Pour l’unité nationale

Jan 4, 2017 | Res Publica

On se souvient des mots prêtés au général de Gaulle évoquant Georges Bernanos à la Libération : « Celui-là, je n’ai jamais pu l’atteler à mon char ». Pourtant, l’écrivain avait été pendant la guerre parmi les plus gaulliens des gaullistes… Il faut bien sûr relire ces temps-ci « Les grands cimetières sous la lune » mais c’est le verbe utilisé par le général de Gaulle qui retient aujourd’hui mon attention. Atteler, c’est le mot d’un chef d’Etat  longtemps chef de guerre, qu’il faut reprendre pour affronter une période de troubles.

Comment ? En expliquant aux candidats à la présidentielle qu’ils doivent avoir pour première ambition de s’atteler au rétablissement de l’unité nationale. Le président de la République est l’homme qui doit incarner cette unité – tel est bien le premier devoir de sa charge. Cela signifie que les candidats doivent cesser de se payer de mots. Il y a depuis trop longtemps un baratin sur « l’identité nationale » à droite et un autre sur le « vivre-ensemble » à gauche qui provoquent de graves confusions sur fond d’évidences.

Evidence de l’identité, si l’on prend soin de dire qu’elle n’est rien d’autre que le synonyme de l’égalité, principe fondamental de notre République. Evidence de l’identité nationale si l’on prend soin de préciser que la nation française se définit par son histoire, toute son histoire, et par le droit qu’elle a engendré.

Evidence du « vivre-ensemble » et même du « vivre ensemble avec nos différences » puisque nous l’avons toujours fait : la vieille France connaissait beaucoup plus de différences sociales, culturelles, linguistiques, coutumières que notre France moderne travaillée par de nombreux facteurs d’uniformisation.

Ces évidences n’ont plus cours. En réaction aux discours « réalistes » de l’économisme et de l’européisme, on a bricolé les concepts d’identité et de différence pour fabriquer des semblants d’idéologie, identitaire et communautariste, qui fonctionnent toujours sur le mode de l’exclusion. La fiction identitaire ne fonctionne que dans le rejet de l’arabo-musulman fantasmé. La communauté élective répudie les principes communs à l’ensemble de la nation. Les dirigeants politiques de droite et de gauche manipulent ces concepts et exploitent ces fantasmes pour gagner des voix, sans comprendre qu’ils portent de plus en plus atteinte à l’unité nationale dont ils devaient être les garants. Dans la presse écrite et radiophonique, les entrepreneurs de guerre civile prospèrent sur ce terreau. Double régression : les « Indigènes » de gauche refont les guerres coloniales et, à droite, les polémistes identitaires rêvent du grand nettoyage ethnique sans oser un réel engagement sur le mode serbe et croate.

Je ne prétends pas que nous sommes au bord de la guerre civile (1) mais il faut dénoncer les mots d’ordre belliqueux et bloquer les mécaniques violentes d’autant plus rapidement que les djihadistes veulent provoquer par leurs attentats la montée aux extrêmes. Attention cependant. L’unité nationale ne se refait pas à coup d’homélies sur les valeurs et d’injonctions moralisantes : c’est une exigence politique qui implique la mise en œuvre de principes politiques – les principes fondamentaux de notre droit. Dans l’histoire de France, l’unité nationale s’est faite par des actes de souveraineté qui affirmaient la force de l’Etat face aux divisions intérieures et l’indépendance de l’Etat face aux menaces extérieures. C’est ce que nie la gauche communautariste : elle vit hors sol, dans le rejet de notre collectivité. C’est ce que nie l’extrême droite identitaire, qui milite pour un sol purifié selon un programme a-national et antipolitique.

Un candidat à la présidence de la République ne saurait pactiser avec l’une ou l’autre de ces tendances – qu’il s’agisse de Jean-Luc Mélenchon exposé à l’extrême-gauche différentialiste ou de  Marine Le Pen et de François Fillon exposés à la surenchère des identitaires. C’est la dialectique de l’unité et de la diversité qu’il faut faire prévaloir par de nouveaux actes de souveraineté libérant la France et les Français des assujettissements diplomatiques et militaires, économiques et monétaires. C’est en réaffirmant la souveraineté de la nation qu’un président de la République peut amener les citoyens, aussi divers soient-ils dans leurs appartenances religieuses et sociales, à se retrouver pour une cause commune, en « attelant » les plus décidés au service de l’Etat.

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(1)  Cf. sur ce blog : « Vers la guerre civile ? » https://bertrand-renouvin.fr/des-discours-sur-la-guerre-3-chronique-128/

Editorial du numéro 1113 de « Royaliste » – 2017

 

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