Par rapport aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, à l’Espagne, la France dispose face à la crise de magnifiques atouts. Nous avons une doctrine française, implicite, dont j’ai rappelé naguère la cohérence et qui ne demande qu’à être actualisée. Cette doctrine intègre la logique de l’intérêt général, la tradition de l’intervention de l’Etat dans l’économie et pour la protection sociale, une solide expérience de nationalisations réussies, la conception gaullienne des rapports de force européens et transatlantiques. Nous avons une Constitution qui garde ses avantages, malgré les atteintes qui ont été portées par les chiraquiens, les jospinistes, les sarkoziens. Nous bénéficions d’une solide administration qui se mobiliserait avec enthousiasme, comme elle le fit après la Libération pour la reconstruction du pays puis dans les premières années de la 5ème République…

Dans le moment présent, nous observons que les Français sont moins endettés que les Anglais et les Américains et nous savons que nos forces industrielles peuvent être reconstituées de manière plus rapide et plus efficace qu’ailleurs dans un secteur public élargi et rénové comme dans le secteur privé. Manque l’arme monétaire, qui peut être récupérée, et la protection douanière qui permettrait à la France et à l’Union européenne de réorganiser et de renforcer les économies nationales. Il faudrait dans le même temps reconnaître que des fonctionnaires nombreux et bien payés, que des retraités disposant de revenus confortables, contribuent largement au soutien de la demande globale. En augmentant massivement le salaire minimum, en rétablissant le contrôle de l’inspection du travail sur les licenciements, en favorisant par tous les moyens disponibles les relocalisations nous pourrions retrouver la voie de la croissance et du développement.

Egoïsme nationaliste ? Au contraire : les projets et les plans nationaux doivent être conçus et appliqués à l’échelle du continent ; notre richesse collective, aujourd’hui confisquée par quelques profiteurs et gaspillée dans les spéculations, nous permettrait d’aider les nations appauvries.

Par bribes et morceaux, ces thèses se retrouvent parfois dans les discours de Nicolas Sarkozy. Mais les formules bien frappées et l’agitation du personnage ne parviennent plus à masquer sa fidélité au credo ultralibéral, ses solidarités de classe, ses échecs patents.

C’est toujours la même logique infernale qui est imposée à la société française. On fait voter en douce la possibilité de travailler jusqu’à soixante-dix ans, sans préciser que dans ce volontariat c’est toujours le patron qui choisira les volontaires, sans annoncer que cette disposition légale permettra de ne pas réévaluer les retraites. Le plan social claironné à Rethel le 28 octobre est nul : les sommes qui y seront consacrées sont dérisoires par rapport aux menaces qui pèsent sur maints secteurs de notre industrie délabrée. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy a avoué, comme naguère Lionel Jospin, son impuissance face à la montée du chômage. Laisser faire, laisser aller…

Ce sont toujours les mêmes complaisances qui expliquent de scandaleuses décisions. 

Alors que le président de la Caisse d’Epargne avait été contraint à la démission, suite à une perte de 751 millions d’euros dont la direction est responsable, celui-ci demeure président du conseil de surveillance d’une des filiales du groupe. Le parachute doré, maudit par Nicolas Sarkozy, s’est transformé, pour les besoins d’un inqualifiable sauvetage, en une soie brodée d’argent.

Et ce sont toujours les mêmes rodomontades. Lancée le 23 octobre, l’idée du « gouvernement économique » a été publiquement récusée dès le 3 novembre par Jean-Claude Junker. Le plan de relance européen n’a aucune chance de voir le jour en raison des divergences de fond entre plusieurs Etats. L’européiste Jean-Pierre Jouyet a reconnu cet échec en constatant qu’il n’y avait pas de coordination des politiques économiques mais «des réponses nationales désordonnées ».

Nicolas Sarkozy avait un an pour préparer la France au choc de la crise qui a éclaté en août 2007. Il avait un an pour réfléchir avec les Etats de l’Union européenne à une stratégie d’ensemble. Or il se contente de réagir trop peu et trop tard, dans la méconnaissance et la confusion. Il est coresponsable du désordre qui est officiellement dénoncé.

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Editorial du numéro 935 de « Royaliste » – 17 novembre 2008

 

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