Le bavardage médiatique tend à réduire le résultat positif des législatives : temple depuis vingt ans du fait majoritaire, le Palais-Bourbon est redevenu le lieu d’une véritable représentation nationale. Déformées par le quinquennat, les institutions de la Ve République ne s’en porteront pas plus mal. 

Au soir du deuxième tour des élections législatives, l’échec relatif de la majorité présidentielle fut qualifié de “séisme” par les principaux commentateurs. Dans les jours qui suivirent, on repéra dans le flot des bavardages médiatiques deux thèmes dominants : On n’a jamais vu ça !

C’est le retour à la IVe République.

La sidération venait masquer la contradiction entre ce jamais vu qu’on avait déjà vu avant 1958. Ce n’était pas le monde qui s’effondrait dans le “séisme” électoral mais la micro-société des plateaux télévisés, bruissant de fausses certitudes et d’illusions confortables sur les institutions de la Ve République. L’hyperprésidence sarkozyste ou macronienne y était considérée comme une évidence bénéfique, sans qu’on daigne s’apercevoir du viol constant de la séparation des pouvoirs qui résultait de l’omnipotence présidentielle. Depuis vingt ans, l’inconscient monarchiste des médias s’est dévoilé sous la forme d’une perversion absolutiste. Elle s’est pleinement épanouie dans la référence à Macron-Jupiter subjuguant le gouvernement et l’Assemblée nationale avant que le vote du 19 juin ne vienne mettre bas ce système de domination.

C’est le coup d’arrêt à cette domination qui fit parler de crise de régime. Rien n’est plus faux ! La Constitution de la Ve République autorise plusieurs formes de relations entre l’exécutif et le législatif et au sein du pouvoir exécutif. Le parti gaulliste UNR n’a pas obtenu la majorité absolue en 1958 mais la politique algérienne du général de Gaulle a suscité un large consensus. Notre Constitution a permis deux périodes de cohabitation entre 1986 et 1988 puis entre 1997 et 2002 et une période de conflit entre François Mitterrand et Michel Rocard, Premier ministre de 1988 à 1991. Mais, depuis vingt ans, une partie du personnel politique et les grands médias considèrent que le fait majoritaire est consubstantiel au régime politique. Il est vrai que le quinquennat accompagné de législatives venant après la présidentielle ont favorisé l’élection de majorités absolues, en soutien au programme présidentiel. Certains constitutionnalistes et la plupart des commentateurs en ont conclu qu’il en serait toujours ainsi, dans tous les cas de figure, à cause de l’autorité du président de la République et par la logique du scrutin uninominal à deux tours. Ils viennent de se voir infliger un cinglant démenti.

Pour masquer leur déroute intellectuelle, diverses sommités médiatiques ont proclamé que nous assistions au retour à la IVe République. Pour ces experts, les premiers signes de renaissance de la vie parlementaire devraient nécessairement être associés à des images d’impuissance collective et de chaos parlementaire. Cette panique surjouée ne saurait nous impressionner. La Ve République est un régime parlementaire au sens précis du terme : le gouvernement est responsable devant le Parlement. La IVe République était un régime d’Assemblée, dans lequel la représentation nationale, fractionnée et toute-puissante, pouvait faire et défaire les gouvernements selon les intérêts tactiques des différents partis. L’instabilité ministérielle fut la plaie de ce régime mais le président de la République, qui disposait de faibles pouvoirs constitutionnels, avait une forte autorité symbolique. On a oublié la popularité de René Coty et le rôle qu’il joua à la fin de la IVe République dans un climat de guerre civile puisque c’est ce président au-dessus des pitoyables mêlées politiciennes qui décida d’appeler le général de Gaulle à former un gouvernement. Les experts médiatiques jugent sans doute que la présidence était dérisoire avant 1958 mais il se gardent bien de dire que la “gouvernance” oligarchique a éliminé la fonction présidentielle au profit d’un autocrate qui est le véritable chef du gouvernement et du parti majoritaire.

Quant aux rapports entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, on a déjà remarqué que le Premier ministre n’était pas obligé d’obtenir un vote de confiance et l’on vérifiera bientôt que les conditions du dépôt et du vote d’une motion de censure font obstacle à l’instabilité ministérielle. Nous aurons dans les mois qui viennent l’occasion d’évoquer les procédures qui font de la Ve République un régime de parlementarisme rationalisé.

Le thème du retour à la IVe République est d’autant plus aventureux que, dans ce régime, la force de la Constitution administrative venait compenser les faiblesses de la Constitution politique et assurer par le Plan la direction d’une économie nationale qui bénéficiait alors de la souveraineté monétaire, budgétaire et commerciale.

Privé de la majorité absolue, le parti majoritaire va devoir composer, mais dans un cadre institutionnel qui reste solide si l’on se décide à appliquer la Constitution.

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Article publié dans le numéro 1238 de « Royaliste » – 3 juillet 2022

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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