Mélenchon, l’ultime mue du caméléon historique ? – David Langlois-Mallet

Avr 13, 2023 | Billet invité

 

C’est avec plaisir que j’accueille ici David Langlois-Mallet, qui a milité dans la mouvance rouge et verte avant de travailler comme journaliste, à Politis, Nova Mag et Communes de France. David est aujourd’hui engagé dans les politiques culturelles et mène une réflexion sur l’avenir de Paris.

La France insoumise aurait demandé la main du NPA pour les Européennes de 2024. En approchant de sa vérité trotskiste, Mélenchon signe sans doute le dernier épisode de la saga.

Le mariage n’a, en soi, rien de scandaleux car ces trotskistes-là sont intègres, intelligents, pauvres et ne courent pas les places. Ce qui fait plus de la moitié des qualités absentes en politique aujourd’hui.

Mais le moment choisi semble acter de la fuite en avant de LFI après son double échec de fond, de constituer l’alternative crédible de gouvernement au libéralisme et d’incarner l’opposition parlementaire ; pour ne rien dire de ses deux échecs contingents récents, que ce soit les tentatives de se substituer au mouvement social et d’allumer le feu à la rue ou de sa défaite dans les urnes devant le réveil des restes du vieux PS qui échappe à la Nupes.

Cet hommage terminal au parti révolutionnaire, il faut sans doute le regarder comme le dernier opus de la série à rebondissements que le Mélenchon, scénariste, urgentiste et tortionnaire de la gauche, lui fait vivre depuis dix ans, dans sa tentative énervée de la réveiller qui ressemble parfois à une sorte d’électrocution doublée d’une noyade, entre deux paires de claques.

Il l’aura imaginé l’incarner dans l’union des rouges en 2012 ; sera passé à un cheveu d’incarner en 2017 la synthèse de la France souverainiste du NON au référendum; puis à deux doigts du pouvoir avec son rassemblement des wokes et des petites bourgeoisies avec sa fédération « Terra Nova » en 2022.

Dans son numéro de transformiste, le Caméléonchon, aura une première fois laissé la gauche, la deuxième la France, la troisième la République, puis l’opposition et enfin le peuple à Marine Le Pen dont il s’était annoncé au début de son parcours, le liquidateur, puis l’antidote, le remplaçant, puis l’égal, avant de sembler annoncer le repli sur la rue. Hasta la victoria siempre.

La politique selon Mélenchon ressemble ainsi à une vaste et fascinante crise d’identité personnelle d’un colérique fécond qui avec quelques intuitions de génie (l’eau dans la dernière campagne avant les incendies, mais pour n’en rien faire) enfante un mouvement différent à chaque fois avant de le dévorer.

Comme toute une génération rendue impuissante par le modèle de Mitterrand, il regarde la prise du pouvoir comme l’action solitaire du stratège froid, en même temps, que dans ses fauteuils cramoisis de dodu sénateur à la rose, il s’aimerait barbudo latino préparant son coup d’Etat sanguin dans la sierra, sans n’être pour les révolutionnaires qu’un aimable visiteur de voyages d’études parlementaires.

Il s’aime parfois en nouveau Jaurès haranguant plein de feu et de talent, mais il n’a que faire au fond du parterre de petits-bourgeois qu’il attire en place des foules ouvrières des photos sépia. Il s’essaye parfois et ce n’est pas son plus mauvais rôle en parlementaire de la république des Jules, blouse grise de la IIIe, dispensant son cours d’histoire morale, mais quelque chose en lui n’a au fond que faire de la République et du Parlement et rêve de voir rouler les têtes, son Robespierre se réveille et il pousse au grand incendie révolutionnaire… mais sans les Sans-culottes pour la faire.

Ce musée Grévin à un seul acteur, jeu de rôle qui revisite pour le peuple de gauche fasciné et acculturé son histoire oubliée et où lui-même essaie les costumes historiques qu’il aime sans pouvoir se sentir à l’aise dans aucun, touche sans doute à sa fin dans ce costume de marié trotskiste et une retraite à la Pierre Lambert le guette peut-être.

Reste à savoir l’effet qu’aura eu sur une gauche, souvent si sectairement enfermée dans ses myriades d’identités étanches, ce grand rappel télégénique à sa diversité, mais aussi à l’incarnation.

Au-delà, héritage commun d’une génération qui avait reçu une France puissante et après avoir mangé ses enfants, léguera à ses petits-enfants un désert pollué, Mélenchon restera sans doute comme un exemple du triomphe éclatant du moi sur le collectif, et du spectacle sur la politique.

David LANGLOIS-MALLET

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