« Nettoyage » social

Juin 11, 2007 | la lutte des classes

 

Après cinq ans de répression sociale, on se prépare à renforcer l’arsenal législatif. Sur deux questions que Nicolas Sarkozy se faisait fort de régler, le bilan est consternant.

Le gouvernement annonce qu’il fera une nouvelle loi sur l’immigration avant la fin de l’été – première preuve de l’échec d’un certain ministre de l’Intérieur qui eut les mains libres pendant le précédent quinquennat. Il faut bien sûr attendre le texte pour en juger, mais il est utile de revenir sur les lieux d’un exploit de Nicolas Sarkozy : la fermeture du centre de Sangatte, annoncée à grands sons de trompettes médiatiques, effectuée en novembre 2002 sous le regard admiratif de journalistes qui assurèrent que l’affaire était réglée.

Si l’on n’a pas le temps de se rendre sur place pour étudier les effets de la décision ministérielle, on peut lire le rapport (1) présenté en décembre 2006 par la « Mission Calais » organisée par Médecins du Monde afin de porter assistance aux migrants qui continuent de venir à Calais pour tenter de passer en Angleterre. Parmi eux, beaucoup de femmes et d’enfants. Tous survivent dans des conditions indignes, sans que le gouvernement s’en soucie : en haut lieu, on s’en remet à la police. « Tout semble fait pour éloigner une population qui cependant jour après jour se retrouve à Calais et dans les environs », lit-on dans le rapport. « Arrestations, destructions de squats, absence d’hébergements dignes, conditions de vie infrahumaines sont le lot de milliers de personnes chaque année dont le seul crime est de vouloir traverser clandestinement la Manche ». Ces déshérités, qui ont fui la misère et la violence qui sévissent en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie, sont sans doute aussi nombreux que ceux qui étaient hébergés au centre de Sangatte mais ils sont moins visibles – et c’est bien ce que recherchait Nicolas Sarkozy.

Nettoyage apparent, effacement des misères visibles : telle est également la méthode suivie dans le domaine de la prostitution.

On sait que la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 maintient la liberté de se prostituer (le proxénétisme reste bien entendu interdit) mais les prostitués des deux sexes ne peuvent plus exercer leur activité dans des conditions « normales » puisque le texte réprime le racolage actif mais aussi un racolage « passif » qu’il est impossible de définir. Or les prostitués risquent jusqu’à deux mois de prison et 3 750 euros d’amende s’ils contreviennent à la loi – plus le retrait de la carte de séjour s’ils sont étrangers.

Ces dispositions ont sans doute rétabli la tranquillité nocturne dans certains quartiers bourgeois – tout en poussant les prostituées à un travail clandestin beaucoup plus solitaire, donc plus dangereux (2).

Pour équilibrer la répression des personnes qui se prostituent, Nicolas Sarkozy avait promis une lutte renforcée contre le proxénétisme, tout particulièrement contre les réseaux organisés depuis l’étranger. Le code d’entrée et de séjour des étrangers prévoit un système de protection et d’assistance aux prostituées étrangères : si elles dénoncent leur proxénète elles doivent recevoir un titre de séjour d’un an qui permet de travailler et de bénéficier de la Sécurité sociale.

Ces dispositions pourraient être efficaces. Mais les décrets d’application de la loi ne sont toujours pas publiés. Conséquences : les rares prostituées qui acceptent de dénoncer un proxénète ne reçoivent pas de carte de séjour d’un an ; certains préfets accordent au cas par cas des autorisations de six mois qui ne permettent pas de travailler alors que les jeunes femmes ne peuvent plus se prostituer par peur des représailles. D’autres préfets accordent des cartes d’un mois renouvelables ou permettent de travailler. Une allocation de 300 euros par mois est accordée à ces femmes, mais « à titre dérogatoire ». Ce n’est pas la presse de gauche qui souligne ce scandale, mais « Le Figaro » dans une enquête de Jean-Marc Philibert publiée le 29 mai dernier.

Le bilan de la « gouvernance » sarkozienne, ce n’est pas l’ordre juste, ni même l’ordre – mais le désordre et la mise en péril de la vie de ceux qui ont cru aux promesses du gouvernement.

***

(1) medecinsdumonde.org

(2) « Royaliste » n°881, page 2 : Prostitution : Un échec de M. Sarkozy.

 

Article publié dans le numéro 906 de « Royaliste » – 11 juin 2007

 

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