Le livre et les notes que Pierre Mendès-France rédigea pendant la guerre nous rappellent qu’il fut un combattant héroïque et un politique pleinement dévoué à la France libre.
Issu d’une famille judéo-portugaise installée à Bordeaux à la suite des persécutions catholiques ibériques, député radical de l’Eure à partir de 1932 puis sous-secrétaire d’Etat au Trésor dans le second gouvernement Blum, franc-maçon de surcroît, Pierre Mendès-France avait toutes les raisons d’être haï par l’extrême-droite. Il le fut.
Pourtant, le jeune député est un patriote exemplaire. Engagé volontaire en 1939, lieutenant dans l’armée de l’air, il passe le brevet de navigant à Beyrouth et revient en France le 4 mai 1940. Muté à Bordeaux, il s’embarque sur le Massilia pour poursuivre la guerre. Arrêté pour « désertion » sur ordre du général Noguès, résident général au Maroc, puis transféré à Clermont-Ferrand, il est jugé et condamné à six ans de prison par le tribunal militaire.
Le récit de ces moments de déroute et de trahison est saisissant. On voit comment des officiers – à commencer par Noguès – passent de confortables compromis avec eux-mêmes et avec Vichy puis deviennent les complices actifs de la dictature. Vengeances méticuleuses, négation permanente des règles de droit, antisémitisme virulent : les ennemis du régime et les simples suspects sont persécutés jusqu’en prison et Pierre Mendès-France est tout particulièrement visé.
Le jeune officier s’évade, connaît les errances du clandestin puis rejoint Londres et sert sur un bombardier du groupe Lorraine comme navigateur – sans jamais pouvoir prendre le commandement de son appareil car l’antisémitisme subsiste chez certains officiers de la France libre. Mais c’est bien ce juif, ce franc-maçon, ce ministre du Front populaire que le général de Gaulle fait venir à Alger pour le nommer commissaire aux finances du Comité français de libération nationale puis ministre de l’Economie dans le Gouvernement provisoire.
Gaulliste rigoureux, Pierre Mendès-France se séparera le 6 avril 1945 du Général qui refuse la politique d’austérité que préconisait ce « collaborateur d’une exceptionnelle valeur ». A cette époque, les conflits politiques se tenaient sur les hauteurs, dans le souci primordial de la patrie.
***
(1) Pierre Mendès-France, Ecrits de résistance, Biblis inédit, CNRS Editions, 2018.
0 commentaires