Nicolas Sarkozy : Un candidat à l’abattoir

Mar 19, 2012 | Partis politiques, intelligentsia, médias

Nous sommes d’accord avec Emmanuel Todd déclarant au Nouvel Observateur : « Je ne pensais pas qu’un jour, on aurait en France deux candidats d’extrême droite à une présidentielle, dont un soutenu par l’Allemagne ».

La misérable tactique du lieutenant de la Chancelière a été expliquée dans la presse : tenir un discours d’extrême droite pour récupérer l’électorat de Marine Le Pen, en espérant qu’elle n’aura pas ses signatures ; puis se recentrer sur le thème du « Président qui protège » et doubler François Hollande en serinant qu’il n’a pas l’expérience des affaires mondiales. Eventé, le piège à électeurs n’avait aucune chance de fonctionner. Le dos au mur, Nicolas a cependant persévéré dans sa ruse grossière tout en exécutant maints changements de pied.

On se souvient que Marine Le Pen avait sonné la charge contre les musulmans en déclarant le 18 février que « 100 % de la viande abattue en Ile-de-France est halal ». Cette invention lui a valu, lors du Salon de l’Agriculture, d’être vivement interpellée – hélas à huis clos – par les dirigeants de l’Association interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) qui se sont déclarés « pris en otage » par le Front national. Le 21 février, Nicolas Sarkozy décide de tuer la sale rumeur : « la polémique n’a pas lieu d’être » car « on consomme chaque année en Ile-de-France 200 000 tonnes de viande et il y a 2,5 % de viande casher et halal ».

Cette sage attitude révulse Patrick Buisson, maître-sondagier qui poursuit à l’Elysée une carrière placée tout entière sous le signe de l’extrême-droite. Comme le bonhomme passe pour un fin stratège, il convainc son candidat et son équipe de relancer l’affaire de la viande. Le candidat merkelien s’exécute et François Fillon décide pour sa part de la jouer technocrate moderniste : « les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’état aujourd’hui de la science, l’état de la technologie, les problèmes de santé ; on est dans un pays moderne ». Le Premier ministre viole le principe de laïcité puisque l’Etat incite les religieux à abandonner leurs rites. Du même coup, François Fillon, qui est censé défendre les « valeurs », montre qu’il ne sait pas ce que c’est qu’un rituel, réduit à une prescription de technique sanitaire ! Peinées, choquées, les autorités religieuses juives et musulmanes ont été reçues à Matignon à leur demande et la polémique s’est éteinte dans des propos confus de Nicolas Sarkozy sur l’étiquetage de la viande hallal.

L’opération montée à l’Elysée laisse un goût de cendres. Nicolas Sarkozy a cyniquement repris la vieille campagne du Front national sur « l’islamisation de la France » mais il a fait pire que Marine Le Pen car en attaquant et en laissant attaquer des rituels religieux il a violé – une fois de plus – la Constitution. En cette affaire, comme pour d’autres campagnes haineuses, les deux candidats d’extrême droite ont bénéficié de la caisse de résonnance médiatique. Je ne dis pas qu’il fallait enregistrer les discours et se taire. Mais les « grands professionnels » autoproclamés devraient avoir le sens de l’équilibre dans les informations qu’ils diffusent.

Pendant l’affaire de la viande, la question de la dette grecque s’est posée avec une extrême acuité. D’ordinaire, les « experts » médiatiques ont les yeux fixés sur les agences de notation, censées faire la pluie et le beau temps sur les « marchés ». Et pourtant, Standard & Poor’s a placé la Grèce en « défaut sélectif » fin février. Et pourtant, Fitch a placé la Grèce en « défaut partiel » le 6 mars, après l’échange des titres. Et pourtant, l’International Swaps and Derivatives Association (Isda) a estimé qu’il y avait « événement de crédit » – ce qui a déclenché le versement, naguère redouté, des Credit Defaults Swaps. Bien que complexes, ces décisions auraient dû faire grand bruit. Il n’en fut rien. On fait comme si la crise grecque était terminée, comme si les Français se préoccupaient avant tout, comme l’a dit le candidat de Berlin, de ce qui se passait dans les abattoirs. Complot ? Certes non ! Seulement une sale affaire d’intoxication politico-médiatique.

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Article publié dans le numéro 1009 de « Royaliste » – 19 mars 2012.

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