Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, François Bayrou… Dans le tourbillon des déclarations de candidatures et de sondages aussi péremptoires qu’insignifiants, nous avons à maintenir notre cap sans craindre de paraître en décalage avec l’actualité immédiate.
Quant à l’élection présidentielle, aucune analyse sérieuse n’est possible tant que nous ne connaîtrons pas la décision de Jacques Chirac, qui est le plus déterminé de tous les adversaires de Nicolas Sarkozy.
Libérés du jeu des pronostics, nous pouvons concentrer notre attention sur les étrangetés de la bataille politique en cours.
Il est étrange de voir que tous les ennemis jurés de la 5ème République et du gaullisme – de Jean-Marie Le Pen à Olivier Besancenot en passant par Arnaud Montebourg – concentrent leur intelligence et leur énergie sur une élection présidentielle qu’ils récusent dans son principe.
Le mon-archisme inconscient de ceux qui dénoncent rituellement la « dérive monarchique » des institutions prête à sourire en temps ordinaires. Mais nous sommes dans une période prérévolutionnaire et nous regrettons que, dans le milieu politique, personne ne s’interroge sur l’importance réelle des enjeux électoraux de l’année prochaine.
Mon hypothèse est qu’ils ne seront pas décisifs quel que soit le schéma retenu :
Si l’on regarde la campagne présidentielle comme une compétition entre les trois candidats sélectionnés par les médias, il faut à nouveau souligner que Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont fait campagne pour le « traité constitutionnel », exprimant en une consultation décisive leur adhésion ou du moins leur consentement à l’ultralibéralisme.
Désavoués, ils tentent de gommer leur « oui » par de beaux discours sur la nation et de faire oublier leur longue carrière au sein de l’oligarchie par les habituelles tournées « sur le terrain ». Il y a trop d’ouvrages et trop de témoignages sur le travail d’image et sur la fabrique des messages électoraux – souvent contradictoires pour balayer plus large – pour qu’on puisse prendre au sérieux ces artifices de propagande électorale. Gestes et paroles doivent être confrontés au mode de vie des candidats, à la sociologie de leurs partisans, aux intérêts défendus par leurs groupes de soutien.
Si l’on regarde la campagne présidentielle comme un épisode du combat entre l’oligarchie (dirigeants politiques, experts et décideurs économiques et financiers, chiens de garde médiatiques) et les divers contestataires, rien ne permet de prévoir un grand bouleversement : il est possible que Jean-Marie Le Pen soit à nouveau porté par de fortes turbulences mais il ne peut ni ne veut prendre le pouvoir ; l’altermondialisme ne peut entrer dans la bataille électorale sans se perdre définitivement ; l’extrême gauche a démontré depuis longtemps qu’elle était incapable de présenter un programme politique, faute de reconnaître les réalités étatiques et nationales.
Il n’y a pourtant aucune raison de se lamenter. Nous avons cent fois montré que la bataille intellectuelle contre l’ultralibéralisme était gagnée. Le référendum de 2005 et la révolte contre le CPE prouvent que l’oligarchie est massivement récusée. Brièvement rassemblé il y a cinq ans, le « parti des politiques » continue d’exister à l’état latent. Il est en train de se donner des éléments de programme (la protection de l’économie européenne, le contrôle politique de la monnaie) qui peuvent être facilement complétés car les propositions abondent et se précisent au fil des publications et des débats que nous nous efforçons de présenter ici.
Le « parti des politiques » est celui des temps de crise. Depuis le 16ème siècle, il rassemble autour de l’Etat et pour la nation des militants de différentes familles de pensée, venus de divers partis et mouvements, des hauts fonctionnaires, des citoyens engagés dans les luttes sociales. Tel est notre parti, celui de gaullistes de droite et de gauche, de socialistes patriotes, de communistes critiques, aussi invisible que cette « France invisible » soumise à un régime de fer. Il vit dans l’attente de celui qui se dévouera pleinement à son projet et qui lui permettra de se lancer dans l’action, pour l’exercice du pouvoir.
L’idée qu’il faille passer son tour en 2007 exaspère cette attente sans ruiner son espoir.
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Editorial du numéro 893 de « Royaliste » – 11 décembre 2006
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