Non à la bonne conduite… »antifasciste » !

Avr 10, 2011 | Res Publica

On ne va pas se laisser em…bêter !

Je voulais consacrer mon éditorial à un examen approfondi de la crise de la zone euro mais il me paraît nécessaire d’opposer une résistance totale à l’obsession courante qui a pour nom Front national. Pendant treize mois, nous risquons de vivre dans un bruit médiatique assourdissant, dans une agitation politicienne épuisante qui se résumeront au ressassement des questions que nous avons déjà entendues mille fois pendant la période des cantonales : le Front a-t-il encore progressé dans les sondages ? Marine Le Pen est-elle l’héritière de son père ? Que faire pour battre Marine Le Pen ? Qui fait le jeu de Marine Le Pen ? Qui est le meilleur antifasciste de France ?

Cela signifie que tout le débat et que toutes les stratégies politiciennes vont être engluées dans l’obsession frontiste. C’est idiot. On met au premier plan un parti qui n’est pas capable de prendre le pouvoir, ni de l’exercer. On traite superficiellement des questions décisives qui concernent la crise de l’euro, la politique chinoise, le jeu de l’Allemagne. On oublie comme d’habitude la guerre en Afghanistan. On commence à se lasser de la guerre de Libye. Il est beaucoup plus excitant de disserter sur le retour de la fameuse « bête immonde », de jouer à se faire peur en évoquant une menace fasciste que même le papa de Marine ne voulait pas incarner, d’organiser des comités de vigilance dont on a pu mesurer, aux alentours de l’an 2000, la formidable efficacité.

Mais il ne faut pas se moquer : la vigilance antifasciste, c’est une inquisition aussi méchante et aussi bête que la vigilance anticommuniste au temps de la guerre froide. Souvenons-nous : il fallait que les communistes soient le Mal absolu, indéracinable, irrésistible ; les Rouges allaient gagner, les chars russes seraient bientôt à Paris ! Expliquer que le modèle soviétique était épuisé, c’était baisser la garde ; critiquer le capitalisme, c’était parler comme Georges Marchais ; dire que les communistes étaient des patriotes, c’était se signaler comme agent de Moscou. Et voici que les inquisiteurs reviennent par la gauche – celle du Nouvel observateur et de Libération où l’on a déjà dressé la liste des passeurs clandestins de la marchandise frontiste (1). On connaît aussi la nomenclature des thèmes proscrits et des mots interdits. Naguère, le patronat s’opposait à toute référence au « progrès ». Aujourd’hui, on marque au fer ceux qui annoncent la sortie de l’euro, réclament du protectionnisme et dénoncent l’oligarchie : tous complices de Marine Le Pen ! La bonne conduite, c’est de diaboliser et d’invectiver du matin au soir, sans voir que la Maudite se porte comme un charme et qu’elle est très utile à ceux qui n’ont pas d’autre moyen de défier les chiens de garde des hautes classes. Le paradoxe ne gêne pas plus qu’à l’époque du premier Front national, qui a tiré de substantiels profits électoraux de la détestation officielle…

Mais alors, que faire ? Ni plus ni moins que d’habitude : agir selon nos convictions. Traîtres au gaullisme ou au socialisme patriote, les agents troubles de Marine Le Pen ne nous téléphonent pas : ils savent que la Nouvelle Action royaliste ne servira jamais de passerelle vers le nationalisme xénophobe. Lorsque Marine Le Pen présentera son programme pour la présidentielle, nous en ferons la critique et nous tirerons, quant à l’évolution du phénomène frontiste, nos propres conclusions. Pour le reste, qui est l’essentiel, nous ne cesserons de proclamer que l’euro est entré dans sa phase terminale et qu’il est urgent de préparer une sortie de crise conforme à nos intérêts nationaux par un plan de nationalisations, de contrôle de la circulation des capitaux, de contrôle des prix et de planification de notre redressement industriel dans le cadre d’une économie protégée.

Nous savons que des experts en copier-coller piquent dans l’arsenal des économistes hétérodoxes des éléments de langage à l’intention de Marine Le Pen. Nous dénoncerons ces récupérations incohérentes qui n’ont pas plus de portée que les formules gaulliennes rédigées par Henri Guaino à l’intention du président des riches.

***

(1) cf. sur mon blog la chronique que j’ai consacrée aux attaques lancées contre Philippe Cohen : https://bertrand-renouvin.fr/?p=2924

Editorial du numéro 989 de « Royaliste – 2011.

Partagez

0 commentaires