantasme de la guerre ethnique prudemment repeinte en “guerre de civilisations” viendrait durcir le débat sur l’immigration qui agite depuis des décennies les campagnes électorales. Mais ce calcul s’est heurté à de cinglants démentis. A la différence de Marine Le Pen, qui connaît le pays, Éric Zemmour n’a pas saisi l’angoisse provoquée par les hausses de prix. Puis l’invasion de l’Ukraine est venue ruiner son bavardage sur la guerre de civilisations. Ridicule, la référence à Poutine est devenue odieuse, de même que le refus initial d’accueillir les réfugiés ukrainiens – si manifestement contraire à la solidarité exprimée par le peuple français.
Les résultats du premier tour ont fait apparaître le second paradoxe zemmourien : sa vision extrémiste de l’ethno-libéralisme a rejeté dans l’ombre l’ethno-libéralisme ripoliné de Marine Le Pen qui a paru se concentrer sur la défense du pouvoir d’achat. Monsieur Z. n’est pas pour rien dans le score de celle qu’il dénonçait en termes méprisants.
L’homme de la “Reconquête” a finalement obtenu ses modestes résultats dans les communes les plus riches du pays alors que l’électorat de sa rivale est majoritairement composé d’ouvriers et d’employés. Populiste sans peuple, Éric Zemmour va devoir s’expliquer avec une base volatile et avec des ralliés qui cachent mal leur dépit. Après les législatives, viendra la nuit des petits couteaux.
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Article publié dans le numéro 1233 de « Royaliste » – 22 avril 2022
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