Professeur de droit, exégète de la Thora, attentif à la psychanalyse, Raphaël Draï publie une réflexion sur l’Etat qui nous permet de conjurer la tentation postdémocratique et de préparer notre renaissance politique.
Prestement effacé par les oligarques de droite et de gauche, le résultat négatif du référendum du 29 mai suscite des études approfondies, économiques et juridiques. Celles de Jacques Sapir (1) et de Raphaël Draï (2) sont particulièrement remarquables car le souci analytique de l’un, professeur d’économie, et de l’autre, théologien et juriste, s’accompagne de la volonté, clairement exprimée, d’ouvrir les voies de la renaissance en France et en Europe.
Entre autres éclaircissements, notre journal doit à Raphaël Draï un commentaire sur la pensée juive du pouvoir politique qui nous a permis de nettement situer notre tradition royaliste dans la tradition biblique. De même, nous tenons son ouvrage sur l’économie chabbatique comme l’une de nos références majeures en raison du lien que l’auteur établit entre les principes spirituels et l’action économique. Il n’y a pas d’acte véritablement humain qui ne soit une mise en œuvre selon l’esprit, respectueuse de l’homme et du monde.
Ce lien n’est pas un instant perdu de vue lorsque le professeur Draï s’interroge sur les causes de l’effondrement de l’Etat providence. Interrogation dramatique car l’Etat progressivement détruit depuis vingt ans par la gent deloriste, balladurienne, rocardienne et chiraquienne n’est pas en train de libérer les forces bienfaisantes du marché mondialisé. L’Etat providence a cédé la place à un « Etat purgatoire » qui risque, si nous cédons à la tentation postdémocratique, de dégénérer en « Etat infernal ».
Les allusions religieuses sont hautement significatives.
L’Etat providence, social, démocratique et laïque selon le préambule de 1946, couronné par l’institution de la monarchie élective entre 1958 et 1962, fut un moment positif dans l’histoire de l’Etat car il y avait effectivement création de biens et de services nécessaires, injonction au développement, réponse concrète à l’exigence de justice sociale.
L’Etat purgatoire est l’aboutissement désastreux du travail du négatif qui avait commencé pendant les « trente glorieuses » – avec Valéry Giscard d’Estaing au ministère des Finances. Les discours sur l’austérité et les purges incessantes qui nous sont administrées ne procèdent pas d’un constat « pragmatique » ni de l’analyse économique du marché : ils sont le fait de la secte doloriste qui se réclame d’un christianisme assurément étranger au double langage de ces banquiers et gestionnaires (MM. Trichet, Camdessus, Lamy) qui dispensent à tous vents la morale sacrificielle – dont ils s’exemptent.
Ces belles âmes ne veulent pas voir ce que Raphaël Draï souligne savamment : non seulement l’Europe de Bruxelles est une tour de Babel, mais l’idéologie et la pratique économique dominantes sont la négation radicale des principes juifs et chrétiens qui fondent notre civilisation et tendent à assurer l’existence digne des êtres humains dans leurs diverses nations.
Pour s’en convaincre, il faut se rendre à la page 141 de « L’Etat purgatoire », où l’on apprend que tout ce qui est interdit dans la Bible par respect de l’humaine créature, par amour du prochain (par exemple la rétention de salaire, l’interdit de toute forme de consommation dont la violence serait le prix et le sang versé la condition) sert de premier moteur à ce que nous nommons ultralibéralisme.
Contre l’Etat purgatoire, qui nous détruit et nous désespère, contre l’Etat infernal (qui surexploite déjà des centaines de millions de Chinois), Raphaël Draï trace la perspective d’une renaissance de l’Etat qui ne sera pas une restauration de l’Etat providence mais le troisième moment d’une institution qui permettra de garantir la démocratie et de faire prévaloir la justice.
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(1) Jacques Sapir sera l’invité des Mercredis de la NAR le 22 mars pour son nouvel ouvrage : La fin de l’eurolibéralisme.
(2) Raphaël Draï, L’Etat purgatoire, La tentation postdémocratique, Editions Michalon, 2005. 20 €.
(3) Raphaël Draï, La Communication prophétique, Tome III, L’Economie chabbatique, Fayard, 1998.
Article publié dans « Royaliste, numéro 875 – 2006
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