Avant tout, garder la tête froide. C’est difficile ! L’hystérie qui affecte le milieu dirigeant est contagieuse. Elle menace de détruire ce que les puissants laissent aux gens de notre sorte parce qu’ils jugent que c’est insignifiant : la capacité de critiquer puis de formuler un ensemble cohérent de propositions.
Cette tâche est devenue excessivement compliquée depuis que Nicolas Sarkozy est rentré de ses vacances d’été. Tout se confond : la vie privée de l’homme de l’Elysée recouvre sa vie publique, les conseillers sont plus importants que les ministres, les polémiques subalternes effacent les questions de fond…
On voit même le supposé président s’emparer de la fonction critique (par exemple quand il dénonce un capitalisme qui marche sur la tête), donner des cours de morale et méditer sur le statut du religieux – ou faire semblant. Le tribun qui nous promettait de l’action ne se déplace que pour promettre ce qu’il ne peut tenir, lire des textes assortis de fragments de pensées réunis par ses polygraphes et invectiver des citoyens en colère. Ceci pour le plus grand profit de journalistes fascinés par la « chute » de Nicolas Sarkozy comme ils le furent par l’irrésistible ascension du personnage.
Pour comprendre à peu près ce qui se passe, il faut rester à distance des événements qui se déroulent au sein de l’oligarchie. Le jeu met aux prises quatre catégories de dominants :
– les détenteurs des pouvoirs politiques qui se partagent sans trop de heurts les parts de propriété : la droite dispose de l’appareil d’Etat sans être sérieusement contestée par une gauche qui jouit paisiblement de ses biens municipaux et régionaux ;
– les partenaires sociaux : principalement le Medef, la CFDT vouée à la collaboration de classe et la CGT en voie de recentrage veulent certes pousser leurs avantages mais surtout préserver ou conforter leur représentativité et éviter une explosion sociale que les syndicats ne pourraient pas contrôler ;
– les milieux affairistes qui sont liés à la gouvernance de droite et de gauche par mille liens affectifs, familiaux, mondains et par des intérêts croisés ;
– les grands organes censés informer le public qui sont entre les mains de capitalistes étroitement liés aux dirigeants politiques.
Jusqu’à ces derniers mois, on pouvait avoir l’impression que cette oligarchie formait un système aux rouages parfaitement huilés qui avait réussi à repousser l’extrême droite et les formations politiques et syndicales de tradition révolutionnaire dans la marginalité. Mais nous constatons que toutes les catégories de dominants sont en proie depuis deux mois à des crises et à des conflits d’une grande violence : Nicolas Sarkozy scandalise une bonne partie de son électorat ; les médias se sont retournés contre le supposé président au vu de sondages alarmistes ; les pertes de la Société générale soulignent la cupidité et l’aveuglement du capitalisme financier ; le scandale des fonds secrets du patronat fait éclater le conflit entre la direction du Medef et celle de l’IUMM.
Tout ce que nous dénonçons avec d’autres rebelles depuis un quart de siècle se trouve aujourd’hui étalé de manière parfaitement obscène. Il n’y a donc pas à prendre parti pour les uns contre les autres.
François Fillon est le partisan, terne mais déterminé, de la ligne ultralibérale qui reste, en ses débordements, le fil conducteur de l’homme de l’Elysée.
Toutes tendances confondues, la direction socialiste est responsable de la victoire de Nicolas Sarkozy en mai dernier et complice de son seul succès : la ratification du traité de Lisbonne.
Certains journalistes se comportent de manière abjecte et nous devons refuser de participer au lynchage du Narcisse qu’ils encensaient : il faut qu’ils rendent des comptes sur leurs procédés répugnants (l’affaire du SMS que Nicolas Sarkozy aurait envoyé à son ancienne épouse), sur leurs mensonges par omission, sur leur corruption, sur leurs complaisances et leurs complicités lorsque leurs amis ou leurs conjoints pratiquent le déni de démocratie.
Il n’y a pas à souhaiter la victoire de Laurence Parisot : c’est toute la direction du Medef qui doit être placée en détention préventive.
Qui se présentera pour reprendre le pouvoir à ces oligarques divisés et corrompus ? Dans l’attente, nous enrageons.
***
Editorial du numéro 922 de « Royaliste » – 2008
0 commentaires