La campagne pour les élections européennes est lancée. Il s’agit comme d’habitude d’une série de manœuvres que les états-majors rivaux organisent en vue de la bataille pour l’Elysée. De toute évidence, l’Union européenne n’est qu’un prétexte. François Bayrou va tenter de conquérir une position incontournable dans l’opposition : l’Europe n’est pas au premier rang de ses préoccupations. Nicolas Sarkozy confirme qu’il n’est pas le président de la République tel que le définit la Constitution, mais le chef du parti majoritaire qui utilise les hommes et les moyens du gouvernement pour sa propagande : annonce de nouvelles lois répressives, déplacement du ministre de l’Immigration à Calais, mesures pour l’emploi des jeunes. On cible ses publics, selon les techniques qui ont marché en 2007. On cache sous des slogans volontaristes les réactions minimalistes et désordonnées de la bureaucratie européiste face à la crise mondiale. On mise sur les divisions du camp adverse pour s’en tirer à bon compte le 7 juin.

A gauche, Martine Aubry va tenter de s’affirmer face à Nicolas Sarkozy et à Ségolène Royal. Son premier discours de campagne, à Toulouse le 24 avril, était le produit typique des faiblesses et des contradictions de la rue de Solferino : on a célébré l’unité d’action des socialistes européens… qui ne soutiennent pas le même candidat à la présidence de la Commission ; on a annoncé un plan de relance coordonné à l’échelle de l’Union pour « changer l’Europe » dès le 8 juin alors que l’Assemblée de Strasbourg est incapable de le concevoir et de le faire appliquer ; on a éliminé tout projet de protection des économies européennes – ce qui ridiculise d’emblée les discours « keynésiens » et l’allusion rituelle à « l’Europe sociale ».

Faut-il poursuivre cet examen critique ? C’est inutile. Ce n’est pas seulement l’irréalité des discours qui est en cause mais la signification du scrutin du 7 juin. Elections au Parlement européen ? Encore faudrait-il que les députés le définissent comme tel et se conçoivent eux-mêmes comme les représentants des peuples nationaux de l’Union européenne. Ne sont-ils pas les artisans du rapprochement entre l’Europe et les citoyens actuellement vanté par les propagandistes de la Commission ?

La réponse se trouve dans le texte A6-0114/2009 sur laquelle Edouard Husson a attiré l’attention (1). Précisément, il s’agit de la « Résolution du Parlement européen du 26 mars 2009 sur l’état des relations transatlantiques après les élections qui ont eu lieu aux Etats-Unis » qui se découpe en treize considérants et soixante deux recommandations. Ce morceau indigeste a été voté le 26 mars par 503 pour, 51 contre et 10 abstentions – donc avec le soutien massif des députés de gauche. Il serait de la plus haute importance que les peuples européens concernés soient informés de ce qui a été voté selon les vœux qu’ils auraient exprimés (où ? quand ?) :

« Considérant (point E) que le partenariat transatlantique doit demeurer une pierre angulaire de l’action extérieure de l’Union », le point 10 propose l’institution d’une « assemblée transatlantique servant de forum pour le dialogue parlementaire, l’identification d’objectifs ainsi que le contrôle conjoint de la mise en œuvre de l’accord, et pour la coordination des travaux du Parlement européen et du Congrès américain sur les questions d’intérêt commun ». Ceci pour atteindre « l’objectif d’un véritable marché transatlantique intégré » désigné au point L. Cette intégration économique se double d’une intégration militaire puisque le Parlement européen « souligne (point 37) l’importance de l’OTAN en tant que pierre angulaire de la sécurité transatlantique »…

L’objectif n’est plus la construction européenne mais un marché euro-américain intégré ; la défense européenne se définit par l’intégration des armées nationales dans une organisation dirigée par les militaires américains ; on ne parlera bientôt plus des institutions européennes puisque les différents organes de l’Union sont invités à accueillir du personnel américain – les bureaucrates européens étant incités à aller s’américaniser à Bruxelles.

Nous prenons acte de cette abdication délibérée.

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(1) Cf. « Ma semaine allemande » du 18 avril, sur le site de Marianne2.fr

 

Editorial du numéro 947 de « Royaliste » – 2009

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