Il revient, avec des citations formidables et des mots compliqués : le stratège de Nicolas Sarkozy, toujours sûr de lui malgré la défaite de son patron, explique comment la droite pouvait reprendre le pouvoir.
Patrick Buisson au Figaro (1), c’est épastrouillant. Le bonhomme cite Thomas d’Aquin en latin, évoque Jean Jaurès, disserte sur le « capital d’autochtonie » (2) avant de récupérer à sa manière les analyses du géographe Christophe Guilluy. Il s’agit là d’un étalage grossièrement disposé par un camelot de la vieille droite. Sous l’esbroufe conceptuelle, on retrouve une manipulation des foules qui a fonctionné en 2007 et échoué en 2012 pour des raisons que Patrick Buisson ne parvient pas à comprendre.
Il nous explique que Nicolas Sarkozy a tenu un discours patriotique, face à la pensée mondialiste. Mais le discours n’est pas un acte qui suffit à créer une réalité. Charles de Gaulle est évoqué à tort puisque la parole gaullienne était, quant à elle, suivie d’effets : par exemple, l’indépendance nationale se traduisit par le départ de l’OTAN. Nicolas Sarkozy a au contraire réintégré la prétendue « famille occidentale » et n’a jamais remis en cause le libre échange dans les sommets internationaux. Supposer que le peuple invoqué par Patrick Buisson ne s’est pas aperçu de l’entourloupe, c’est faire preuve d’un sacré mépris !
Ce discours patriotique abondamment produit par Henri Guaino avait un objectif précis : faire accepter l’ultralibéralisme comme une fatalité. Selon Patrick Buisson, les Français ont déjà accepté le repli du pouvoir politique face à la logique de l’économie. Certes, ils désignent comme prioritaires l’emploi, le pouvoir d’achat et la santé mais « ces items ont en commun de ne se prêter à aucune discussion. Ils sont purement rhétoriques au sens où leur négativité n’existe pas » car personne n’est pour le chômage, la baisse du pouvoir d’achat et de la protection sanitaire ! C’est brillant mais faux. Le chômage est un choix, parfois explicite, la baisse du pouvoir d’achat est réclamée tous les quatre matins par Nicolas Doze sur BFM TV et le thème des économies à faire dans les hôpitaux implique à terme une baisse de la qualité des soins. Comment imaginer que les électeurs de droite vont accepter le point de vue des oligarques alors que le Front national dénonce la régression ultralibérale en recopiant les économistes hétérodoxes ?
Cette « difficulté », lourde de conséquences électorales, est niée par Patrick Buisson qui affirme que les Français abandonnés des périphéries urbaines vont adhérer au discours sur l’immigration clandestine et aux thèmes identitaires qui leur seront fourgués en guise de remède à la dureté des temps par la droite buissonnière.Encore une fois, les Français oubliés ne sont pas aveugles. Ils ont constaté que le discours sécuritaire et les gesticulations patriotiques de Nicolas Sarkozy, au pouvoir depuis 2002, n’avaient rien changé à leurs conditions de vie, que la grande crise est venue aggraver. Le discours identitaire de Patrick Buisson et de Jean-François Copé produit ses effets habituels : la justification de la thématique du Front national qui pourra toujours surenchérir sur l’UMP et aggraver le sentiment d’insécurité culturelle tout en affirmant pouvoir répondre à l’insécurité économique et sociale. Patrick Buisson est conscient de cette menace puisqu’il déclare que la droite doit être en mesure de « bâtir une offre sociale protectrice en direction de cette France industrielle et rurale des « perdants » de la mondialisation ».
Cette « offre sociale » sera tout aussi illusoire que «l’offre patriotique » puisque, encore une fois, la mondialisation – autrement dit le libre-échange – n’est pas remise en cause. Le très subtil Patrick Buisson ne voit pas qu’il est un stratège sans troupes : il se présente comme le théoricien d’un parti patriotique qui vit sous diverses bannières hors de l’UMP alors qu’il n’est que le petit Machiavel des fondés de pouvoir du capitalisme financier.
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(1) Numéro du 13 novembre, page 14.
(2) Cette notion semble mal comprise. Cf. l’article de Nicolas Renahy dans « Regards sociologiques », n° 40, 2010.
Article publié dans le numéro 1023 de « Royaliste » – 2012
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