Pôle républicain : De la dérive au naufrage

Juin 24, 2002 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Décidé dans la panique au soir du 5 mai, le retournement stratégique du Pôle a conduit ses dirigeants à la déroute qu’ils voulaient éviter lorsqu’ils ont décidé de renouer avec la gauche. Des centaines de candidats ont été jetés dans une mêlée en eaux troubles, des centaines de milliers d’électeurs ont été cruellement déçus.

Dès le 5 mai au soir, et au plus tard le 6, lors de la réunion du bureau du Pôle républicain, il était clair que ses dirigeants effectifs (Jean-Pierre Chevènement, Georges Sarre, Didier Motchane) ne reviendraient pas sur le changement de ligne qu’ils avaient décidé. Ceci malgré les objurgations de celles et ceux qui dénonçaient dans la volonté d’accord électoral avec les socialistes une erreur tactique et une faute politique (1).

Au cours de la campagne pour les législatives, la troïka a persévéré dans l’erreur et aggravé la faute. Cette attitude a été durement sanctionnée lors du premier tour : preuve est faite que la dérive volontaire vers la gauche conduisait au naufrage. Jean-Pierre Chevènement mis en ballottage dans sa circonscription ; Georges Sarre éliminé dans le 11ème arrondissement de Paris alors qu’il semblait inexpugnable, de même que Michel Suchod en Dordogne ; plus de quatre cents candidats jetés dans une bataille sur des mots d’ordre ambigus – les grands principes républicains se mélangeant aux petits arrangements de coulisses, par exemple à Tulle où le Pôle a appelé à voter dès le premier tour pour François Hollande.

Au total, la perte des quatre cinquième des voix recueillies au premier tour de l’élection présidentielle ! Noir bilan, surtout quand on connaît les objectifs poursuivis par Jean-Pierre Chevènement et ses proches : sauver les sièges des députés de l’ancien MDC, préserver le capital électoral, se faire pardonner par les socialistes l’éviction de Lionel Jospin et ne pas se faire accuser d’avoir provoqué la défaite de la gauche aux législatives. Les sièges ont été perdus, le capital électoral a fondu, et les socialistes ont été impitoyables malgré les actes de repentance et les protestations de fidélité :

Dès le lancement de sa campagne, à Belfort le 23 mai, Jean-Pierre Chevènement affirmait qu’il n’avait jamais « renié la gauche » et que son projet n’avait pas changé : « rassembler les hommes et les femmes de gauche dans une refondation républicaine ». Qui conviait, pendant la campagne présidentielle, tous les patriotes à cette refondation ? Celui qui se désignait comme « l’homme de la nation ».

Qui écrivait, pendant la campagne des législatives, que le Pôle « doit être en mesure de rassembler toutes celles et tous ceux qui, venus d’horizons divers, l’ont soutenu durant les derniers mois » ? Georges Sarre, dans une lettre adressée à la NAR et dans laquelle l’ancien député disait sa « très grande tristesse » de voir la Nouvelle Action royaliste quitter le Pôle républicain. Dans la même missive, Georges Sarre nous assurait qu’il ne s’agissait pas de créer « un super-MDC ». Quelques jours plus tard, une journaliste du Parisien (14/6/02) rapportait la réponse de Jean-Pierre Chevènement à une de ses électrices : « Le MDC et le Pôle, c’est la même chose, c’est juste un changement de nom ». Double langage, qui suscite maintes protestations (2)…

Et c’est encore Jean-Pierre Chevènement qui, au lendemain de la déroute électorale du Pôle, appelait « les électrices et les électeurs du Pôle Républicain à se mobiliser pour assurer la présence de députés d’opposition, bien sûr socialistes, mais aussi communistes, Verts là où il y en a, dans la prochaine Assemblée, car il faut qu’il y ait un certain équilibre, en tout cas qu’il n’y ait pas un trop grand déséquilibre ». Voici la famille réunie : les socialistes, dénoncés voici peu comme identiques à leurs adversaires de droite, les communistes superbement ignorés et les Verts autrefois si rudement brocardés. Ceci sous prétexte qu’il faut faire bonne mesure entre le Pareil et le Même.

Ultime illusion : l’homme qui voulait faire turbuler le système n’a même plus le moindre poids à mettre dans la balance.

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(1) cf. Royaliste, n° 795, page 3 : « Eclatement du Pôle ».

(2) Communiqués et tribunes sur le site http://www.revue-politique.com/ qui remplace, dans le même esprit, celui du club du 21 septembre précédemment signalé à l’attention de nos lecteurs.

 

Article publié dans le numéro 797 de « Royaliste » – 24 juin 2002

 

 

 

 

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