Les élections présidentielle et législatives se sont déroulées à l’intérieur du système oligarchique, entre l’aile droite sarkozyste et l’aile gauche « socialiste », avec apparition d’un centre qui n’est, malgré quelques postures rebelles, qu’une fraction de la classe dirigeante.

La droite nationaliste est en voie de marginalisation, le poids du Parti communiste se réduit, l’extrême gauche cultive comme d’habitude son activisme tactique dans l’immobilité stratégique.

La victoire des partisans de Nicolas Sarkozy le 17 juin et la défaite subie par les socialistes doit être analysée selon la dialectique qui oppose le peuple français aux oligarques. Ce conflit déterminant est entré ce printemps dans une nouvelle phase, problématique et dangereuse.

Pour tenter de saisir les nouveaux enjeux, reprenons la distinction entre la représentation et l’expression (1). Les Français ont élu leurs représentants à l’Assemblée nationale le 17 juin et ceux-ci bénéficient de la légitimité que donne le suffrage universel. Mais, hors élections, le peuple ne cesse de manifester son existence et d’exprimer sa volonté. L’expression populaire, c’est la manifestation de rue, la grève, l’adhésion plus ou moins militante à des formations politiques protestataires, « tribunitiennes », extraparlementaires.

Il y a toujours un décalage entre la représentation et l’expression – les réactions populaires provoquant tantôt la modération tantôt le durcissement du législateur. Mais d’ordinaire, il y a communication entre les représentants et les représentés grâce à l’opposition parlementaire et aux « tribuns de la plèbe » qui siègent à l’Assemblée. Pendant plusieurs décennies, le Parti communiste a permis cette relation implicite mais somme toute équilibrante. Avant 1981, le Parti socialiste constituait lui aussi un bon relais des aspirations populaires. Longtemps encore, la représentation et l’expression sont restées structurées, y compris lorsque Jean-Marie Le Pen s’est imposé sur la scène politique nationale…

Que reste-t-il aujourd’hui ?

Une famille communiste éclatée : incapable de se réunir, elle rassemble encore beaucoup de sympathisants et peut jouer son rôle dans l’expression des colères mais de manière strictement réactive et négative dans la mesure où sa composante trotskyste récuse l’Etat et la nation.

Un Parti socialiste qui n’a pas joué son rôle d’opposant au cours du précédent quinquennat, qui n’a pas fait campagne sur un programme socialiste pour la présidentielle et qui a refusé la bataille des législatives alors que les résultats du 17 juin prouvent qu’il aurait pu regagner encore plus de sièges. Comme ses luttes internes vont continuer, comme sa direction se refuse au travail intellectuel et n’a pas le courage d’abandonner son confort, comme ses vagues propositions restent inscrites dans la logique de l’ultralibéralisme bruxellois, le parti des oligarques de gauche ne pourra pas jouer son rôle d’opposant au sein de la représentation nationale et de porte-parole des revendications populaires. Malgré les bonnes surprises du 17 juin et le volontarisme de Ségolène Royal, sa logique reste celle de l’échec.

La droite, qui détient tous les pouvoirs, sera vite exposée au risque banal d’une forte réaction populaire aux projets qu’approuvent chaleureusement les organisations patronales. Ce risque est aggravé par le comportement de Nicolas Sarkozy, qui veut contrôler directement les principaux ministères, orchestrer les négociations sociales, se déplacer sur tous les fronts en France comme à l’étranger.

Cet activisme supposerait des ministres absolument fidèles – alors que plusieurs rivaux potentiels sont au gouvernement – et un immense corps de fonctionnaires parfaitement dévoués à la personne et au projet du chef de l’Etat. Dans la haute administration, les convictions restent fortement contrastées et la bureaucratie n’a quant à elle rien perdu de sa puissance paralysante. Surtout, les promesses faites par Nicolas Sarkozy sont trop contradictoires pour apaiser la colère qui s’était exprimée dans le Non au référendum. Beaucoup d’éléments d’une mise en échec sont d’ores et déjà réunis.

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(1) Lucien Sfez, La symbolique politique, PUF, Que Sais-Je ? 2 400.

 

Editorial du numéro 907 de « Royaliste » – 25 juin 2007

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