En quel sens la crise de sens ? Autrement dit : cette crise évoquée par le président de la République (1) touche-t-elle seulement les « jeunes des banlieues » ?
Certainement pas ! La classe dominante présente, depuis bien des années, des symptômes qui alarment maints psychiatres éminents et de bons observateurs de la vie politique. Sans utiliser le vocabulaire médical, qui n’est pas le nôtre, je dirai platement que les dirigeants de droite et de gauche nous donne le spectacle d’une totale confusion des rôles, signe de leur désordre mental.
Preuve en est l’intervention télévisée de Jacques Chirac, après la vague de violences urbaines : nous avons entendu un psychanalyste décrire la « crise d’identité » d’adolescents, un sociologue pointer la « crise des repères », un moraliste souligner la nécessité de l’autorité parentale, un pédagogue annoncer des sanctions et la juste rétribution des mérites. De diagnostics en réprimandes, le message présidentiel devenait absurde : l’homme qui déplorait la perte des repères effaçait sa fonction politique éminente et privait ainsi les Français de leur principal point de repère !
En fin d’allocution, Jacques Chirac, premier ministre de 1986 à 1988 et président de la République depuis dix ans, donnait l’impression qu’il venait d’arriver aux affaires et annonçait les premières mesures d’urgence après avoir dressé un constat accablant de la situation.
Cette attitude, littéralement insensée, est tout aussi répandue chez les dirigeants de la gauche qui jouent les experts comptables et les maîtres de vertu. Eux qui sont aux affaires, en alternance, depuis bientôt un quart de siècle, jouent toujours aussi parfaitement la découverte peinée de « problèmes » à résoudre… et qui restent finalement en l’état.
Ces hauts responsables qui dissertaient avec talent sur la culture d’opposition et la culture de gouvernement ont inventé, sous la houlette de François Hollande, l’art d’être dans l’opposition sans s’opposer à la majorité par des campagnes d’opinion. Celles de l’Union de la gauche avaient une autre allure : il est vrai que la bataille quotidienne se menait selon des idées qui étaient autant de repères, sur un programme clair et discutable, avec des chefs qui n’étaient ni des technocrates pusillanimes, ni des corrompus notoires, ni des névropathes en quête de divan.
Quand le sens de la vie se réduit à une simple gestion de carrière au sein d’une oligarchie qui réunit les personnels de droite et de gauche, on comprend que ceux qui s’expriment à la télévision n’aient rien à dire aux groupes sociaux qui subissent toutes les conséquences de leur démission politique.
Il ne suffit pas de récuser l’oligarchie. La tâche des militants politiques est de répondre politiquement à la « crise du sens » en présentant à la nation leur projet politique. Nous avons formé le nôtre en nous plaçant sous l’égide de philosophes, de sociologues, d’économistes, d’historiens, sans chercher à jouer les savants mais en gardant la pleine liberté de nos jugements et de nos choix politiques. Ce projet général (2) se détaille en propositions simples quant à la crise sociale qui s’est manifestée par la révolte primitive de certains habitants des zones urbanisées.
En France, la politique d’intégration, de jeunes ou de chômeurs adultes, quelles que soient leurs origines et leur religion, s’est faite et se fera selon trois moyens :
L’école, mise à l’abri des modes pédagogiques et se donnant les objectifs premiers de l’instruction publique ;
Le travail pour tous, avec augmentation du salaire de chacun, ce qui implique un bouleversement radical de la politique économique et monétaire en France et dans l’Union européenne ;
La politisation délibérée de la révolte sociale par des militants refusant que leur parti soit une antichambre de carriériste, une écurie de candidats, un club d’aristocrates plus ou moins corrompus.
Organiser la lutte politique pour donner aux nouvelles générations le désir de l’engagement collectif et pour redonner vie à la démocratie représentative : voilà qui est à la portée d’innombrables militants décidés à redonner sens à l’action politique.
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(1) Allocution du 14 novembre.
Editorial du numéro 870 de « Royaliste » – 2005
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