Oh ! mais bonne surprise : après un plongeon, Emmanuel Macron remonte dans les sondages ! Reste à savoir pourquoi… L’explication dominante, chez les experts en opinion publique, est très simple : les Français dans leur majorité approuvent le président de la République parce qu’il tient les promesses du candidat et procède aux réformes annoncées dans un pays qui en a grand besoin. Voici donc un élu providentiel qui est venu délivrer les Français des pesanteurs routinières et qui, de ce fait, multiplie les conversions.
Le récit des experts est attrayant mais suppose que les citoyens consultés par les sondeurs soient eux-mêmes des experts contrôlant avec la même objectivité (?) que les analystes des médias la bonne conduite de l’élu. Le récit dominant suppose en outre que les citoyens-vérificateurs prennent pour critère la capacité de réformer la société française ce qui implique deux autres suppositions :
– Il faudrait que la « Réforme » soit une évidence très majoritairement partagée ;
– Il faudrait que l’ultralibéralisme qui caractérise cette « Réforme » soit tenu pour évidemment bienfaisant. Or les sondages et le récit médiatique qu’ils inspirent tendent à effacer les résultats de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron avait obtenu au premier tour 24% des suffrages exprimés et 18 % des inscrits, puis au deuxième tour 66 % des suffrages exprimés et 44% des inscrits. On estimait alors que moins de la moitié des électeurs d’Emmanuel Macron adhérait à son programme, face à un électorat majoritairement contestataire ou abstentionniste. Ces chiffres n’entachent en rien la légalité de l’élection du président de la République. Ils soulignaient cependant, en mai dernier, la fragilité de la base électorale du vainqueur. Ils incitent, aujourd’hui, à douter d’un soudain retournement de l’opinion publique.
A côté des groupes qui soutiennent l’orientation européiste et ultralibérale du président de la République il y a certainement de nombreux citoyens qui, impressionnés par l’activisme présidentiel, estiment qu’il faut lui laisser sa chance – d’autant plus que les médias claironnent le retour de la croissance. Cela n’efface pas l’opposition virulente des citoyens qui voient dans les ordonnances une aggravation de la précarité, qui ont très mal reçu les propos insultants d’Emmanuel Macron sur les paresseux et les envieux, qui considèrent que l’entretien entre le président de la République et Laurent Delahousse relève de l’obscénité médiatique et que, somme toute, c’est un nouveau président des riches qui a été élu le 7 mai.
Il ne faut certainement pas sous-estimer le brio intellectuel d’Emmanuel Macron, la mise en scène talentueuse de son propre personnage, qu’il estime au plus haut point et qu’il aime placer dans un cadre monarchique donnant à penser qu’il a pris place dans la vénérable succession de nos chefs d’Etat. La gauche radicale dénoncera toujours sans le moindre résultat l’imagerie Ancien régime dans une nation habitée par l’imaginaire monarchique. Elle ferait mieux d’opposer l’insignifiance des cartes postales Vieille France brandies par le président Macron – Versailles, Chambord – à la symbolique monarchique et royale de l’unité nationale et de la justice sociale inscrites dans le principe de souveraineté.
D’ailleurs, Emmanuel Macron ne cache pas ses in- tentions : enterrer définitivement la politique d’indépendance nationale pour faire advenir la « souveraineté européenne » et adapter la société aux bonnes pratiques ultralibérales. Nous ne sommes pas dans une dynamique gaullienne du rassemble- ment pour la souveraineté nationale et le progrès social mais dans l’implacable logique des rapports de force que masquent les sondages sur la popularité.
L’homme de l’Elysée est le maître du jeu parce que des syndicats divisés ne parviennent plus à mobiliser et parce que les oppositions politiques sont faibles et inconciliables. Le contrôle qu’il exerce sur l’appareil administratif et sur le Parlement lui donnerait un pouvoir absolu s’il n’était pas l’obligé des milieux d’affaires. A l’instar de Warren Buffet, Emmanuel Macron et ses groupes de soutien peuvent se dire qu’ils ont gagné la guerre des classes. Ils devraient cependant s’inquiéter : dans les paysages politiques dévastés, il y a toujours place pour la violence.
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Editorial du numéro 1135 de « Royaliste » – 26 décembre 2017
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