Nicolas Sarkozy : Le président parle

Oct 29, 2007 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Le président parle. Il parle bien. Avec chaleur et conviction, comme on dit. Et c’est vrai qu’il emploie des formules qui nous vont droit au cœur : il veut réconcilier les Français avec la politique ; il dit qu’il n’y a pas de plan d’austérité caché ni de tournant de rigueur en préparation car une telle politique serait un renoncement. Il veut veiller à l’impartialité de l’Etat, le chef de l’Etat n’étant pas au service d’une secte mais au contraire un homme qui veut agir très vite pour la hausse du pouvoir d’achat et la démocratie sociale.

Le président parle, le mercredi 3 octobre, mais on s’aperçoit, dans la soirée et les jours suivants, que ses propos ne cessent d’être démentis.

Nicolas Sarkozy invoque le général de Gaulle mais il viole en direct la Constitution de la 5ème République puisque le président parle et agit face à la majorité parlementaire comme le faisait naguère les premiers ministres. Confusion des fonctions ! D’ailleurs, quel est ce président impartial qui vient à Neuilly introniser son candidat et s’adresser aux militants de l’UMP comme s’il était encore le chef de ce parti ?

Nicolas Sarkozy récuse la politique de rigueur mais c’est bien une politique de ce type qui va être appliquée à la Sécurité sociale avec le système des franchises. Et la défiscalisation des heures supplémentaires apparaît comme le moyen de ne pas procéder à une augmentation générale des salaires (1).

Nicolas Sarkozy se présente en ami de tous les Français mais la police se livre dans les rues de Paris à un nettoyage social qui vise les personnes privées de domicile et les mal-logés – ainsi rue de la Banque, moins de 48 heures après l’allocution du président de la République.

Nicolas Sarkozy se pose en humaniste mais la législation qu’il tente de mettre en place établit des discriminations raciales à l’encontre de certaines catégories d’immigrés, autorise le recensement ethnique et prévoyait, au moment même où il parlait, que les étrangers en situation irrégulière ne pourraient plus être accueillis dans les centres d’hébergement. Ces dispositions scandaleuses ont rencontré l’opposition de nombreux élus de sa majorité, de plusieurs dirigeants éminents du parti dominant et de membres du gouvernement – ce qui a contraint MM. Fillon et Hortefeux à atténuer ou à retirer des dispositions qui auraient certainement figuré dans le programme d’un gouvernement lepéniste.

Nicolas Sarkozy veut la réforme tout de suite mais cet homme d’action a oublié de déclencher l’offensive contre la Banque centrale européenne – alors que le cours de l’euro bat de nouveaux records. Il s’est simplement glorifié d’avoir fait adopté un traité européen simplifié dont les Français ignoraient tout le 3 octobre et que le chef de l’Etat, qui annonce une démocratie exemplaire, veut leur imposer.

Nicolas Sarkozy produit avec talent l’image d’un homme de bon sens, soucieux de la morale publique et universellement bienveillant mais dans la même semaine Arnaud Lagardère, grand ami du président, était mis en cause dans le plus grand délit d’initié de notre histoire – tandis que  Rachida Dati installait le groupe de travail chargé d’étudier la dépénalisation du droit des affaires. Ceci au moment où la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles rejetait la demande d’annulation de la mise en examen d’André Santini : le secrétaire d’Etat à la Fonction publique reste en fonctions alors qu’il devra comparaître pour « détournement de fonds publics, faux et prise illégale d’intérêts ».

A l’exemple du président de la République, je m’en tiendrai à une remarque de bon sens : il y a loin de la parole aux actes, si loin qu’on peut parler de contradiction flagrante entre des propos volontaristes et l’impitoyable réalité des délocalisations, qui continuent, des privatisations à nouveau programmées et de l’ouverture à la concurrence, en 2011, du courrier postal ordinaire…

Les « réformes » dont se flatte Nicolas Sarkozy vont toutes dans le même sens : un ultralibéralisme qui suppose, pour se renforcer, une autocratie parée des fleurs de la rhétorique.

***

(1) Pour une démonstration complète, cf. l’analyse de Gérard Filoche dans Démocratie et socialisme : http://www.democratie-socialisme.org/

 

Editorial du numéro 911 de « Royaliste » – 29 octobre 2007

 

Partagez

0 commentaires