Médias briseurs de grèves

Avr 3, 2018 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Depuis 1995, d’une chaîne à l’autre, d’une radio à l’autre, ce sont les mêmes mots qui sont utilisés pour disqualifier les mouvements sociaux. Formidable consensus, d’autant plus impressionnant qu’il est spontané…à quelques détails près.

Pendant des semaines, des « experts » nous ont expliqué que la grève annoncée à la SNCF ne pourrait pas produire les mêmes effets paralysants qu’en 1995 parce que les journées de grèves ne seront pas payées. C’est oublier les innombrables salariés qui ont fait des sacrifices pour arracher une victoire au patronat, mais qu’importe : les « experts » ne sont pas là pour faire la philosophie et la sociologie de la grève mais pour intimider.

Cette campagne d’intimidation, les médias la mènent au nom du « changement » et de la « modernisation » avec les mots qui ont étaient utilisés en 1995 et qu’on répète à chaque mouvement de grève avec des reportages en tous points identiques à ceux du siècle dernier. Toute journée de grève est « noire » – cette année c’est le « mardi noir ». C’est une journée de « galère », provoquée par la « grogne » des gens opposés aux « réformes ». Ces réformes sont toujours salutaires car, les ministres des divers gouvernements l’expliquent à tour de rôle, il faut « sauver » le service public, la Sécurité sociale, l’hôpital, la SNCF. L’histoire des vingt dernières années montre que les oligarques « sauvent » en mettant de l’explosif qui s’appelle « compétitivité, « concurrence libre et non faussée », « attractivité ».

Comme en 1995, la preuve de la « galère » est donnée par le micro-trottoir qui est le degré zéro du reportage : on sélectionne trois ou quatre personnes – sans oublier celui ou celle qui « comprend » les grévistes – qui sont censées représenter l’ensemble de la population victime de la « pagaille ». En revanche, la thématique de la « prise en otage » semble en voie d’effacement.

Le plus étonnant, dans le discours médiatique, c’est que la quasi-unanimité des points de vue est obtenue sans le moindre mot d’ordre. Le consensus des éditorialistes et des experts paraît reposer sur l’évidence des « diagnostics partagés ». A ceci près que le chroniqueur qui sortirait de la langue de bois serait congédié ou placardisé. Pas besoin de faire pression sur les personnes quand la menace de la mort professionnelle et sociale plane sur les bureaux.

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Article publié dans le numéro 1142 de « Royaliste » – 3 avril 2018

 

 

 

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