La libération de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun, pris comme otages le 5 janvier dernier à Bagdad, provoque soulagement et malaise. Une fois de plus, les médias parisiens ont agi de manière irresponsable.
Pendant cinq mois, on nous a dit et répété que les journalistes « partent pour nous ». Or la question que plusieurs d’entre eux (d’entre nous) se posent n’est pas celle des risques du métier, mais du facteur aggravant que constitue la mise en scène médiatique.
Les grands médias se targuent de jouer un rôle décisif dans la libération des otages depuis la guerre civile au Liban. Telle n’est pas la conviction de ceux qui sont au cœur des négociations avec les ravisseurs. Ainsi, après la libération de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun, l’ambassadeur de France en Irak, Bernard Bajolet, a déclaré que la mobilisation des médias n’avait d’autre effet que de faire monter les enchères.
Mais la voix d’un ambassadeur de France ne vaut rien si elle contredit la thèse massivement assénée par les directeurs autoproclamés de l’opinion publique.
Cette thèse a l’avantage de masquer la responsabilité des patrons de journaux, qui envoient inconsidérément leurs salariés dans des pays très dangereux.
Elle s’autojustifie par la nécessité de soutenir le moral des otages, sans tenir compte de la contradiction qui consiste à envoyer des messages de sympathies à des prisonniers dont on allonge, par des initiatives retentissantes, la durée d’enfermement.
Elle permet de dresser un martyrologue de notre profession et d’héroïser les directeurs de journaux : ainsi Serge July, transformé en chef des opérations médiatiques pour la libération de « Florence et Hussein » et en défenseur vigilant de la liberté d’une presse qui est étroitement contrôlée par les industriels et les banques. Mais c’est le Nouvel observateur qui, au final, a décroché la palme en annonçant que Florence avait réconcilié l’espace d’un dimanche la France « qui s’étripait dans les horreur de la guerre civile référendaire » !
La campagne médiatique s’est aggravée des déclarations irresponsables de Robert Ménard ( Reporter sans frontières) qui a précisément chiffré, le 11 juin sur LCI, le montant de la rançon versée aux ravisseurs de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun. Dans le monde entier, les organisations politiques ou criminelles spécialisées dans la prise d’otage disposent désormais d’un prix plancher pour la prise d’un journaliste parisien.
Mais les futurs otages doivent savoir qu’il n’y a pas de prix unique de l’otage français : un journaliste parisien pris en Irak vaut très cher, le même ramassé par des indépendantistes tchétchènes n’est pas coté à la bourse médiatique. N’oublions pas non plus que la grande presse forme un club corporatiste : une politique comme Ingrid Betancourt, prisonnière depuis plus de 1200 jours, n’a droit qu’un taux minimum de compassion.
***
Article publié dans le numéro 863 de « Royaliste » – 27 juin 2005
0 commentaires