L’homme qui ne devait pas revenir dans le jeu politique est revenu. L’homme qui n’aime pas les livres sort un livre. L’homme arrogant joue les contrits. Mais il joue mal. Pourquoi ?
Le coup de l’homme qui a changé, il nous l’avait fait pendant son quinquennat. Le rôle du brave type qui reconnaît ses erreurs et qui jure de ne plus recommencer, il nous le refait avec la même fausse candeur, celle du roublard qui essaie de se faire payer un demi au comptoir.
Le livre lancé dans un grand tintamarre médiatique n’est pas un livre. C’est un produit fabriqué par des communicants pour la communication. Il faut parler du livre attribué à Nicolas Sarkozy, l’homme qui se vantait naguère de ne pas avoir lu jusqu’au bout le livre sur Georges Mandel, largement plagié, qu’il avait signé.
Bien entendu, le produit livré le 25 janvier n’est qu’un prétexte pour passer à la télévision – média dévalué que Nicolas Sarkozy croit toujours efficace. Mais les prestations de l’auteur sont médiocres. Le coup du candidat qui va sur le terrain pour écouter humblement et prendre des notes sur ce que disent les vraies gens, Jacques Chirac nous l’avait déjà fait – mais avec talent. Chez le candidat Sarkozy les séquences « émotion » sont surjouées, les messages sur l’échec fondateur et sur le temps qu’il faut pour être authentique évoquent une séance de théâtre aux armées par une froide soirée de décembre 1960 dans un camp de la province du Heilongjiang, au bord du fleuve Amour.
Comment un politicien aussi roué peut-il aussi mal jouer ? Telle est la question. J’ai une théorie, que je livre brut de décoffrage. Nicolas Sarkozy joue mal son répertoire parce qu’il doit mobiliser toutes ses forces pour cacher sa haine. Bien sûr, il ne s’agit pas de la haine immense et glaçante qui mobilise certains héros de tragédie. C’est la petite haine de l’ambitieux qui voit le rival marcher sur ses plates-bandes et compromettre son plan de carrière. Haine pour Alain Juppé, qui le lui rend bien dans ce face à face où chacun joue sa dernière carte. Haines implacables, de même nature que les haines du siècle dernier entre grands féodaux de la gauche – Rocard, Jospin, Fabius.
Le spectacle de ces haines recuites ne saurait longtemps nous faire oublier la véritable fonction de ces petits ou grands bourgeois de droite et de gauche. Tous appartiennent à ce que Jacques Sapir appelle les élites compradores – c’est-à-dire les cadres supérieurs chargés d’exécuter les ordres donnés par des autorités étrangères à leur territoire. Dans les programmes des uns et des autres, on vérifiera bientôt que les injonctions de Bruxelles et de Berlin ont été scrupuleusement respectées.
***
Article publié dans le numéro 1093 de « Royaliste » – 26 janvier 2016
0 commentaires