Mensonges inutiles

Jan 8, 2007 | Partis politiques, intelligentsia, médias

Mots clefs : chômage | médias | oligarchie

 

Nos vœux les plus sincères, nous les avons échangés avec notre famille et nos amis dans un pays confronté à des mensonges éhontés.

Ministres, « grands » candidats, gens de médias, patrons et banquiers de haut vol nous prennent pour des imbéciles, quotidiennement. Ce n’est pas nouveau, nous ne sommes pas les seuls au monde à subir cet affront, mais ces piètres arguments ne peuvent atténuer l’exaspération.

Les discours et les chiffres que la « gouvernance » nous communique sont d’autant plus insupportables que les menteurs de droite ou de gauche nous portaient tous le même bonne nouvelle lorsqu’ils arrivaient au pouvoir : l’heure de la transparence avait sonné, on allait enfin nous parler vrai. La main sur le cœur, les oligarques ont perfectionné depuis vingt ans trois procédés classiques :

Faire apparaître ce qui n’est pas. L’exemple le plus typique est celui du chômage. Depuis des années, syndicalistes et journalistes consciencieux soulignent la fausseté des chiffres officiels mais cette fois leur protestation a eu un vaste écho. Alors que le gouvernement se préparait à annoncer une nouvelle baisse du chômage, le collectif ACDC (Les Autres Chiffres Du Chômage) démontraient que la courbe officielle ne tenait pas compte de 2, 3 millions de chômeurs, soit plus de la moitié (51%) des personnes inscrites à l’ANPE ! La gauche a menti car « le basculement des demandeurs d’emplois vers les catégories invisibles a été massif entre 1997 et 2001 » (1) et la droite s’ingénie depuis deux ans à développer la même fiction statistique.

Faire disparaître ce qui est, c’est retourner le gant de fer du mensonge organisé. Publiques ou privées, toutes les chaînes de télévision cachent les accidents du travail et les médias français sont restés discrets sur le rachat des bourses européennes (Euronext) par la Bourse de New York (NYSE).  Avec la complicité des grands médias, le gouvernement noie avec une méthode consommée les mauvais chiffres de son bilan (production industrielle, commerce extérieur…) et les « bons » chiffres du chômage. Annoncer ce qui ne sera pas permet d’enjoliver montages et camouflages. Ces temps-ci, les principaux candidats prennent soin de faire inscrire le thème de la protection économique dans des discours bien écrits et il est de bon ton de fustiger Jean-Claude Trichet comme on le fit en 1995 et en 2002 – avec le résultat éclatant que l’on sait. A gauche, on ressort même du placard l’idée d’un « gouvernement économique » européen venant équilibrer le pouvoir monétaire de la Banque centrale européenne. C’était idiot il y a dix ans, cela n’a plus le moindre sens aujourd’hui (3). On se prépare donc à ne rien faire en se donnant joli teint.

Croient-ils ce qu’ils disent ? Malgré les preuves accablantes du mensonge officiel, Jean-Louis Borloo vante la « transparence » de son outil statistique et une baisse « structurelle » du chômage. Après une mise au point de François Hollande, Ségolène Royal déclare à la télévision qu’elle n’est pas hostile à l’indépendance de la BCE mais qu’elle conteste sa suprématie (3). Certains croient à ce qu’ils disent dans l’instant de la parole prononcée, mais pas au-delà ; d’autres affirment la nécessité du mensonge pour faire passer les réformes ou « parce qu’il faut toujours faire plaisir aux gens » comme on me l’expliqua, hors antenne, sur un plateau de télévision.

La question du mensonge des oligarques est intéressante, mais pas décisive : trop c’est trop, on ne croit plus celles et ceux qui font la télévision, qui parlent à la télévision et pour la télévision : tous sont enfermés dans le même système de production d’illusions et d’autosuggestion.

Pour gagner les élections, ils comptent sur la peur : peur des « banlieues » à droite ; peur de Jean-Marie Le Pen à droite et à gauche. Le chantage des oligarques consiste une fois de plus à dénoncer les conséquences de leurs propres actes. La tentation sera forte de déjouer la manœuvre éculée par un vote de pure provocation.

***

(1) l’entretien accordé par Pierre Concialdi, membre de ACDC à « Libération » (29/12/2006).

(2) notre analyse du livre de François Morin en page 8.

(3) Lors du congrès des socialistes européens tenu à Porto le 8 décembre dernier. Nous y reviendrons.

 

Editorial du numéro 895 de « Royaliste » – 8 janvier 2007

 

 

 

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