Panique sur tous les marchés

Oct 1, 2001 | Economie politique

 

Survenant dans une conjoncture économique dépressive et pendant un krach larvé, les attentats du 11 septembre ont sans aucun doute aggravé la crise. Mais ce sont les réactions des certains industriels, des médias et des dirigeants politiques européens qui créent la panique.

Nous avions annoncé une crise systémique, et expliqué son mécanisme, mais nous ne pouvions pas imaginer qu’elle tournerait à une telle catastrophe. Car il s’agit bien, au terme de la phase de « mondialisation heureuse » (ou supposée telle par Alain Minc et consorts) d’une globalisation de tous les éléments négatifs que contient le système et qui le détruisent.

Reprenant l’enseignement d’excellents maîtres, nous avions dit et répété que le marché contenait la panique : longtemps retenue, elle s’est progressivement libérée sur les marchés financiers, gagnant les secteurs de la prétendue « nouvelle économie » et menaçant l’industrie tout entière.

Les attentats commis aux Etats-Unis, terrifiant retour des monstres engendrés par les dirigeants américains, ont détruit des milliers de vie mais aussi frappé les symboles de la puissance américaine. Tout le monde l’a compris et dit, mais personne, parmi les hauts responsables, n’a eu la réaction positive dont l’histoire donne pourtant d’innombrables exemples.

Ainsi, quand Londres était bombardée par l’aviation allemande, les journalistes de la BBC ne venaient pas prononcer d’interminables homélies sur les ruines : tandis que le roi, la reine, le premier ministre venaient rendre hommage aux morts et réconforter les blessés, la radio britannique exhortait à la résistance et s’efforçait d’atténuer les conséquences pratiques et les effets psychologiques des raids de terreur. A force de disserter sur la ville « touchée en plein cœur » et sur la fragilité de la puissance américaine, les principaux médias ont, de part et d’autre de l’Atlantique, multiplié à l’infini les échos des attentats. C’est donner là un immense encouragement aux apprentis terroristes.

C’est aussi favoriser la panique industrielle : sans s’interroger sur la possibilité d’étaler dans le temps le choc provoqué par les attentats, les compagnies aériennes ont décidé immédiatement des licenciements massifs qui ne feront qu’aggraver la récession économique générale. La panique industrielle a évidemment accru la panique boursière, et le krach des marchés financiers contribuera à réduire la consommation des ménages américains…

Cette logique implacable a provoqué la chute des marchés européens, et aura les mêmes conséquences désastreuses sur l’activité économique. Réputé rationnel, auto-correcteur et créateur de richesses, le système ultralibéral est pris au piège de mouvements paniques qui se cumulent, s’enchaînent et finissent par former une boucle mortelle.

Je n’oublie pas que le président américain a multiplié les déclarations et les gestes virils. Je n’ignore pas l’apologie du patriotisme américain, complaisamment répercutée par les principaux médias français qui se sont également mobilisés pour soutenir les cours de Wall Street. Mais la chute du Dow Jones et du Nasdaq ont montré que les spéculateurs étaient étrangers aux vertus patriotiques, de même que les patrons américains qui agissent en fonction de critères financiers. Et les déclarations belliqueuses de George W. Bush n’ont fait qu’ajouter à l’angoisse.

Ces brèves remarques sur la catastrophe en cours devraient faire réfléchir les dirigeants français et leurs collègues européens. Ils ont voulu s’intégrer au marché globalisé, ils sont touchés de plein fouet par ses contradictions et emportés par le vent de panique. Ils ont cru, ou fait semblant de croire, que la construction européenne et plus particulièrement la « forteresse euro » nous protégeraient des agressions extérieures et nous assurerait la prospérité. Nous constatons que l’Europe de l’Ouest est à tous égards prise au jeu pervers des passions, des pulsions et des paniques qui se déchaînent de l’autre côté de l’Atlantique. De même que les populations américaines, nous payons et nous paieront très cher les fautes et les erreurs de nos dirigeants.

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Article publié dans le numéro 778 de « Royaliste » – 1er octobre 2001

 

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